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d'époufer le fils d'Achille. Elle implore fon fecours. Orefte, qui l'aime toujours, & qui ne vient en Épire que pour l'enlever, profite de cette circonftance pour la reprendre. Pélée apprend prefqu'en même temps & l'enlevement d'Hermione & la mort de Pyrrhus, tué dans une fédition qu'Oreste avoit fomentée à Delphes. Son corps eft apporté fur le théâtre. Pélée se livre à l'affliction la plus vive; mais Thétis vient le confoler, en lui promettant l'immortalité, & en lui prédifant que le jeune Moloffus, refte du fang des Éacides, régnera dans la Theffalie, & aura une longue fuite de defcendants. Telle eft la piece d'Euripide. Ce poëte, plus voifin que nous des événements qu'il représentoit, n'étoit pas le maître, comme Racine, de rien changer à des incidents connus.

A MADAME*.

MADAME,

CE E n'eft pas fans fujet que je mets votre illuftre nom à la tête de cet ouvrage. Et de quel autre nom pourrois-je éblouir les yeux de mes lecteurs, que de cetui dont mes spectateurs ont été fi heureusement éblouis? On fçavoit que VOTRE ALTESSE ROYALE avoit daigné prendre foin de la conduite de ma tragédie; on fçavoit que vous m'aviez prêté quelques-unes de vos lumieres , pour y ajouter de nouveaux ornements; on

* C'étoit Henriette-Anne d'Angleterre, premiere femme de Monfieur, frere unique de Louis XIV, morte à Saint-Cloud le 30 juin 1670 prefque fubitement, & en difant qu'elle étoit empoisonnée. Mémoires pour fervir à l'hift. nouv. de l'Europe depuis 1600, par le pere d'Avrigni, jéfuite, tom. III.

fçavoit enfin que vous l'aviez honorée de quelques larmes dès la premiere lecture que je vous en fis. Pardonnezmoi, MADAME, fi j'ofe me vanter de cet heureux commencement de fa deftinée. Il me confole bien glorieusement de la dureté de ceux qui ne voudroient pas s'en laiffer toucher. Je leur permets de condamner l'Andromaque tant qu'ils voudront, pourvu qu'il me foit permis d'appeller de toutes les fubtilités de leur efprit au cœur de VOTRE ALTESSE ROYALE.

Mais, MADAME, ce n'eft pas feulement du cœur que vous jugez de la bonté d'un ouvrage, c'est avec une intelligence qu'aucune fauffe lueur ne fçauroit tromper. Pouvons-nous mettre fur la fcene une hiftoire que vous ne poffédiez aussi bien que nous ? Pouvons-nous faire jouer une intrigue, dont vous ne pénétriez tous les refforts? Et pouvons-nous concevoir des fentiments fi nobles & fi délicats qui ne foient infiniment au deffous de la noblesse & de la délicateffe de vos penfées ?

On fçait, MADAME, & VOTRE ALTESSE ROYALE a beau s'en cacher, que dans ce haut degré de gloire où la nature & la fortune ont pris plaifir de vous élever, vous ne dédaignez pas cette gloire obfcure que les de lettres s'étoient réfervée. Et il femble que

gens

vous ayez voulu avoir autant d'avantage fur notre fexe par les connoiffances & par la folidité de votre efprit, que vous excellez dans le vôtre par toutes les graces qui vous environnent. La cour vous regarde comme l'arbitre de tout ce qui fe fait d'agréable. Et nous, qui travaillons pour plaire au public, nous n'avons plus que faire de demander aux fçavants fi nous travaillons felon les regles; la regle fouveraine eft de plaire à VOTRE ALTESSE ROYALE.

Voilà, fans doute, la moindre de vos excellentes qualités. Mais, MADAME, c'est la feule dont j'ai pu parler avec quelque connoiffance, les autres font trop élevées au deffus de moi. Je n'en puis parler fans les rabaiffer par la foibleffe de mes pensées, & fans fortir de la profonde vénération avec laquelle je fuis

MADAME,

DE VOTRE ALTESSE ROYALE,

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Le très-humble, très

obéiffant, & très

fidele ferviteur, RACINE.

PREMIERE PRÉFACE

DE L'AUTEUR.

MES perfonnages font fi fameux dans l'antiquité,

que, pour peu qu'on la connoiffe, on verra fort bien que je les ai rendus tels que les anciens poëtes nous les ont donnés; auffi n'ai-je pas pensé qu'il me fût permis de rien changer à leurs moeurs. Toute la liberté que j'ai prife, ç'a été d'adoucir un peu la férocité de Pyrrhus, que Séneque, dans la Troade, & Virgile, dans le fecond livre de l'Énéide, ont pouffée beaucoup plus loin que je n'ai cru le devoir faire; encore s'eft-il trouvé des gens qui se sont plaint qu'il s'emportât contre Andromaque, & qu'il voulût époufer une captive à quelque prix que ce fit; & j'avoue qu'il n'eft pas affez réfigné à la volonté de fa maîtreffe, & que Céladon a mieux connu que lui le parfait amour. Mais que faire ? Pyrrhus n'avoit lu nos romans; il étoit violent de fon naturel; & tous les héros ne font pas faits pour être des Céladons.

pas

Quoi qu'il en foit, le public m'a été trop favorable pour m'embarraffer du chagrin particulier de deux ou trois perfonnes qui voudroient qu'on réformât tous les héros de l'antiquité pour en faire des

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