Imágenes de página
PDF
ePub

DANDI N.

Tu prétends faire ici

Oh, je vois ce que c'eft!

de moi ce qu'il te plaît;

Tu ne gardes pour moi respect, ni complaifance;
Je ne puis prononcer une feule fentence:
Acheve, prends ce fac, prends vîte. 1)

LEANDRE.

Hé, doucement,

Mon pere! Il faut trouver quelque accommodement. Si, pour vous, fans juger, la vie est un fupplice; Si vous êtes preffé de rendre la justice, 2)

Il ne faut point fortir pour cela de chez vous. Exercez le talent, & jugez parmi nous.

DANDI N.

Ne raillons point ici de la magistrature :
Vois-tu; je ne veux point être un juge en peinture.

1) Acheve, prends ce fac, prends vite.]

Dandin dit, acheve & prends ce fac, du ton dont le pere de Rodrigue dit au comte de Gormas:

Acheve, & prends ma vie.

C'est encore une parodie du Cid.

A&. I. fcen. VI.

2) Si vous êtes preffé de rendre la justice.]

DansAristophane, Bdélycléon effaie de même de perfuader à fon pere de renoncer à la manie qu'il a de juger. Ceffez, dit-il, d'aller prononcer des jugements; ou, puifque vous y attachez tant de plaifir, bornez-vous à être le juge de vos domestiques.

LEANDRE.

Vous ferez, au contraire, un juge fans appel,
Et juge du civil comme du criminel.

Vous pourrez, tous les jours, tenir deux audiences;
Tout vous fera chez vous matiere de fentences.
Un valet manque-t-il de rendre un verre net,
Condamnez-le à l'amende 1); ou, s'il le caffe, au fouet.
DANDI N.

C'eft quelque chofe. Encor paffe quand on raisonne : Et mes vacations, qui les paîra? Perfonne? 2)

1) Condamnez-le à l'amende ; ou, s'il le caffe, au fouet.} Voilà, dit M. l'abbé d'Olivet, le feul exemple qui refte dans tout Racine, d'un le, pronom relatif, mis après fon verbe, & devant un mot qui commence par une voyelle : condamnez-le à l'amende. Encore faut-il obferver que cela fe trouve dans une comédie. Mais dans les premieres éditions de fa Thébaïde & de fon Alexandre, il y en avoit cinq ou fix autres exemples...... Racine a fenti que l'élifion de cet article le bleffoit entiérement l'oreille,

Dans Ariftophane, Bdélycléon indique de même à fon pere les délits particuliers qui pourront être la matiere de fes jugements: S'il arrive, dit-il, que votre fervante ouvre votre porte à votre infçu, vous lui ferez porter la peine de ce crime. 2) C'est quelque chofe. Encor paffe quand on raifonne :

Et mes vacations, qui les paira? Perfonne ?}

Je me rends à ces raifons, dit Philocléon, mais tu ne dis point qui paiera mes honoraires? Je m'en charge, répond le fils. A la bonne heure, reprend le pere, Guêpes d'Ariftophane.

LEANDRE.

Leurs gages vous tiendront lieu de nantiffement.

DANDI N.

H parle, ce me femble, affez pertinemment.

LEANDRE.

Contre un de vos voisins......

SCENE XIV.

PETIT-JEAN, L'INTIME, DANDIN, LÉANDRE.

PETITJEA N.

ARRÊTE, arrête, attrape. 1)

LÉ ANDRE, à l'Intimé.

Ah! c'est mon prifonnier, fans doute, qui s'échappe ! L'INTIMÉ.

Non, non, ne craignez rien.

1) Arrête, arrête, attrape.]

Chez Ariftophane le chien ne vole point un chapon, mais un fromage: le poëte introduit pour cela, un efclave, qui fe contente de pester après cet animal, fans se mettre en peine de courir après lui: Hélas! dit-il, pourquoi nourrir un pareil chien? Le tour qu'a pris Racine eft infiniment plus vif.

PETITJEAN.

Tout eft perdu... Citron... Votre chien... vient là-bas de manger un chapon : 1) Rien n'eft für devant lui; ce qu'il trouve il l'emporte.2) LEANDRE.

Bon! voilà pour mon pere une caufe 3). Main forte. Qu'on fe mette après lui. Courez tous.

DANDI N.

Point de bruit,

Tout doux. Un amené fans scandale fuffit.

1)

Tout eft perdu... Citron...

Votre chien... vient là-bas de manger un chapon.]

Le même défordre, & par conféquent le même art regne dans le récit grec:

Eft-ce que Labès... tout à l'heure. . .

mangé un fromage entier de Sicile?

votre chien... n'a pas

2) Rien n'eft für devant lui; ce qu'il trouve il l'emporte.] Ce vers eft une parodie de deux autres de Malherbe dans l'ode à Henri IV, où ce poëte dit, en parlant d'un fleuve: Rien n'eft fûr en fon paffage,

Ce qu'il trouve il le ravage.

3) Bon! voilà pour mon pere une caufe.]

A peine Dandin a-t-il confenti à la propofition que fon fils lui fait de juger, qu'il s'en présente une occafion.

Dans le poëte grec, le fils de Philocléon profite de la même circonftance: il n'eft pas plutôt inftruit du vel commis par fon chien, qu'il prend le parti de dénoncer ce crime à fon

pere.

LÉ ANDRE.

Çà, mon pere, il faut faire un exemple authentique. Jugez féverement ce voleur domestique.

DANDI N.

Mais je veux faire au moins la chofe avec éclat. Il faut, de part & d'autre, avoir un avocat; 1)

Nous n'en avons pas un.

LEANDRE.

Hé bien, il en faut faire.

Voilà votre portier & votre fecretaire,
Vous en ferez, je crois, d'excellents avocats;
Ils font fort ignorants. 2)

L'INTIM É.

Non pas, Monfieur, non pas.

J'endormirai Monfieur tout auffi bien qu'un autre.

PETIT JE A N.

Pour moi, je ne fçais rien, n'attendez rien du nôtre.

1) Il faut, de part & d'autre, avoir un avocat.] C'est d'Aristophane que Racine a pris encore cette idée. 2) Vous en ferez, je crois, d'excellents avocats ;

Ils font fort ignorants. ]

Ces contre-vérités fentent le fel attique & la maniere d'Aristophane. La comédie du Méchant offre plufieurs traits de cette efpece; & fur-tout celui où Cléon fe promet qu'une noirceur qu'il médite, produira un effet

Bien fcandaleux, bien bon.

« AnteriorContinuar »