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Après toutes les Revues qui se sont succédé en Belgique, il peut sembler téméraire d'entreprendre une nouvelle publication de ce genre, même sur des bases complétement différentes.

Personne ne le conteste cependant, une Revue proprement dite est presque indispensable dans notre pays. Il faut un centre d'action à l'esprit littéraire; il faut une sorte de chaire, de tribune publique où les jeunes auteurs viennent essayer leurs forces, où les hommes d'un talent éprouvé soient appelés à faire la critique d'un ouvrage, d'une idée, d'un système, où chacun puisse exposer le fruit de ses recherches, de ses méditations sur un objet déterminé de l'art ou de la science: et cela, sans avoir la peine de rassembler son public, sans craindre de passer inaperçu.

Tel est le but que la REVUE TRIMESTRIELLE espère atteindre; tel est le rôle qu'elle s'efforcera de remplir.

Un semblable recueil ne peut avoir, pour profession de foi, qu'un seul principe, inscrit dans la Constitution belge, le principe du libre examen, qui conduit invinciblement au progrès. Les auteurs se réservent done la responsabilité pleine et entière de leurs œuvres.

Le caractère général de la REVUE TRIMESTRIELLE sera nécessairement plus sérieux que celui des Revues mensuelles ou hebdomadaires, mais il paraît certain que par cela même, elle s'adressera, du moins en Belgique, à un plus grand nombre de lecteurs. Ce n'est point seulement un recueil périodique que l'on feuillette un instant, lors de sa publication, par simple curiosité: ce sont des volumes complets, que l'on peut lire à tête reposée, et qui forment de véritables annales pour la littérature, les sciences et les arts.

DES MOYENS DE PRÉVENIR LES DISETTES

OU

D'EN ATTÉNUER LES EFFETS.

CHAPITRE PREMIER.

CONSIDERATIONS PRÉLIMINAIRES.

Un grand nombre d'écrits ont été publiés sur cet intéressant sujet, qui a occupé les administrateurs et les publicistes depuis les temps les plus reculés. Prétendre que cette question n'est pas épuisée et qu'il y a quelque chose de nouveau à ajouter à tout ce que des esprits éminents en ont dit, ce serait certes aller trop loin et s'attirer le reproche de présomption; aussi bornons-nous nos prétentions à résumer les travaux d'autrui, et surtout à coordonner les moyens qui ont été proposés, pour prévenir les effets désastreux des disettes, par des auteurs qui nous ont paru attacher à chacun de ces moyens isolément une importance trop absolue, tandis que c'est l'emploi simultané ou successif de tous qui nous semble seul efficace. Nous nous appliquerons aussi à combattre quelques anciens préjugés, que le vernis de philantropie, dont ils sont couverts, a fait résister jusqu'ici aux attaques de la saine raison.

Le remède contre les disettes consiste, selon nous, dans l'emploi des trois moyens suivants, à l'examen de

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chacun desquels nous consacrerons un chapitre spécial :

1o La liberté du commerce;

2o Les progrès de l'agriculture;

3o La création d'approvisionnements.

Enfin, dans un cinquième chapitre nous rechercherons quels sont les devoirs des gouvernements dans les époques de disette, s'ils ont pour mission de la prévenir ou de la combattre, et si leur intervention peut y apporter un soulagement efficace.

CHAPITRE II.

INFLUENCE DE LA LIBERTÉ DU COMMERCE.

Ce n'est pas seulement la liberté du commerce des grains que nous réclamons pour combattre la disette; cette liberté, on en jouit chez nous, et elle vient de résister aux efforts des partisans des idées anciennes pour l'anéantir. Le règne des droits à échelle mobile sur les céréales est fini en Angleterre, en Hollande et en Belgique; son jeu est suspendu pour la deuxième fois en France, et ses partisans les plus zélés n'osent plus espérer qu'elle se relèvera de ce coup. Comment croire à l'efficacité d'une mesure dont on est obligé d'arrêter les effets chaque fois qu'une disette menace le pays?

L'expérience démontre déjà, d'ailleurs, que cette liberté, tardivement accordée à la vérité, et à laquelle on n'a pas encore eu le temps de s'habituer, ne suffit pas pour prévenir les disettes. Le commerçant est moralement libre d'aller acheter des grains où bon lui semble, de les transporter dans son pays et de les réexporter

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s'il juge qu'ailleurs il réalisera un plus grand bénéfice. D'où vient donc qu'il ne se livre pas à cette spéculation? Pourquoi les blés si abondants de l'Europe orientale et de l'Égypte n'affluent-ils pas sur nos marchés au point de rétablir les prix à peu près au taux normal? C'est que les moyens matériels lui manquent; il n'a pas l'habitude de ce genre de commerce, il n'en connaît ni les ressources ni les chances; il n'a point de correspondants dans ces pays lointains, point de magasins chez lui, et, surtout, le frêt des navires est trop élevé.

D'où vient tout cela? De ce que la liberté du commerce des grains date d'hier seulement dans presque toute l'Europe. Ce commerce ne s'est donc fait jusqu'ici que sur une échelle très-restreinte, de telle manière qu'aujourd'hui encore il n'existe dans les plus grandes villes de commerce (excepté dans les pays qui produisent spécialement pour l'exportation), qu'un fort petit nombre de maisons faisant leur affaire principale ou unique du commerce des céréales; qu'il n'y a que peu ou point de magasins, de navires, de capitaux circulants affectés à cet usage et peu d'employés ayant les capacités et l'expérience nécessaires. Cela provient surtout de ce que le commerce en général n'a pas encore pris assez de développement entre la plupart des nations; jusqu'ici chaque pays s'est entouré d'un cordon de douanes comme d'une muraille de la Chine, et s'est efforcé de produire chez lui tout ce dont il a besoin, en repoussant les produits étrangers. Il a bien cherché à créer un commerce pour exporter ses produits, au moyen d'encouragements, de primes, de priviléges de toute sorte accordés aux exportateurs, par des guerres, des prépondérances politiques et des traités de commerce, c'est-à-dire par la force et la ruse; mais le commerce ne peut exporter sans im

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