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PETIT- JE A N.

On l'entend bien toujours. Qui voudra mordre

DANDI N.

morde.

Appellez les témoins.

LEANDRE.

C'est bien dit, s'il le peut.

Les témoins font fort chers, & n'en a pas qui veut,

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Nous en avons pourtant, & qui font fans reproche.

DANDI N.

Faites-les donc venir.

PETITJEA N.

Je les ai dans ma poche.

Tenez: voilà la tête & les pieds du chapon;

Voyez-les, & jugez.

L'INTIM É.

Je les récufe.

DANDI N.

Bon!

Pourquoi les récufer?

L'INTIM É.

Monfieur, ils font du Maine.

y

DANDI N.

Il est vrai que du Mans il en vient par douzaine.

L'INTIM É.

Meffieurs

DANDI N.

Serez-vous long, avocat, dites-moi? 1)

L'INTIM É.

Je ne réponds de rien.

DAN DI N.

Il eft de bonne foi.

L'INTIMÉ, d'un ton finiffant en fauffet.

Meffieurs, tout ce qui peut étonner un coupable; 2) Tout ce que les mortels ont de plus redoutable,

1)

Serez-vous long, avocat, dites-moi ?]

Le premier préfident du parlement de Paris, demanda un jour à l'avocat Montauban, s'il feroit long; l'avocat répondit: Oui. Du moins, dit le premier président, vous êtes de bonne foi.

2) Meffieurs, tout ce qui peut étonner un coupable; &c.] Racine a parodié ici un plaidoyer du célebre Patru, qui, dans la cause d'un pâtiffier contre un boulanger, se servit de l'exorde de Ciceron, dans fon oraifon pro Quintio : QUÆ RES in civitate dua plurimum poffunt, ha contra nos ambæ faciunt in hoc tempore, fumma gratia & eloquentia. Quarum alteram C. Aquili vereor, alteram metuo, &c. L'acteur, chargé

Semble s'être affemblé contre nous par hafar,
Je veux dire la brigue & l'éloquence. Car,
D'un côté, le crédit du défunt m'épouvante,
Et, de l'autre côté, l'éloquence éclatante
De maître Petit-Jean m'éblouit.

DANDI N.

Avocat,

De votre ton vous-même adouciffez l'éclat.

L'INTIM É.

(d'un ton ordinaire.) (du beau ton.) Oui dà, j'en ai plufieurs.... Mais quelque défiance Que nous doive donner la fufdite éloquence Et le fufdit crédit; ce néanmoins, Meffieurs, L'encre de vos bontés nous raffure. D'ailleurs, Devant le grand Dandin l'innocence est hardie; Oui, devant ce Caton de baffe Normandie, Ce foleil d'équité qui n'eft jamais terni, Victrix caufa diis placuit, fed victa Catoni. 1) DANDI N.

Vraîment, il plaide bien.

du rôle de l'Intimé, imitoit, en plaidant, les inflexions de voix des avocats de ce temps-là.

1) Vidrix caufa diis placuit, fed victa Catoni.]

Ce vers eft un des plus beaux de la Pharfale de Lucain;

:

il fignifie Les dieux fe font déclarés pour le parti des vainqueurs, mais Caton étoit du parti des vaincus.

L'INTIM É.

Sans craindre aucune chofe,

Je prends donc la parole & je viens à ma cause. Ariftote, primo, peri-politicon, 1)

Dit fort bien ....

DANDI N.

Avocat, il s'agit d'un chapon,

Et non point d'Ariftote & de fa politique, 2)

L'INTIM É.

Oui; mais l'autorité du péripatétique
Prouveroit que le bien & le mal......

1) Ariftote, primo, peri-politicon.]

Trait de critique qui, felon Louis Racine, fut fuggéré à fon pere par un difcours que fit le chancelier Bellievre à la reine Elifabeth, pour en obtenir la grace de Marie Stuard; l'orateur, après avoir épuifé tous les traits d'histoire qui avoient rapport à fon fujet, cite des paffages d'Homere, de Platon & de Callimaque. De Thou, liv. LXXXVI.

2)

Avocat, il s'agit d'un chapon,

Et non point d'Ariftote & de fa politique. ]

Ceci est une imitation de l'épigramme 19 du livre VI de Martial, que M. de la Monnoye a traduit ainfi :

Pour trois moutons qu'on m'avoit pris,

J'avois un procès au bailliage.

Gui, le phénix des beaux efprits,

Plaidoit ma caufe, & faifoit rage.

Quand il eut dit un mot du fait,

Pour exagérer le forfait,

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