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Pouvez-vous confentir à rentrer dans fes fers? 1) Penfez-vous qu'Hermione, à Sparte inexorable Vous prépare en Épire un fort plus favorable? Honteux d'avoir pouffé tant de voeux fuperflus, 2) Vous l'abhorriez. Enfin, vous ne m'en parliez plus. Vous me trompiez, Seigneur.

OREST E.

Je me trompois moi-même.
Ami, n'accable point un malheureux qui t'aime. 3)
T'ai-je jamais caché mon cœur & mes defirs?
Tu vis naître ma flamme & mes premiers foupirs.
Enfin, quand Ménélas disposa de fa fille

En faveur de Pyrrhus, vengeur de sa famille
Tu vis mon défefpoir; & tu m'as vu depuis
Traîner, de mers en mers, ma chaîne & mes ennuis.

1) Par quel charme, oubliant tant de tourments foufferts, Pouvez-vous confentir à rentrer dans fes fers?]

On lit dans la premiere édition :

» Par quels charmes, après tant de tourments foufferts, » Peut-il vous inviter à rentrer dans les fers»?

2) Honteux d'avoir pouffé tant de vœux fuperflus,

Vous l'abhorriez, &c.]

Racine prend fans doute veux pour foupirs: on dit bien pouffer des foupirs, mais non pas pouffer des vœux.

3) Ami, n'accable point un malheureux qui t'aime.]

On trouve dans quelques éditions:

» Ami, n'infulte point un malheureux qui t'aime ».

1)

Je te vis, à regret, en cet état funefte,
Prêt à fuivre par-tout le déplorable Oreste;
Toujours de ma fureur interrompre le cours,
Et de moi-même enfin me fauver tous les jours.
Mais quand je me fouvins que, parmi tant d'allarmes,
Hermione à Pyrrhus prodiguoit tous fes charmes
Tu fçais de quel courroux mon cœur alors épris, 2)
Voulut, en l'oubliant, punir tous fes mépris. 3)
Je fis croire, & je crus ma victoire certaine :
Je pris tous mes tranfports pour des transports de
haine;

Déteftant fes rigueurs, rabaiffant fes attraits,

Je défiois fes yeux de me troubler jamais.

Voilà comme

crus étouffer ma tendresse.

1) Toujours de ma fureur interrompre le cours,

Et de moi-même, enfin, me fauver tous les jours. ]

Le poëte a grand foin d'éloigner tout ce qui pourroit rendre Orefte odieux. Il attribue habilement fa fureur à un désespoir amoureux.

2) Tu fçais de quel courroux mon cœur alors épris.]

On dit épris d'amour, mais on ne dit point épris de cour

roux.

3) Voulut, en l'oubliant, punir tous fes mépris.]

Dans la premiere édition, Racine avoit mis:

» Voulut, en l'oubliant, venger tous fes mépris ». Subligny lui reprocha cette expreffion, & ce grand homme lui fubftitua celle-ci,

En ce calme trompeur, j'arrivai dans la Grece ; 1)
Et je trouvai d'abord fes princes raffemblés,
Qu'un péril affez grand fembloit avoir troublés.
J'y courus. Je penfai que la guerre & la gloire
De foins plus importants rempliroient ma mémoire ;2)
Que mes fens reprenant leur premiere vigueur,
L'amour acheveroit de fortir de mon coeur;
Mais admire avec moi le fort, dont la pourfuite
Me fait courir alors au piege que j'évite. 3)
J'entends de tous côtés qu'on menace Pyrrhus:
Toute la Grece éclate en murmures confus: 4).
On fe plaint, qu'oubliant fon fang & fa promeffe,
Il éleve en fa cour l'ennemi de la Grece,

1) En ce calme trompeur, j'arrivai dans la Grece. ]

VARIANTE.

» Dans ce calme trompeur, j'arrivai dans la Grece ». 2) De foins plus importants rempliroient ma mémoire.] Ma mémoire eft mis ici pour mon efprit.

Tous les critiques fe font récriés contre cette expreffion. Nous ne fçavons pas pourquoi un poëte n'auroit point le privilege de multiplier les fynonymes de fa langue. 3) Me fait courir alors au piege que j'évite.]

On lifoit d'abord :

» Me fait courir moi-même au piege que j'évite ». 4) Toute la Grece éclate en murmures confus.

Plus la Grece eft en mouvement, & plus l'ambassade d'Orefte eft importante: plus auffi il y a d'intérêt dans la piece.

Aftyanax, d'Hector jeune & malheureux fils,
Refte de tant de rois fous Troye enfevelis.
J'apprends que, pour ravir fon enfance au fupplice,
Andromaque trompa l'ingénieux Ulyffe ; 1)
Tandis qu'un autre enfant, arraché de ses bras,
Sous le nom de fon fils, fut conduit au trépas.
On dit que, peu fenfible aux charmes d'Hermione,
Mon rival porte ailleurs fon cœur & fa couronne.
Ménélas, fans le croire, en paroît affligé,
Et fe plaint d'un hymen fi long-temps négligé.
Parmi les déplaifirs où fon ame fe noie,
Il s'éleve en la mienne une fecrette joie.
Je triomphe, & pourtant je me flatte d'abord
Que la feule vengeance excite ce transport;
Mais l'ingrate en mon cœur reprit bientôt fa place;
De mes feux mal éteints je reconnus la trace;
Je fentis que ma haine alloit finir fon cours,
Ou plutôt je fentis que je l'aimois toujours.
Ainfi de tous les Grecs je brigue le fuffrage.
On m'envoie à Pyrrhus : j'entreprends ce voyage.
Je viens voir fi l'on peut arracher de ses bras
Cet enfant dont la vie allarme tant d'États.

1) Andromaque trompa l'ingénieux Ulysse.]

Ce n'est point ici le cas d'appeller Ulyffe ingénieux; d'ailleurs, fon nom ôte toute vraisemblance au fait qu'il s'agiffoit d'établir,

Heureux, fi je pouvois, dans l'ardeur qui me preffe,
Au lieu d'Aftyanax, lui ravir ma princeffe !

Car enfin, n'attends pas que mes feux redoublés,
Des périls les plus grands, puiffent être troublés.
Puifqu'après tant d'efforts ma résistance est vaine,
Je me livre, en aveugle, au transport qui m'entraîne. 1)
J'aime je viens chercher Hermione en ces lieux
La fléchir, l'enlever, ou mourir à fes yeux.
Toi qui connois Pyrrhus, que penses-tu qu'il fasse ?
Dans fa cour, dans fon cœur, dis-moi ce qui se passe.
Mon Hermione encor le tient-elle affervi? 2)
Me rendra-t-il, Pylade, un bien qu'il m'a ravi?3)

PY LAD E.

Je vous abuserois, fi j'ofois vous promettre
Qu'entre vos mains, Seigneur, il voulût la remettre.
Non que de fa conquête il paroiffe flatté;
Pour la veuve d'Hector fes feux ont éclaté;

1) Je me livre, en aveugle, au transport qui m'entraîne.] Racine avoit mis d'abord:

» Je me livre, en aveugle, au deftin qui m'entraîne ».

2) Mon Hermione encor le tient-elle affervi?]

On ne diroit point aujourd'hui mon Hermione, ma Zaïre. 3) Me rendra-t-il, Pylade, un bien qu'il m'a ravi?]

VARIANTE.

» Me rendra-t-il, Pylade, un cœur qu'il m'a ravi?

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