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Monfieur, tous mes procès alloient être finis.
Il ne m'en reftoit plus que quatre ou cinq petits;
L'an contre mon mari, l'autre contre mon pere,
Et contre mes enfants. Ah, Monfieur, la mifere!
Je ne fçais quel biais ils ont imaginé,

Ni tout ce qu'ils ont fait. Mais on leur a donné
Un arrêt, par lequel, moi vêtue & nourrie,
On me défend, Monfieur, de plaider de ma vie. 1)
CHICANE A U,

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1) Un arrêt, par lequel, moi vêtue & nourrie, On me défend, Monfieur, de plaider de ma vie.] Ariftophane fait dire à Philocléon, dans les Guêpes:

Mon fils, ô citoyens! ne peut fouffrir que je juge; il ne me permet pas de faire le moindre mal dans Athenes: au furplus, il s'offre à me faire paffer ma vie dans les feftins; mais je n'ai garde d'en paffer par des conditions fi dures.

CHICANE A U.

Comment! lier les mains aux gens de votre sorte? Mais cette penfion, Madame, eft-elle forte ?

LA COM TESS E.

Je n'en vivrois, Monfieur, que trop honnêtement. Mais vivre, fans plaider, eft-ce contentement ? CHICA NEA U.

Des chicaneurs viendront nous manger jufqu'à l'ame, Et nous ne dirons mot? Mais, s'il vous plaît, Madame Depuis quand plaidez-vous ?

LA COMTESSE.

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Et quel âge avez-vous? Vous avez bon visage.

LA COMTES SE.

Hé, quelque foixante ans. 1)

1) Hé, quelque foixante ans, ]

Dans la converfation, on se servoit jadis de quelque pour environ.

Pour plaider.

CHICANE A U.

Comment! c'est le bel âge

LA COM TESS E.

Laiffez faire, ils ne font pas au bout.

J'y vendrai ma chemise; & je veux rien, ou tout. CHI C AN E A U.

Madame, écoutez-moi. Voici ce qu'il faut faire. LA COM TESS E.

Oui, Monfieur, je vous crois comme mon propre pere. CHICA NE A U.

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CHICANE A U.

Mais daignez donc m'entendre.

LA COM TESS E.

Oui, vous prenez la chose ainfi qu'il la faut prendre.

1

CHICANE A U.

Avez-vous dit, Madame?

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LA COM TESS E.

Hélas! que ce Monfieur eft bon !

CHI C AN E A U.

Si vous parlez toujours, il faut que je me taife. LA COM TESS E.

Ah, que vous m'obligez ! je ne me fens pas d'aife.

CHICANE A U.

J'irois trouver mon juge, & lui dirois....

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CHICANE A U.

LA

Liez-moi.

COMTESSE.

Monfieur, je ne veux point être liée. 1)

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Boileau avoit été témoin d'une scene pareille; il confeilla à Racine de s'en fervir, & Racine en profita: voici le fait, rapporté par Broffette dans fes remarques fur Boileau.

La comteffe de C***, plaideuse de profeffion, paffoit toute fa vie dans les procès. Le parlement de Paris, fatigué de fon obftination à plaider, lui défendit d'intenter aucun procès fans l'avis, par écrit, de deux avocats qu'on lui défigna. Cette interdiction de plaider la mit dans une fureur inconcevable. Après avoir laffé de fon défespoir les juges, les avocats & fon procureur, elle alla renouveller fes plaintes à M. Boileau le greffier, frere de Defpréaux, chez qui se trouva par hafard M. L*** neveu de Meffieurs Boileau. Cet homme, qui croyoit avoir trouvé l'occafion de fe rendre utile, s'avifa de donner des conseils à cette plaideuse: elle les écouta d'abord avec avidité; mais, par un mal entendu qui furvint entr'eux, elle crut qu'il vouloit l'infulter, & l'accabla d'injures.

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La premiere fois qu'on joua les Plaideurs, l'actrice qui repréfentoit la comteffe de Pimbesche, prit un habit couleur de rofe feche, & fe mit un mafque fur l'oreille; c'étoit l'ajustement ordinaire de la comteffe de C***. Il étoit permis au poëte de prendre le caractere de cette plaideuse, mais l'actrice étoit très-condamnable. On ne doit, dans la

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