CLÉON E. Il vient, Madame, il vient; & vous pouvez juger SCENE III. ORESTE, HERMIONE, CLÉONE. OREST E. AH, Madame! eft-il vrai qu'une fois, Orefte, en vous cherchant, obéiffe à vos loix? Ne m'a-t-on point flatté d'une fauffe espérance? Avez-vous, en effet, fouhaité ma présence? Croirai-je que vos yeux, à la fin défarmés Veulent .. HERMIONE. Je veux fçavoir, Seigneur, fi vous m'aimez. foupçons, éclatoit en reproches contre Pyrrhus; qui triomphoit avec tant d'audace lorfqu'elle fe flattoit de l'époufer, garde un morne filence lorfqu'il s'apprête à s'unir pour jamais avec Andromaque. Mais que fon filence eft éloquent! c'eft le comble de la douleur & de la rage. Hüj OREST E. Si je vous aime? O Dieux! Mes ferments, mes parjures, Ma fuite, mon retour, mes refpects, mes injures, Mon défefpoir, mes yeux de pleurs toujours noyés; Quels témoins croirez-vous, fi vous ne les croyez? HERMIONE. Vengez-moi, je crois tout. 1) OREST E. Hé bien, allons, Madame. Mettons encore un coup toute la Grece en flamme. 2) 1) Vengez-moi, je crois tout.] Ce difcours vif & coupé convient parfaitement à l'agitation d'Hermione, 2) Mettons encore un coup toute la Grece en flamme.] Encore un coup ne s'emploie plus guere que d'une maniere abfolue & par forme de parenthese, pour fignifier je vous le répete, je vous le dis encore. Ici cette expreffion fignifie une feconde fois, & ne forme point de fens à part dans la phrase; enforte que le fens grammatical de ce vers eft, mettre la Grece en flamme encore un coup, ce qui ne fe dit point. HERMION E. Non, Seigneur, demeurons. Je ne veux pas fi loin porter de tels affronts. Quoi! de mes ennemis couronnant l'infolence, J'irois attendre ailleurs une lente vengeance Et je m'en remettrois au deftin des combats, Qui peut-être, à la fin, ne me vengeroit pas ? Je veux qu'à mon départ toute l'Épire pleure: 1) Mais, fi vous me vengez, vengez-moi dans une heure. Tous vos retardements font pour moi des refus. Courez au temple. Il faut immoler OREST E. ... Qui? HERMIONE. Pyrrhus. OREST E. Pyrrhus, Madame ? HERMIONE. Hé quoi, votre haine chancelle? Ah! courez, & craignez que je ne vous rappelle. N'alléguez point des droits que je veux oublier; Et ce n'eft pas à vous à le juftifier. 1) Je veux qu'à mon départ toute l'Épire pleure.] Ce vers n'eft point harmonieux. Quel poëte cependant l'eft plus que Racine! OREST E. Moi, je l'excuferois? Ah! vos bontés, Madame, Soyons fes ennemis, & non ses affaffins. Quoi! pour réponse aux Grecs porterai-je fa tête? HERMIONE. Ne vous fuffit-il pas que je l'ai condamné? 1) 1) Ne vous fuffit-il pas que je l'ai condamné?] Quel orgueil ! Hermione croit accorder une grace à Orefte en le choififfant pour affaffiner Pyrrhus. En profe il faudroit, que je l'aie condamné. N'importe. Mais enfin, réglez-vous là-deffus. Hé bien, il faut le perdre, & prévenir fa grace. 1) moment. Aux yeux de tout fon peuple, il faut que je l'opprime, Mais cependant, ce jour, il épouse Andromaque. 1) Hé bien, il faut le perdre, & prévenir sa grace. Il faut... Mais cependant, que faut-il que je fasse?] Grace, qui eft long, ne peut rimer avec faffe, qui eft bref |