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assins devant Saint-Clau, et dommagèrent moult ladicte grosse tour de deux costés, et par espécial par le costé devers la ville, là où le trait fu fait si grant que ung homme armé sur son cheval fust passé parmy. Et fu ladicte tour tout estonnée, perchiée en pluiseurs lieux et presque toute gastée. Mais elle demoura en estant et ne fu point gaignié, car tous les jours y venoient nouvelles gens de Paris. Et firent logis en terre où ilz se tenoient, car en ladicte tour ilz ne se osoient, ne se povoient tenir. Et fu la première petite tour prinse d'assault et le feu bouté dedens, par quoy elle fu presque toute arse, et les molins qui estoient desoulz furent ars et destruis. Mais il n'y eubt aultre chose fait, et demeurèrent les Armignas maistres du pont et de ladicte tour par ce que le duc de Bourgongne et son oost partirent de Paris, et ossi firent ceulx de SaintClau, lesquelx retournèrent en l'oost d'iceluy et allèrent mectre le siège devant Mont-le-Héry.

Le jour que le duc de Bourgongne se deslogea de devant Paris, il fist très-lait tamps et ne cessa de plouvoir. Et furent les Bourguignons ce jour en bataille devant Paris, jusques à tant que toute l'oost fut partie, charroy et tout, et y furent bien sept heures, et puis en partirent en faisant l'arrière-garde. Et celle nuit se loga le duc à Longjumeau, et les Bourguignons qui faisoient le arrière-garde, par le commandement d'iceluy duc, passèrent tout parmy le village de Longjumeau et allèrent logier deux lieues oultre, en faisant l'avantgarde. Et lendemain fu le siège mis devant le chastel de Mont-leHéry et se loga le duc de Bourgongne dedens le village dudit Mont-le-Héry, et ses gens se logèrent ès villages d'entour, et y furent les engiens assis tout entour le chastel, ès vignobles et ailleurs. Et fu l'appareil fait moult grant devant la barrière dudit chastel, et y furent trois gros engins menez. Lesquelx engins devant ladicte barrière assiz, furent une vesprée gectés en si grand radeur que ceulx de la fortresse en furent tous esbahis. Et lendemain furent mandés gens d'armes de chascun estandart et grand nombre d'arbalestriers pour assaillir la fortresse. Et fu conclud que tous lesdis engins seroient ensamble gectés de tous costés. Mais quant ceulx dudit chastel apperchurent ces apparaulx, ilz commenchèrent à parlementer, et, par saulf conduit, allèrent aucuns des plus notables d'iceulx parler au duc de Bourgongne. Et en fin furent d'accord de rendre la fortresse de Mont-le-Héry en l'obéissance d'icelui duc de Bourgongne dedens huyt jour après ensievans, ou cas que de

dens icelui terme ilz ne seroient secourus de secours si puissant que pour faire partir ledit de Bourgongne et sa puissance. Et ce pendant laissèrent devers icelui duc des hostages souffisans, dont il se tint pour contens. Et ce siège durant de Mont-le-Héry, se rendirent ceulx de Marcoussi, et s'en partirent salvement. Et ceulx de Mont-le-Héry envoyèrent devers le conte d'Armignac pour avoir secours de luy et des siens dedens ledit jour de VIII jours, ou se ce non ilz renderoient ladicte fortresse.

Durant le siège de Mont-le-Héry, le seigneur de Jacleville, Jehan de Gingin, Jehan d'Obigny, Jehan et Clavin du Clau, à toute leur puissance, furent envoiiéz à Chartres pour faire mectre la ville de Chartres et le pais d'entour en l'obéissance du Roy et du duc de Bourgongne. Auquel voiage firent tant les dessus nommés que à eulx, el nom que dit est, se rendirent les villes et forteresses d'Estampes, de Chartres, de Gaillardon et autres au pais de Chartrain. Et de tout ce pais fu commis gouverneur ledit de Jacleville.

