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AVERTISSEMENT DES ÉDITEURS

L'édition donnée en 1824 par M. Lefèvre est celle que nous avons suivie pour cette réimpression classique. M. Lefèvre avait choisi le texte excellent donné d'après les manuscrits par l'abbé Caron. Il avait adopté la division du Télémaque en dix-huit livres, au lieu de vingt-quatre qu'on trouve dans beaucoup d'éditions. Les manuscrits prouvent, en effet, que la division en dix-huit livres est la véritable, celle qui fut faite par Fénelon lui-même.

M. Lefèvre a enrichi son édition de notes dont les principales indiquent les imitations de l'antiquité, si nombreuses chez Fénelon, et reproduisent le texte original des endroits imités. Voulant offrir au public, et notamment à la jeunesse lettrée, une édition classique du Télémaque, nous avons reproduit toutes les notes utiles à conserver, toutes celles qui contiennent des

VI

AVERTISSEMENT DES ÉDITEURS.

rapprochements et des points de comparaison instruc

tifs.

L'éloge de Fénelon par La Harpe, avec les notes qui l'accompagnent et le complètent, sera lu, nous le croyons, avec plaisir. Quelques-unes de ces pages, trop oubliées peut-être, sont un hommage éloquent rendu à l'un des plus beaux génies de la France.

DE FÉNELON'

PAR LA HARPE

&

Non illum Pallas, non illum carpere livor
Possit.

OVID.

PARMI les noms célèbres qui ont des droits aux éloges publics et aux hommages des peuples, il en est que l'admiration a consacrés, qu'il faut honorer sous peine d'être injuste, et qui se présentent devant la postérité, environnés d'une pompe imposante et des attributs de la grandeur. Il en est de plus heureux qui réveillent dans les cœurs un sentiment plus flatteur et plus cher, celui de l'amour; qu'on ne prononce point sans attendrissement, qu'on n'oublie- rait pas sans ingratitude; que l'on exalte à l'envi, non pas tant pour remplir le devoir de l'équité, que pour se livrer au plaisir de la reconnoissance; et qui, loin de rien perdre en passant à travers les âges, recueillent sur leur route de nouveaux honneurs, et arriveront à la dernière postérité, précédés des acclamations de tous les peuples, et chargés des tributs de tous les siècles.

Tels sont les caractères de gloire qui appartiennent aux vertus aimables et bienfaisantes, et aux talents qui les

1 Cet éloge est imprimé d'après la dernière édition publiée à Paris, du vivant de l'auteur. C'est le discours que l'Académie françoise a couronné en 1771, et non celui qu'on trouve dans le tome III des OEuvres choisies et posthumes de La Harpe. (LEF.....)

2 François de Salignac de La Motte-Fénelon, né le 6 août 1651, au château de Fénelon, en Périgord : il était fils de Pons de Salignac, marquis de Fénelon, et de Louise de La Cropte, sœur du marquis de Saint-Abre. (RAMSAY.)

inspirent. Tels sont ceux du grand homme que la nation célèbre aujourd'hui par la voix de ses orateurs, et sous les auspices de sa première académie. Fénelon est parmi les gens de lettres ce que Henri IV est parmi les rois. Sa réputation est un dépôt conservé par notre amour, et son panégyriste, quel qu'il soit, est surpassé d'avance par la sensibilité de ceux qui l'écoutent. Il n'est peut-être aucune classe d'hommes à qui l'on ne puisse offrir son éloge, et qui ne doive s'y intéresser. Je dirai aux littérateurs, Il eut l'éloquence de l'âme, et le naturel des anciens; aux ministres de l'Église, Il fut le père et le modèle de son peuple; aux controversistes, Il fut tolérant, il fut docile; aux courtisans, Il ne rechercha point la faveur, et fut heureux dans la disgrâce; aux instituteurs des rois, La nation attendoit son bonheur du prince qu'il avoit élevé ; à tous les hommes, Il fut vertueux, il fut aimé. Ses ouvrages furent des leçons données par un génie ami de l'humanité à l'héritier d'un grand empire. Ainsi je rapprocherai l'histoire de ses écrits de l'auguste éducation qui en fut l'objet ; je le suivrai de la gloire à la disgrace, de la cour à Cambrai, sur le théâtre de ses vertus épiscopales et domestiques; et je puis remarquer d'avance comme un trait rare, et peut-être unique, que l'honneur d'être compté parmi nos premiers écrivains, qui suffit à l'ambition des plus beaux génies, est le moindre de Fénelon.

PREMIÈRE PARTIE

Entre les avantages que Fénelon dut à la nature ou à la fortune, à peine faut-il compter celui de la naissance. Un homme tel que lui devoit répandre sur ses ancêtres plus d'illustration qu'il n'en pouvoit recevoir. Un hasard plus heureux peut-être, c'étoit d'être né dans un siècle où il pût prendre sa place. Cette ame douce et tendre, toute remplie de l'idée du bonheur que peuvent procurer aux nations policées les vertus sociales et les sacrifices de l'intérêt et des passions, se seroit trouvée trop étrangère dans ces temps d'ignorance et de barbarie, où l'on ne connoissoit de prééminence que la force qui opprime, ou la politique qui trompe. Sa voix se fût perdue parmi les clameurs d'une multitude grossière, et dans le tumulte d'une cour orageuse. Ses talents eussent été méconnus ou ensevelis; mais la na

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