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phrase antique était celui de la perception. Les anciens exprimaient
tout d'abord le premier objet aperçu, puis le second et ainsi de suite,
à mesure qu'ils se présentaient. Il n'y avait pas de cadre fixe. Notre
langue est encore assez souple pour garder cette liberté ancienne de
mettre, en parlant, le premier aperçu, droit ou oblique, en tête de la
phrase; et, à vrai dire, le jour où elle n'aurait plus cette liberté, elle
ne serait plus une langue parlée; mais, dans le langage écrit, il est
tout à fait exceptionnel, puisqu'on a le temps de réfléchir, de placer
le complément avant le sujet. De ce chef, il y a, entre notre langue
parlée et notre langue écrite, cette divergence, qu'il ne faut pas, pour
bien écrire, écrire comme l'on parle, même si l'on parle bien. Celui
qui écrit comme il parle est trivial; celui qui parle comme on écrit
est un puriste ou un pedant. Au contraire, il semble, en grec, qu'on
ait écrit comme on parlait, ou du moins qu'on ait pu parler comme
on écrivait; c'est l'impression que l'on éprouve en lisant Lucien,
Plutarque, Xénophon, ou les dialogues de Platon. Peut-être est-ce à
cette particularité qu'est due la fixité relative du langage grec
un pays, comme à Rome, où le langage écrit, si obscur, et le langage
parlé n'avaient, en quelque sorte, rien de commun que l'accentuation,
celui-ci évolue avec une entière liberté, ou, si l'on veut, avec une
entière licence; en quelques siècles, l'écart est tel, que la langue écrite
est purement artificielle, et que la langue parlée, n'étant plus rattachée
à rien de fixe, se disloque, au premier jour de révolution politique, en
cinq ou six dialectes discordants. En Grèce, au contraire, les dialectes
se sont confondus.

dans

Constitution

du pronom.

Nous avons négligé, dans cette étude du rôle joué par le verbe dans la construction de la phrase, l'examen du pronom qui abstrait, du nom, l'idée d'individu ou de personne, dont le verbe subit l'influence dans sa terminaison, et aussi l'examen des idées modales. Mais, au point de vue qui nous occupait, une citation rapide suffisait à caractériser le premier ; quant au mode, il marque généralement, avec ou sans de la conjonction. conjonction, le rôle d'une proposition par rapport aux propositions voisines. La conjonction représente ce rapport une fois abstrait; elle est comme la préposition du verbe, et la multiplication des conjonctions entraîne la diminution des modes; mais quand il s'agit d'établir le rapport entre elles de deux propositions, c'est par les deux verbes,

Constitution

par les deux centres, avec ou sans abstraction de l'idée du rapport, que le rapport est marqué :

Credo te flere.

Je crois que tu pleures.

En français, où l'infinitif sans article est considéré tout à fait comme un substantif, on peut le faire précéder d'une préposition :

Timeo ne moriar.

Je crains de mourir.

Ainsi l'équivalence de la préposition construite avec le nom et de la conjonction construite avec le verbe est démontrée. Une proposition ajoutée ou subordonnée à une autre, est, somme toute, à un cas déterminé par rapport à la première ce cas est marqué par un certain mode, et ce mode peut, lui aussi, être résolu en une particule exprimant le rapport, avec un mode plus simple. L'emploi simultané d'une conjonction et d'un mode autre que l'indicatif est un pléonasme analogue à l'emploi de l'ablatif, par exemple, avec une préposition.

:

Nous pourrions insister davantage sur ce parallélisme il suffit d'avoir bien mis en lumière ces trois points:

1o Le verbe seul régit les cas;

2o Le verbe seul varie en cas de subordination d'une phrase à une autre ; c'est-à-dire qu'il représente la phrase, et que celle-ci lui est tout entière subordonnée ;

3o Le verbe seul suffit à rendre compte de la constitution des diverses parties du discours (sauf le nom-substantif, qui lui préexiste), ainsi que le montre le tableau suivant :

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Affirmation
verbe être.)

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Attribut actif

personne pronom.
temps adverbe de temps.
mode conjonction.

qualification adverbe de manière.
rapport =
à un régime préposition.
adjectif. nombre = nom de nombre.

Conclusion.

Le verbe n'a lui-même ni de cas proprement dit puisque l'attribut est toujours, sans article, au cas du sujet, ni de genre puisqu'il est une forme. Les infinitifs employés comme substantifs sont du neutre, c'est-à-dire sans genre proprement dit. Le verbe préside à tous les rapports; les rapports immédiats eux-mêmes ont été précédés de rapports médiats l'expression & Ovos v0pшnos a été logiquement précédée de celle-ci :

et signifie exactement :

ὁ ἄνθρωπός ἐστι θνητός,

ὁ θνητὸς (ων) ἄνθρωπος.