Par défaulte de secours fu rendue ès mains du duc de Bourgongne la forteresse de Mont-le-Héry et y fu mise garnison de par iceluy duc. Et pareillement fu fait à Marcoussi. Et puis alla le duc de Bourgongne mectre siège à Corbueil. Lequel siège ne se polt tenir longtemps pour deux causes, l'une pour la saison d'iver qui estoit venue, et pour les grandes pluies qui furent à ce tamps si merveilleuses que pluiseurs y prinrent très griesves maladies dont ilz morurent. Et y commença la mortalité moult grande, laquelle se parfina en la ville de Chartres après ce que le duc de Bourgongne y fu arrivé. L'autre cause fu pour ce que la royne de France manda hastivement icelui duc pour aller devers elle à Tours, en Touraine, où elle se tenoit pour lors; et avoit esté toute desrobée de son trésor et de ses joiauix. Et par ce, se party le duc de Bourgongne de son siège de Corbeuil, bien pau devant la Toussains, et prinst son chemin à Chartres, où il ne séjourna gaires, mais s'en alla de tire, à tout une partie de ses gens, audit lieu de Tours, et passa par Vendosme et à Bonneval. Et au jour que la Royne luy avoit fait savoir, il arriva devers elle à l'abbéie de SaintLaurens, au dehors de Tours, par ung matin que on disoit la messe à ladicte abbéie. Et illec parlèrent longuement ensamble, et puis fist la Royne tant, que la ville de Tours fu ouverte et mise en l'obéissance d'icelui duc au nom du roy de France. Et quant le duc s'en party en la compaignie de ladicte Royne, et y laissa

garnison, et en fu Charles Labbé, cappitaine. Lequel Charles la rendi depuis, environ ung an après, en l'obéissance des Armignas, et en demoura luy meisme cappitaine comme devant. Mais tant fist-il de bien, que à ceulx de sa compaignie qui volrent retourner en la compaignie du duc de Bourgongne, il bailla saulf-conduit et les laissa partir sauvement sans eulx rien hoster ne prendre, et les fist conduire hors des périls.

Endementiers que le duc de Bourgongne fist le voiage de Tours et que la plus grant partie de ses gens estoient demourés et logiés ès villages d'entour Chartres, saillirent une nuit les Armignas estans en garnison à Dreux et à Dourdan, sur le point du jour; effondrèrent en ung village nommé Sours, à deux lieues près dudit lieu de Chartres. Auquel village estoit logiés le bastard de Thian, gouverneur de l'estandart du seigneur d'Incy, lequel seigneur d'Incy estoit logiés dedens la ville de Chartres pour la seureté de son corps. Lesquelx Armignas firent moult de maulx audit village et y prirent moult de gens en leurs lis, et en demoura pau que tous ne fussent pris. Et tout ce qu'on y trouva de leurs chevaulx, harnas et aultres choses, que riens n'y laissèrent. Et prirent l'estandart dudit seigneur d'Incy et l'emportèrent avoec eulx.

Or fu l'avanture telle que le frère dudit seigneur d'Incy et ledit bastard ne furent point prins, mais après le département des dis Armignas fist icelui bastard sonner sa trompette pour rassambler les fuyans de sondit logis, et tant fist que il se trouva environ xx chevaulx. Et lors jura que jamais ne retourneroit se saroit quelx gens c'estoient qui emportoient l'estendart de son seigneur. Et commença à chevauchier de tire après eulx tousjours sa trompette sonnant. A celle heure avoit ès villages prochains dudit logis. destroussé, pluiseurs hommes d'armes des gens d'aultres seigneurs de Picardie illec logiés, comme les gens dudit de Luxembourg, du seigneur d'Anthoing et autres, lesquelx estoient sur leur garde et s'estoient levez et esveilliez par la noise que lesdis Armignas avoient fait, et bien apperchurent ledit bastart chevauchier après eulx. Dont pluiseurs d'iceulx furent meuz de le sievir, et montèrent à cheval appellans ly ungs l'autre. Et tant que ledit bastard se trouva assés fors pour assaillir ceulx qui l'avoient destroussé. Et chevauça si asprement, luy et ceulx de sa compaignie, que ilz rataindrent leurs anemis et les assaillirent tèlement que il les desconfirent tous, et rescourent le fust de leur estandart, et ses gens

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que pau en eschappa, lesquelx furent depuis mis à raenchon, et l'estandart du bastard de Sainte-Terre, cappitaine d'iceulx Armignas, fu mis et portés dedens l'église, et devant l'ymage de NostreDame de Chartres, où il pendy moult longuement.

