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Un grand homme fec, là, qui me fert de témoin
Et qui jure pour moi lorfque j'en ai befoin;
Qu'il m'attende. Je crains que mon juge ne forte.
Quatre heures vont fonner. Mais frappons à fa

PETIT-JEAN, entr'ouvrant la porte.

porte.

Qui va là?

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CHICANE A U.

Hé, rendez donc l'argent. Le monde eft devenu, fans mentir, bien méchant. J'ai vu que les procès ne donnoient point de peine; Six écus en gagnoient une demi-douzaine.

Mais aujourd'hui je crois que tout mon bien entier
Ne me fuffiroit pas pour gagner un portier.
Mais j'apperçois venir Madame la comteffe
De Pimbefche. Elle vient pour affaire qui preffe.

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Sans mentir, mes valets me font tourner l'efprit. Pour les faire lever, c'eft en vain que je gronde; Il faut que, tous les jours, j'éveille tout mon monde. CHICANE A U.

Il faut abfolument qu'il fe faffe céler.

LA COM TESS E.

Pour moi, depuis deux jours, je ne lui puis parler.

CHICANE A U.

Ma partie eft puiffante, & j'ai lieu de tout craindre. LA COM TESSE.

Après ce qu'on a fait, il ne faut plus fe plaindre. CHICA NE A U.

Si pourtant, j'ai bon droit. 1)

LA COM TESS E.

Ah, Monfieur! quel arrêt!

CHICANE A U.

Je m'en rapporte à vous. Écoutez, s'il vous plaît.

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Il faut que vous fçachiez, Monfieur, la perfidie....

СНI САN E A U.

Ce n'eft rien dans le fond.

LA

COMTESSE.

Monfieur, que je vous die....

CHICA NE A U.

Voici le fait. Depuis quinze ou vingt ans en çà, Au travers d'un mien pré certain ânon paffa,

1) Si pourtant, j'ai bon droit.]

On peut remarquer que le fi avec pourtant n'eft plus d'usage. Racine a encore employé cette expreffion, afle II. pag. 240. Si, pourtant;

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» Sur toute cette affaire, il faut que je le voie ».

S'y veautra, non fans faire un notable dommage,
Dont je formai ma plainte au juge du village.
Je fais faifir l'ânon. Un expert est nommé;
A deux bottes de foin le dégât estimé.
Enfin, au bout d'un an fentence par laquelle
Nous fommes renvoyés hors de cour. J'en appelle.
Pendant qu'à l'audience on pourfuit un arrêt,
Remarquez bien ceci, Madame, s'il vous plaît,
Notre ami Drolichon, qui n'est pas une bête,
Obtient, pour quelque argent, un arrêt fur requête;
Et je gagne ma caufe. A cela, que fait-on?
Mon chicaneur s'oppose à l'exécution.

Autre incident: tandis qu'au procès on travaille,
Ma partie en mon pré laiffe aller sa volaille;
Ordonné qu'il fera fait rapport à la cour

Du foin que peut manger une poule en un jour.
Le tout joint au procès, enfin, & toute chose
Demeurant en état, on appointe la cause,
Le cinquieme ou fixieme avril cinquante-fix.
J'écris fur nouveaux frais. Je produis, je fournis
De dits, de contredits, enquêtes, compulsoires, 1)
Rapports d'experts, tranfports, trois interlocutoires,

1) De dits, de contredits, enquêtes, compulfoires, &c.] On demandera peut-être comment Racine avoit fçu tous ces termes de barreau? Ce fut M. de Brilhac, confeiller au parlement de Paris, qui les lui apprit.

Griefs & faits nouveaux, baux & procès-verbaux. J'obtiens lettres royaux, & je m'infcris en faux. Quatorze appointements, trente exploits,fix inftances, Six-vingt productions, vingt arrêts de défenses, Arrêt enfin. Je perds ma caufe avec dépens, Eftimés environ cinq à fix mille francs.

Eft-ce là faire droit? Est-ce là comme on juge Après quinze ou vingt ans? Il me reste un refuge, La requête civile eft ouverte pour moi,

Je ne fuis pas rendu. Mais vous, comme je vois, Vous plaidez?

Je......

1)

LA COM TESS E.

Plût à Dieu !

CHICANE A U.

J'y brûlerai mes livres.

LA COMTE S S E.

CHICANE A U.

Deux bottes de foin cinq à fix mille livres ! 1)

Deux bottes de foin cinq à fix mille livres !] Ce trait paroît un peu outré, il n'eft pas cependant fans exemple; il eft rapporté dans l'éloge hiftorique de M. Boivin, qu'il foutint un procès pour une redevance de vingt-quatre fols, dont il prétendoit qu'une maifon qu'il avoit achetée devoit être exempte. Ce procès, qu'il perdit, dura douze ans, & lui coûta douze mille livres de frais.

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