Le verbe est sous-entendu, mais non absent. Les rapports médiats sont de seconde époque, et non les premiers dans le temps.

Ainsi, de même que tout a commencé par le verbe, que tout dans la phrase a le verbe pour point de départ et pour centre, de même tout finit, si le verbe disparaît; il ne reste que l'expression morte de rapports immédiats; la charpente de l'édifice est rompue, et les matériaux ont perdu le lien qui les unissait, ce simple mot est, auquel Jean-Jacques Rousseau attribuait un si grand rôle. Sans verbe, on a encore des mots, on n'a plus de discours. Le verbe a été le vrai commencement, et rien de ce qui est fait n'a été fait sans lui. La matière est ailleurs, mais la vie réside en lui.

LES QUESTIONES PERPETUE'

Par M. François SAUVAIRE-JOURDAN,

Docteur en Droit.

Les Quæstiones perpetuæ sont des tribunaux criminels permanents, essentiellement composés de juges qui sont des particuliers et d'un président qui est un magistrat. Créés vers le commencement du VII° siècle de Rome, c'est-à-dire vers le milieu du 1° siècle av. J.-C., ils sont la juridiction criminelle de droit commun jusqu'à la fin de la République, voient leur compétence très restreinte au début de l'Empire et disparaissent complètement au m° siècle de notre ère.

C'est par les Quæstiones perpetuæ que furent jugés les crimes politiques du dernier siècle de la République, de cette période troublée, si riche en crimes de ce genre 2. Aussi, la question de savoir dans quelles classes de citoyens seraient pris leurs membres a-t-elle été, pendant tout ce siècle, passionnément agitée par les partis ce fut là

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1 Cette étude a été présentée comme thèse de doctorat à la Faculté de Droit de Grenoble. M. Sauvaire-Jourdan ne la publie pas, d'ailleurs, sous sa forme première, déjà très remarquée, mais avec d'importantes modifications, qui en font un travail vraiment nouveau. Le Comité.

2 C'est devant les « Quæstiones perpetuæ » que furent prononcés tous les discours de Cicéron en matière criminelle, sauf le pro Milone. Ces discours nous donnent par suite des renseignements précieux; les plus intéressants à ce point de vue sont les discours pro Sexto Roscio Amerino, in Verrem, - pro Rabirio,

et surtout

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un des points principaux sur lesquels se livrèrent, entre la démocratie et l'aristocratie, les luttes civiles de la fin de la République. Nous voyons le droit de siéger dans les Quæstiones perpetuæ appartenir aux sénateurs, lorsque l'aristocratie est maîtresse du pouvoir, et passer aux chevaliers, lorsque la démocratie l'emporte. Les Quæstiones perpetuæ se lient donc intimement à l'histoire intérieure de Rome, au point qu'il est impossible de bien comprendre cette histoire, si l'on ne sait pas très exactement ce que furent ces tribunaux, quelle était leur organisation, leur compétence et leur procédure.

Il va de soi qu'elles sont aussi de première importance pour l'étude du droit criminel romain, puisqu'elles furent pendant plusieurs siècles la juridiction criminelle de droit commun.

Elles ont enfin une grande importance pour l'étude du droit criminel en général : certaines personnes ont cru voir en elles l'origine du jury; en tous cas elles ont réalisé, dans leur organisation et dans leur procédure, le type original d'un très curieux système de justice criminelle. Historiquement et juridiquement leur étude est donc du plus haut intérêt.

Nous étudierons dans cinq chapitres la juridiction criminelle antérieure aux Quaestiones perpetuæ - l'histoire des quæstiones perpetuæ, c'est-à-dire leur origine et leur développement, nisation, leur procédure et leur disparition.

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leur orga

CHAPITRE PREMIER

JURIDICTION CRIMINELLE ANTÉRIEURE AUX «QUÆSTIONES PERPETUÆ »

Nous ne possédons sur cette époque d'autres renseignements que ceux que nous trouvons dans les récits des historiens, et en particulier dans Tite Live. Parmi les procès que nous racontent ces historiens, nous voyons que les uns ont été jugés par des magistrats, les autres par l'Assemblée du peuple. Le peuple juge les crimes commis par des citoyens romains, lorsqu'ils entraînent soit une peine capitale (peine de mort, sacratio capitis, interdictio aquæ et igni, condemnatio ad metallas), soit une peine pécuniaire dépassant un maximum

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