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d'arrêts, et beaucoup semblent s'être placés à un point de vue diamétralement opposé. Il faut ajouter que l'exemple vient d'ailleurs, et que dans les Assemblées législatives se manifeste un mouvement favorable au divorce et à son extension.

Dans cet ordre d'idées, le fait le plus significatif est certainement le vote par la Chambre des députés du principe de la conversion obligatoire. Personne ne peut nier que la suppression du pouvoir d'appréciation reconnu à l'heure actuelle aux tribunaux ne doive amener une augmentation sensible du nombre des divorces. Cette perspective ne semble pas avoir inquiété la Chambre, qui a voté la modification proposée, on peut dire sans débat et à une grosse majo

rité.

La proposition Demôle, assimilant au point de vue de la loi du recrutement le fils de la femme divorcée et le fils de la veuve, constituait, comme on l'a dit très justement, une véritable prime au divorce. Sans doute, elle a été repoussée. Mais le fait seul qu'elle ait été produite au Sénat, sous le patronage de jurisconsultes et d'hommes publics considérables, et l'existence d'une minorité relativement élevée acquise à une pareille proposition, sont choses par elles-mêmes très significatives.

Intéressante encore à signaler, au moins quant aux tendances qu'elle accuse, est la proposition de M. Letellier, déposée à la Chambre des députés le 13 juillet 1893, accordant à la femme française mariée à un étranger dont la législation prohibe le divorce, la faculté de le demander aux tribunaux français. A la vérité, il n'y a pas lieu de s'inquiéter de l'accroissement qu'une pareille proposition, à la supposer votée, apporterait au nombre des divorces. Encore une fois, il ne s'agit ici que de tendances à relever. Or, celles de la proposition Letellier ne révèlent pas les préoccupations d'un esprit qu'inquièterait l'augmentation du nombre des divorces.

Sans que peut-être son auteur ait aperçu les conséquences au point de vue du divorce, que pouvait avoir la modification par lui proposée au Code pénal, la proposition de M. Viviani, supprimant les peines édictées contre l'adultère (Journal des Débats, édition du soir, 19 juin 1894) ne saurait être tenue pour indifférente. L'impunité assurée au point de vue pénal à l'adultère n'est pas de nature à diminuer le nombre des infidélités conjugales, puisqu'elle supprime le seul frein susceptible d'arrêter encore ceux vis-à-vis desquels le frein de la loi

morale est impuissant. Par contre-coup, il semble bien ici encore que cette nouvelle mesure soit plutôt de nature à augmenter qu'à diminuer le nombre des divorces, si jamais elle est mise en vigueur.

Séparées et prises isolément dans leur ordre chronologique, les différentes propositions qui viennent d'être rappelées paraissent sans rapport les unes avec les autres. Rapprochées et groupées, elles prennent leur véritable valeur, et l'idée commune qui les inspire fait apparaitre l'identité de tendances qui échappe à l'esprit, lorsqu'on s'en tient à un examen séparé de chacune d'elles.

La jurisprudence, en se montrant favorable au divorce, n'a donc fait que suivre un courant. Ajoutons, puisque nous en sommes à l'examen des responsabilités, que le mouvement a des causes plus profondes. La jurisprudence a trouvé dans l'opinion publique et dans les mœurs une sorte de complicité. Quel accueil, en effet, ont reçu auprès de l'opinion publique ceux qui, depuis dix ans, ont réclamé le bénéfice de la loi nouvelle? Y a-t-il eu à leur endroit manifestation d'une certaine hostilité ou, si ce dernier mot parait trop fort, a-t-on constaté du moins à leur endroit un parti pris général de les tenir à l'écart? Les portes se sont-elles fermées devant les nouveaux ménages qui avaient usé après un divorce du droit de se former? Les mœurs, plus fortes que la loi, aujourd'hui encore, comme au temps d'Horace, ont-elles fait des époux divorcés une classe à part dans la société ? Les premiers qui tentèrent l'expérience n'ont pas dû être sans quelque inquiétude sur l'accueil qui les attendait. La suite a prouvé qu'on ne leur tenait pas rigueur du parti qu'ils avaient pris. Dans un article de l'Économiste Français du 3 octobre 1891, consacré à la statistique du divorce, on peut relever sur ce point quelques observations intéressantes sous la plume de M. Georges Michel: « Nous n'étions pas éloigné de croire que le souci des convenances, la crainte du qu'endira-t-on et cent autres considérations indéfinissables opposeraient une digue sérieuse aux progrès de la législation Naquet. Nous pensions que, dans un pays de traditions comme la France, un homme divorcé et surtout une femme subiraient une sorte de capitis diminutio, un déclassement social qui ferait hésiter les plus déterminés. Les événements n'ont pas précisément confirmé nos prévisions1. »

1 Il convient de relever une indication fournie par M. Georges Michel au cours du mème article. Ce sont précisément les départements qui fournissent la propor

Cette indulgence de l'opinion publique à l'endroit des divorcés n'a pas été sans exercer quelque influence sur les tendances de la jurisprudence. Celle-ci s'est laissée aller à multiplier d'autant plus facilement le nombre des unions dissoutes, qu'elle ne se heurtait pas à une résistance de l'opinion. Ce sont là choses à rappeler, et il était juste, en terminant cette étude, d'établir la part de responsabilité qui revient à chacun dans le mouvenfent que nous avons constaté.

tion la plus élevée de divorces qui sont en décroissance au point de vue des naissances. Cette constatation est intéressante à rappeler, parce qu'elle vient démentir les affirmations des promoteurs de la loi de 1884, présentant au cours de la discussion la réforme proposée comme devant conduire à un accroissement des naissances, du fait des nouvelles unions rendues possibles.

LE VERBE

Par M. SAMUEL CHABERT,

Chargé de conférences de grammaire et métrique à la Faculté des Lettres.

Lux vera.

Si la première manifestation de la parole a été, suivant toute vraisemblance, le substantif, nul doute que le verbe ne soit l'élément essentiel du discours. Les substantifs ne sont que la matière du discours, les pierres de l'édifice; le verbe est le ciment qui lie les pierres, il est la forme qui, surajoutée à la matière et, pour ainsi dire, combinée avec elle, produit l'objet, le discours. Le verbe est à l'origine du discours, ou plus exactement, c'est par le verbe, par ce principe d'ordre, qu'au point de vue où nous nous plaçons, tout a commencé. Le verbe est forme, et source de toute forme; sans verbe, les cas n'ont plus de raison d'être, ils ne sont ce qu'ils sont que par rapport au verbe. Sans verbe, il n'y aurait ni nominatif ni accusatif, d'une part, ni, d'autre part, datif, ablatif, instrumental, locatif, casadverbe ou de manière, etc.; car à l'origine les cas durent être aussi nombreux que les rapports. Il y a lieu de distinguer deux sortes de rapports les rapports immédiats et les rapports médiats. C'est le verbe qui, dans ce dernier cas, est l'intermédiaire exprimé; l'étude des rapports immédiats n'est cependant pas indifférente à la question du verbe.

II y a rapport immédiat entre deux objets (exprimés par deux noms), lorsque ce rapport est si simple, qu'il n'a pas besoin, pour

être

Rapports immédiats.

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