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PRÉFACE
ÉDITEURS.

DES

RACINE avoit obtenu le Prieuré de l'Epinay. Un régulier prétendant que ce bénéfice ne pouvoit être poffédé que par un régulier, le lui difputa en justice, & l'emporta. C'est là, comme Racine le dit lui-même, le procès que ni lui ni fes juges n'entendirent jamais, & qui donna lieu à la comédie des Plaideurs que l'auteur fit pour fe confoler.

Boileau, la Fontaine, Chapelle, Furetiere, & plufieurs autres perfonnes diftinguées par leurs talents & leur naiffance, fe raffembloient fouvent chez un traiteur. Dans une de ces affemblées, Racine communiqua à ses amis le deffein qu'il avoit d'ajuster les Guêpes d'Aristophane à notre théâtre. Chacun s'empreffa de fournir à l'auteur les différents traits qui pouvoient avoir rapport à ce projet; & cette piece fut bientôt achevée.

La comédie des Plaideurs fut jouée pour la premiere fois au mois de novembre 1668, fur le théâtre de l'hôtel de Bourgogne. On jugea avec févérité ce qui n'étoit qu'un badinage; & la piece n'eut que deux repréfentations. Moliere affifta à la feconde; &, quoique brouillé avec Racine, il s'écria en fortant, que tous ceux qui s'en moquoient, méritoient qu'on se moquât d'eux. Un mois après, les comédiens étant à la cour, & ne fçachant quelle petite picce donner, rifquerent cette comédie. Louis XIV, qui étoit naturellement férieux, fut frappé de la maniere dont les ridicules des juges & des plaideurs étoient faifis; il y fit de grands éclats de rire; & la cour, qui n'eut pas befoin de complaifance pour l'imiter, confirma, par ses applaudissements, le jugement que Moliere avoit porté de cette comédie.

Les comédiens partirent de Saint-Germain à onze heures du foir. A peine furent-ils arrivés à Paris, qu'ils coururent annoncer à l'auteur le fuccès inefpéré de fa piece. Racine logeoit alors à l'hôtel des Urfins; trois carroffes

après minuit dans une rue où l'on n'en avoit jamais tant vu ensemble, réveillerent tous les voifins on fe mit aux fenêtres. Comme on vit que ces carroffes étoient arrêtés à la porte de Racine, on ne douta point qu'on ne vînt l'enlever pour avoir mal parlé des magiftrats dans fa comédie. Le lendemain. tout Paris le crut à la conciergerie. Ce qui contribua beaucoup à faire croire cette chimere, c'eft qu'effectivement un vieux confeiller des requêtes s'étoit plaint hautement de la liberté que Racine avoit prise de railler les juges en plein théâtre.

Racine n'eft point l'inventeur de ce genre fingulier de comédie, qui n'a point encore été imité par aucun de nos auteurs; les Guêpes d'Aristophane lui en ont fourni le modele. Avant de donner le précis de cette piece, il n'est peut-être pas inutile de faire connoître en peu de mots cet auteur, appellé le comique par excellence, parce qu'il porta chez les Grecs la vieille comédie à fa perfection. Platon, fon contemporain, lui donne les plus grands éloges; il dit même que les graces,

cherchant un afyle digne d'elles, l'avoient trouvé chez Ariftophane. Plutarque,qui vivoitplus de cinq fiecles après lui, en parle d'une maniere tout à fait différente ; il prétend que ses ouvrages font moins faits pour les honnêtes gens que pour la vile populace, ou des hommes fans mœurs & perdus de débauches. A ne juger du génie d'Ariftophane que fur les ouvrages qui nous restent de lui, on peut très-bien affurer que fon fiel eft amer, que fes plaifanteries font fanglantes & indignes d'un honnête homme, que fes portraits font des fatyres cruelles, & fes faillies des jeux de mots bas & burlesques. Ce qu'on peut dire pour fa justification, c'est qu'ayant écrit dans un temps où les loix avoient abandonné la scene comique à la licence la plus effrénée, la néceffité où il fe trouva de plaire à un peuple vain, jaloux, inconftant & railleur, doit faire excufer les moyens dont il s'eft fervi pour y réuffir.

PRÉCIS DES GUÊPES

D'ARISTOPHAN E.

PHILOCLÉON eft un juge à qui la manie de vouloir toujours juger, & fur-tout condamner, a fait tourner la tête. Ses folies ont déterminé Bdélycléon fon fils à le faire garder par fes esclaves. Les autres juges, déguisés en guêpes, arrivent fur la scene dans l'attirail le plus grotesque; furpris de ne point voir avec eux Philocléon, ils l'appellent par leurs cris. Ce juge infenfé leur apprend, par les fentes de fa porte, qu'il eft retenu prisonnier par fon fils. Ses confreres lui conseillent de s'échapper pendant que fon fils dort, ils lui fuggerent même des expédients dont il profite. Bdélycléon apprend que fon pere eft defcendu par la fenêtre, il accourt après lui, fuivi de fes efclaves. Ceci donne lieu à un combat risible entre les juges & les valets du fils de Philocléon, & à un très-grand nombre de traits fatyriques qui font tout le plaisant de cette scene. Bdélycléon eft contraint de fe

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