Quant le duc de Bourgogne party de Tours il amena la Roinne de France à Chartres, et durant le tamps de leur séjour audit lieu, le duc de Bourgongne rechut lettres d'aucuns de ses amis de Paris, lesquelles contenoient que il alast hastivement à toute puissance devers ladicte ville, et que à certain jour par eulx devisé esdictes lettres, ilz lui feroient ouverture de ladicte ville. Et pour ce faire party ledit duc et mena ses gens devant la porte par laquelle il devoit avoir ouverture. Mais son département de Chartres et son emprise sur ce, fut sceue par les gouverneurs de Paris, et par tant fu la ville gardée tèlement que point n'y entra. Et quant il vit que il estoit déceuz, il s'en ala à Mont-le-Héry et là donna congié aux Piccars et aux Flamens de eulx en retourner en leurs pais, et il s'en retourna à Chartres avoec les Bourguignons. Et audit lieu de Mont-le-Hery fu commis de par ledit duc, le bastard de Thian à garder, et estoit capitaine général de la ville de Senlis, pour ce que icelui duc avoit intencion de s'en aller à Troies en Champaigne et eslongier ladicte ville de Senlis.

Ainchois que le duc de Bourgongne alast devant Paris ceste dernière foix, Hector de Saveuses, lui xi, avoit prins dedens l'église de Nostre-Dame de Chartres, Elion, seigneur de Jacleville, et pour aucunes rancunes et parolles qu'ilz avoient eu ensamble, icelui Hector fist porter ledit de Jacleville hors d'icelle église et mettre jus emprès l'ostel de l'évesque, et là le mist en tel point à l'aide de ses gens, que il fu du tout affollés et deshonnourés. Et si estoit l'un des plus raddes chevaliers qui fust à ce jour en l'ost d'icelui duc et très grandement en sa grâce. Et après ce fait ledit Hector monta à cheval et ses gens avoec luy, et se party bien hastivement de Chartres, et s'en alla où son estandart estoit logiés, à deux lieuwes près de ladicte ville. Et ledit de Jacleville se fist porter en l'ostel et en la présence du duc de Bourgongne, et là prinst moult pieusement congié de luy. Car il sentoit bien que il ne povoit vivre longuement. Et le duc fu si courouchié de ce fait que il fist armer toutes ses gens parmy la ville et luy meismes se arma pour se poursievir ledit Hector, et fist fremer les portes, et chevauça parmy ladicte ville en armes à très grande compaignie

et alla jusques à la porte par où ledit Hector estoit passé, ainchois que elle euyst esté close. Et par tant s'en retourna icelui duc en son hostel moult courouchié. Mais la paix fu assés tost aprez faicte, pour ce que iceluy duc eubt mestier d'estre acompaigniez et servis audit voiage de Paris dudit Hector et d'autres ses parens et amis.

Quant le duc de Bourgongne se deubt partir de Chartres pour aller à Troyes, il commist gouverneur dudit lieu le nepveu dudit de Jacleville, pour ce que son oncle empiroit de jour en jour. Et moru bien tost après. Et prist ledit nepveu les gens de son oncle et garda Chartres une espace de tamps. Et depuis y fu commis Charles de Lens, chevallier, lequel avoit lors ung grant rengne entour ledit duc de Bourgongne, et estoit gavenier de Cambrésis, et depuis fu amiral de France.

Au moix de décembre partirent de Chartres la royne de France et le duc de Bourgongne, et avoec eulx le josne conte de Saint-Pol, et prirent leur chemin pour aller à Joingny. Et entre Chartres et Joingny ils furent costoyez et poursuys du conte d'Armignac et de toute sa puissance, en nombre de seize estandars. Et quant la Roine et ledit de Bourgongne furent arrivez audit lieu de Joingny, aucuns des cappitaines de la compaignie dudit conte d'Armignac se frappèrent ès logis du seigneur de Brégy, de Montagu, et de ChasVillain, tout d'un train, et y firent grant huée et escharpiel en esrachant jus lanches et estandars, et coururent jusques aux portes de Joingny, et esmurent toute l'ost dudit duc de Bourgongne aux champs et en la ville. Et y eubt pluiseurs cappitaines d'icelle oost qui se mirent sus et poursuirent lesdis Armignas très radement. Et fu le seigneur de Chasteau Villain le premier de tous et celuy qui plus longuement le poursuivy. Mais quant il apperchut la puissance dudit conte d'Armignac mise et arrestée en belle bataille et à laquelle bataille retournèrent lesdis coureurs Armignas, ledit de Chasteauvillain et les aultres poursuivans Bourguignons retournèrent chascuns en son logis. Car ilz n'estoient point fors assez contre telle puissance.

En la ville de Joingny séjournèrent la Royne et le duc de Bourgongne environ chincq jours, et puis s'en partirent et allèrent à Auspierre, où ils séjournèrent une sepmaine ou environ. Et après s'en allèrent à Troyes, où ils arrivèrent la vigille de Noël au disner. Et furent les officiers et bourgois de la ville au devant d'eulx,

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