SCENE DERNIERE. PYLADE, ORESTE, Soldats d'Orefte. PYLAD E. L faut partir, Seigneur. Sortons de ce palais, Ou bien réfolvons-nous de n'en fortir jamais. Nos Grecs, pour un moment, en défendent la porte, Tout le peuple affemblé nous poursuit à main forte. Aux ordres d'Andromaque ici tout est soumis, lls la traitent en reine, & nous comme ennemis. Andromaque elle-même, à Pyrrhus fi rebelle Lui rend tous les devoirs d'une veuve fidelle, Commande qu'on le venge; & peut-être qu'encor Elle pourfuit fur nous la vengeance d'Hector. 1) Allons. N'attendons pas que l'on nous environne; Nos Grecs nous rejoindront. Et, tandis qu'Hermione Tient encore le peuple autour d'elle arrêté, Voilà notre chemin, marchons de ce côté. 1) Commande qu'on le venge; & peut-être qu'encor Elle pourfuit fur nous la vengeance d'Heflor.} On lit dans quelques éditions: » Commande qu'on le venge; & peut-être fur nous Veut venger Troye encore, & fon premier époux », OREST E. Non, non, c'eft Hermione, amis, que je veux fuivre, A fon dernier arrêt je ne puis plus furvivre. 1) Partez; j'ai fait le crime, & je vais l'expier. PY LAD E. Hermione, Seigneur, il la faut oublier. OREST E. que vous mouriez ? Elle meurt! Dieux ! qu'entends-je ? PY LAD E. Hé quoi, vous l'ignoriez ? En rentrant dans ces lieux, nous l'avons rencontrée, 1) Non, non, c'eft Hermione, amis, que je veux fuivre, A fon dernier arrêt je ne puis plus furvivre. ] VARIANTE. » Non, non, Un poignard à la main, fur Pyrrhus fe courber, 1) Lever les yeux au ciel, fe frapper, & tomber. OREST E. Grace aux dieux, mon malheur paffe mon espérance!2) 1) Un poignard à la main, fur Pyrrhus fe courber, &c.] La maniere dont Racine fait mourir Hermione eft imitée des Phéniciennes d'Euripide, comme on l'a obfervé dans les remarques fur la Thébaïde. 2) Grace aux dieux, mon malheur passe mon espérance! Efpérance eft mis ici pour attente. Le mot d'efpérance ne fe prend jamais en mauvaise part. 3) Mais quelle épaiffe nuit tout à coup m'environne!] Virgile avoit dit : Furiis agitatus Oreftes. Voilà ce qui a donné lieu à ce morceau de Racine. Les De quel Ah, Seigneur ! fureurs d'Orefte dans l'Électre de Crébillon nous femblent plus naturelles; il vient de tuer fa mere, & c'est le moment où il doit être agité par les furies: cependant Crébillon paroît avoir été guidé par Racine dans cet endroit. Ses images font à peu près les mêmes; le lecteur fera bien aife de les comparer : Racine. » Mais quelle épaiffe nuit tout à coup m'environne! Crébillon. » Mais quoi! quelle vapeur vient obfcurcir les airs! " Racine. Grace au ciel, j'entrevois, &c. » Grace au ciel, on m'entrouvre un chemin aux enfers! Racine. » Venez-vous m'enlever dans l'éternelle nuit ? Crébillon. » Cachons-nous dans l'horreur de l'éternelle nuit. Racine. Quoi, Pyrrhus, je te rencontre 'encore ! ORESTE. Quoi, Pyrrhus, je te rencontre encore! Trouverai-je par-tout un rival que j'abhorre? Percé de tant de coups, comment t'es-tu fauvé ? Tiens, tiens, voilà le coup que je t'ai réservé. Mais que vois-je! A mes yeux Hermione l'embraffe! Elle vient l'arracher au coup qui le menace! Dieux, quels affreux regards elle jette fur moi! Quels démons, quels ferpents traîne-t-elle après foi? Hé bien, filles d'enfer, vos mains font-elles prêtes? 1) » Tiens, tiens, voilà le coup que je t'ai réservé. Mais que vois-je ! à mes yeux Hermione l'embrasse. » Dieux! quels affreux regards elle jette fur moi ! Égyfthe, c'en eft trop... il faut qu'à ma colere... » Quels regards ! où fuirai-je »! 1) Hé bien, filles d'enfer, vos mains font-elles prêtes?] Ces fureurs font imitées de l'Orefte d'Euripide. Boileau en a traduit ce morceau : Mere cruelle, arrête! éloigne de mes yeux Ces filles de l'enfer ces fpectres odieux. Ils viennent. Je les vois. Mon fupplice s'apprête. Quels horribles serpents leur fiffent fur la tête ! |