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SUR

L'ANOMALIE DE LA PESANTEUR

A BORDEAUX

Par M. J. COLLET,

Professeur à la Faculté des Sciences de Grenoble.

Les recherches que j'ai entreprises sur la distribution de la pesanteur dans les Alpes m'ont conduit à prolonger mes opérations jusqu'à l'Océan, le long du parallèle moyen qui passe précisément par mes premières stations. C'est ainsi qu'en septembre 1894 j'ai déterminé la valeur de q à l'Observatoire de Bordeaux. Voici le résultat obtenu : il est contraire à toutes les prévisions.

A l'Observatoire (altitude 73") g = 9,8061; d'où, au niveau de la mer, g. 9,8062 (densité du sol égale à 2).

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Cette valeur de g. est inférieure à la valeur théorique qui serait 91 = 9,8067, et le déficit 0,0005 est supérieur à celui que j'ai constaté à Valence, alors que, au voisinage de l'Océan, on devait s'attendre à trouver un excès de pesanteur.

J'ai contrôlé mon résultat à l'aide des observations très précises de Biot et Mathieu faites, en 1808, par les ordres du Bureau des Longitudes, le long du parallèle moyen.

En adoptant la valeur g= 9,8100 trouvée par le commandant Defforges à Paris (rez-de-chaussée de l'Observatoire), et en se servant

des longueurs déterminées par Biot et Mathieu pour le pendule qui bat la seconde centésimale à Paris (salle méridienne) et à Bordeaux (ancien Lycée, Facultés actuelles, altitude 7"), on calcule pour g, à Bordeaux, au niveau de la mer, la valeur 9,8061.

On retrouve cette même valeur en partant de la longueur du pendule déterminée par Biot et Mathieu à Bordeaux, d'où l'on déduit d'abord g 9,8049, et en appliquant à ce résultat la correction systématique +0,0012 qui rend concordantes, partout ailleurs, les déterminations de Biot et celles du Service géographique de l'Armée.

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L'accord est donc pleinement satisfaisant, et l'existence d'un important défaut de pesanteur à Bordeaux doit être définitivement admise. C'est une anomalie spéciale, et il y aura lieu, dès lors, de rechercher les limites de la région qui en est affectée.

Dans ce but, je me propose de faire de nouvelles opérations dans la région avoisinante, l'une à l'Est, à Sarlat, entre Bordeaux et les contreforts du plateau central, l'autre à l'Ouest, tout au bord de l'Océan, à Arcachon, qui est à une cinquantaine de kilomètres de Bordeaux.

D'ailleurs, l'anomalie bordelaise n'est pas un fait isolé, et les observations pendulaires russes ont nettement signalé, depuis plusieurs années, une anomalie analogue et très considérable dans les plaines du sud de la Russie.

Le croquis ci-joint résume ces observations en indiquant, pour chaque station, le déficit de la pesanteur en unités décimales du quatrième ordre, d'après le tableau du lieutenant-général J. Stebnitzki, publié par la Société Impériale Russe de Géographie. La pesanteur, à Moscou, bien qu'un peu inférieure à la valeur normale en ce point, a été prise comme terme de comparaison.

On remarquera que partout, dans la région considérée, la pesanteur est en défaut; que les maxima de déficit se trouvent répartis dans une large bande transversale dirigée du W.S.W. vers le E.N.E., de Kamenetz à Kazan, et dans laquelle les stations de KamenetzPodolsk, Solonicha, Sergiewka, Znamenskajé, Jeltouchino, BolschajaScheremetewka, Kazan jalonnent un contour polygonal aux sommets duquel le déficit, égal à 10 pour le premier, ne tombe pas au-dessous de 23 pour les six autres, alors que l'altitude d'aucun d'eux n'atteint 220m.

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Sans doute l'exactitude de ces résultats ne saurait être acceptée sans réserves. Les méthodes qui ont été suivies pour les obtenir étaient loin de présenter toutes les garanties désirables, et il n'est pas impossible que des mesures nouvelles, plus précises, comme celles qui viennent d'être effectuées en Russie par le commandant Defforges, n'y apportent de notables modifications. Mais les déficits considérables qu'on a constatés ne disparaîtront pas, et, tout au plus, la ligne des maxima de déficit pourra-t-elle être déplacée.

Au surplus, cela importe assez peu à notre objet, puisque nous ne nous proposons de tirer des observations russes qu'une indication inductive nous permettant, par voie d'analogie, de trouver une explication simplement plausible de l'anomalie de Bordeaux. En s'aidant

de considérations géologiques, cette explication peut, en effet, être

entrevue.

Admettons, comme un fait général d'observation, l'existence d'un défaut de pesanteur, au niveau de la mer, dans les massifs montagneux. Alors si, dans la suite des phénomènes orogéniques qui ont successivement modifié le relief du sol, une chaîne a été détruite par les dégradations résultant de l'action des agents atmosphériques et par les érosions, sans que les particularités de structure qui caractérisaient son sous-sol aient été effacées ou anéanties, on voit que le pendule permettra de retrouver la place de cette chaîne.

Or, dans le sud de la Russie, la ligne principale des pesanteurs déficientes traverse des régions géologiquement très complexes, marquées spécialement par des affleurements des terrains primaires, jusqu'au carbonifère inclusivement, au milieu de terrains beaucoup plus récents. Elle est partout voisine de la bordure septentrionale assignée par M. Marcel Bertrand' à la chaîne hercynienne, dans la traversée de la Russie. On peut donc supposer qu'elle est en rapport avec cette chaîne aujourd'hui complètement disparue; et l'importance des déficits observés tendrait à prouver qu'elle avait, dans la région considérée, une altitude considérable.

Les plis de cette même chaîne hercynienne ont en partie couvert la France, et y ont atteint, semble-t-il, par endroits, une assez grande élévation : la Bretagne, le Plateau-Central, en sont des lambeaux encore subsistants. La bordure inférieure de la chaîne, d'après M. Marcel Bertrand, passait un peu au nord de Bordeaux, allant de la Vendée aux Bouches-du-Rhône; mais elle a eu au sud d'importantes ramifications ou apophyses.

L'une d'elles traverse le plateau central de l'Espagne, suivant une courbe concave vers le N.-E., et figurant le quart d'une ellipse ayant son grand axe dans la direction E.-O. et son sommet O. dans les Asturies. Cette apophyse doit se rattacher à la chaîne principale; et, si l'on suit la direction des derniers plissements des Asturies, il semble que l'on soit précisément conduit vers la région bordelaise.

1 M. Marcel Bertrand,

t. XVI,.

Bulletin de la Société géologique de France, S. III,

2 Suess. Das Antlitz der Erde, t. II, p. 146.

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