Et, prêt à me venger, je lui fais déjà grace! Le perfide triomphe, & fe rit de ma rage. 1) Il penfe voir en pleurs diffiper cet orage.] Voilà un des grands mérites de Racine: il fait parler fes acteurs poétiquement, & jamais le poëte ne paroît; il n'est point déclamateur lorsqu'il veut être éloquent; il est toujours vrai, toujours naturel; fes images naiffent toujours de la paffion; fes maximes font toujours fondues dans le fentiment. 2) Qu'il meure.] Cet il, felon l'ordre grammatical, fe rapporte à Orefte; mais felon le fens, c'est à Pyrrhus. Ce fens fe présente fi naturellement à l'efprit, qu'on ne peut en foupçonner un autre. C'eft Pyrrhus feul qui occupe Hermione, c'eft Pyrrhus feul qui doit mourir. A le vouloir! Hé quoi! c'est donc moi qui l'ordonne! Sa mort fera l'effet de l'amour d'Hermione ! Ce prince, dont mon cœur fe faifoit autrefois, A qui même en fecret je m'étois destinée 1) Je n'ai donc traverfé tant de mers, tant d'États.) On a déjà remarqué que les monologues n'avoient rien de naturel lorsqu'ils étoient un peu longs: celui d'Hermione eft dans ce cas. Sa douleur eft trop vive pour lui permettre tant de discours: on pourroit encore lui reprocher des dé tails trop fpirituels. Ah, devant qu'il expire!.... 2) Autrefois devant & avant s'employoient indifféremment l'un pour l'autre ; mais aujourd'hui on les diftingue, avant eft relatif au tems (comme le remarque M. l'abbé d'Olivet); on dit avant votre départ, & non devant votre départ. Devant eft relatif au lieu; j'ai paru devant le roi, mais on ne fait pas fuivre la propofition devant du que comme celle d'avant. Racine n'a point fait une faute ici, parce que cette maniere de parler étoit en ufage de fon temps. 茶 SCENE II. HERMIONE, CLÉONE HERMIONE. AH! qu'ai-je fait, Cléone, & que viens-tu me dire? Que fait Pyrrhus? CLÉON E. Il est au comble de fes voeux; Le plus fier des mortels, & le plus amoureux. Je l'ai vu vers le temple, où fon hymen s'apprête, Mener, en conquérant, fa nouvelle conquête; 1) Et d'un œil, où brilloient fa joie & fon efpoir, 2) S'enivrer, en marchant, du plaifir de la voir. 1) Je l'ai vu Mener, en conquérant, fa nouvelle conquête. ] Cette forte de jeux de mots n'eft pas dans le goût de Racine, 2) Et d'un œil, où brilloient fa joie & fon espoir.] Dans la premiere édition ce vers étoit ainfi : » Et d'un œil qui déjà dévoroit fon espoir », Subligny remarqua qu'un œil ne dévoroit point fon efpoir, & Racine y fubftitua ce vers, qui laiffe une belle image du triomphe de Pyrrhus. Andromaque, au travers de mille cris de joie, HERMIONE. Et l'ingrat, jufqu'au bout il a pouffé l'outrage! CLÉON E. Madame, il ne voit rien. Son falut & fa gloire 1) Autour du fils d'Hector il a rangé fa garde.] Ces petits détails ne font point inutiles; ils apprennent au spectateur que Pyrrhus fe livre tranquillement à la fureu d'Hermione, & au fer d'Orefte. Phoenix même en répond, qui l'a conduit exprès 1) Dans un fort éloigné du temple & du palais. Voilà, dans fes transports, le feul foin qui lui refte. HERMIONE. Le perfide! Il mourra..... Mais que t'a dit Orefte? CLÉON E. Orefte, avec fes Grecs, dans le temple eft entré. HERMION E. Hé bien, à me venger n'eft-il pas préparé? Je ne fçais. CLEONE. HERMIONE. Tu ne fçais ! Quoi donc, Orefte encore... Orefte me trahit! CLÉON E. Orefte vous adore; Mais de mille remords fon efprit combattu, 2) 1) Phanix même en répond, qui l'a conduit exprès.] Il faudroit, pour l'exactitude de la conftruction, Phanix même, qui l'a conduit (Aftyanax ) exprès dans un fort éloigné du temple & du palais, en repond. 2) Mais de mille remords fon efprit combattu.] Cette incertitude rend Orefte moins odieux, elle rend auffi le spectateur & Hermione inquiets fur ce qui doit arriver. |