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d'Euripide, qui la fait vivre jufqu'au combat & à la mort de fes deux fils. Et c'eft à propos de quelque contrariété de cette nature, qu'un ancien commentateur de Sophocle remarque fort bien 1): Qu'il ne faut point s'amufer à chicaner les poëtes pour quelques changements qu'ils ont pu faire dans la fable; mais qu'il faut s'attacher à confidérer l'excellent ufage qu'ils ont fait de ces changements, & la maniere ingénieuse dont ils ont fçu accommoder la fable à leur fujet.

1) Sophoclis Electra.

ACTEURS.

ANDROMA QUE, veuve d'Hector, captive

de Pyrrhus.

PYRRHUS, fils d'Achille, roi d'Épire.

ORESTE, fils d'Agamemnon.

HERMIONE, fille d'Hélene, accordée avec

Pyrrhus.

PYLADE, ami d'Oreste.

CLÉONE, confidente d'Hermione.

CÉPHISE, confidente d'Andromaque.

PHENIX, gouverneur d'Achille, & enfuite de Pyrrhus.

Suite d'Orefte.

La fcene eft à Buthrote 1), ville d'Épire, dans une falle du palais de Pyrrhus.

1) Buthrote ne fut conftruite que depuis la mort de Néoptoleme, par Andromaque & par Hélénus, qui la bâtirent fur le plan de l'ancienne Troye. Ils nommerent porte de Scée la principale porte, & Xante, le petit bras de riviere qui paffoit dans la plainę. Virgile, lib. III.

Effigiem Xanthi, Trojamque videtis

Quam noftræ fecere manus.

2

ANDROMAQUE.

ACTE PREMIER.

SCENE PREMIERE.

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ORESTE, PYLADE.

OREST E.

UI, puifque je retrouve un ami fi fidele, Ma fortune va prendre une face nouvelle; Et déjà fon courroux femble s'être adouci, Depuis qu'elle a pris foin de nous rejoindre ici. Qui l'eût dit, qu'un rivage à mes vœux fi funefte, Présenteroit d'abord Pylade aux yeux d'Orefte? Qu'après plus de fix mois que je t'avois perdu, A la cour de Pyrrhus tu me ferois rendu? 1)

1) Qu'après plus de fix mois que je t'avois perdu,

A la cour de Pyrrhus tu me ferois rendu?]

Pylade eft à la cour de Pyrrhus fix mois avant Oreste,

PYLAD E.

J'en rends graces au ciel, qui, m'arrêtant fans ceffe, Sembloit m'avoir fermé le chemin de la Grece; Depuis le jour fatal que la fureur des eaux, Prefqu'aux yeux de l'Épire, écarta nos vaisseaux. Combien, dans cet exil, ai-je fouffert d'allarmes ? Combien à vos malheurs ai-je donné de larmes? 2)

& Oreste arrive d'Argos, ainfi ils pourront naturellement s'inftruire, l'un & l'autre, de ce qui s'eft paffé en Épire & à Mycene.

On peut encore obferver qu'Orefte, dans ces huit premiers vers, inftruit le fpectateur du lieu de la scene, de fon nom, & de celui de Pylade. Racine, jusqu'à présent, ne s'étoit point affujetti à cette regle,

1) Depuis le jour fatal que la fureur des eaux, Prefqu'aux yeux de l'Épire, écarta nos vaisseaux.]

VARIANTE.

"Depuis le jour fatal que la fureur des eaux, » Presqu'aux yeux de Mycene, écarta nos vaiffeaux », 2) Combien à vos malheurs ai-je donné de larmes?]

Orefte tutoye Pylade, & Pylade ne tutoye point Oreste. Eft-ce ainfi que doivent fe traiter deux hommes, dont l'amitié eft regardée comme le modele du plus parfait attachement? Il nous femble qu'il auroit été plus intéreffant de voir ces deux amis, pleins d'une douce confiance, se traiter avec la même familiarité. Racine a voulu, fans doute, donner par là quelque fupériorité à Oreste, afin que fon rôle frappât davantage.

1

Craignant toujours pour vous quelque nouveau

danger,

Que ma triste amitié ne pouvoit partager.
Sur-tout, je redoutois cette mélancolie,
Où j'ai vu fi long-temps votre ame enfevelie.
Je craignois que le ciel, par un cruel fecours,
Ne vous offrît la mort que vous cherchiez toujours.
Mais je vous vois, Seigneur; &, fi j'ofe le dire,
Un deftin plus heureux vous conduit en Épire.
Le pompeux appareil qui fuit ici vos pas,
N'eft point d'un malheureux qui cherche le trépas.
OREST E.

Hélas! qui peut fçavoir le deftin qui m'amene?
L'amour me fait ici chercher une inhumaine. 1)
Mais qui fçait ce qu'il doit ordonner de mon fort,
Et fi je viens chercher, ou la vie, ou la mort?

PY LAD E.

Quoi! votre ame, à l'amour, en esclave affervie, Se repofe fur lui du foin de votre vie!

Par quel charme, oubliant tant de tourments foufferts

1) L'amour me fait ici chercher une inhumaine. } Ce vers eft un peu langoureux; il n'annonce pas, d'une maniere affez décidée, le fujet vraiment tragique de la piece.

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