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Christophe Guérin a fait un grand nombre de portraits, la plupart concernant des personnages alsaciens: celui de son père; celui du cardinal Louis-Constantin de Rohan, gravé en 1776, qui se trouve en tête de l'Histoire de l'église et des évêques de Strasbourg par l'abbé Grandidier; à la même époque, celui de Richter, maître de chapelle et celui de M. de la Galaizière, intendant d'Alsace, placé en tête de la thèse de Tortura soutenue pour la licence en droit par Levrault l'ainé; ceux du facteur d'orgues Jean-André Silbermann (d'après Daniche fils), du docteur Jean Hermann, du préfet LezayMarnézia et de sa femme, du docteur Reistelhuber, du maître-batelier Martin Stockmeyer qui, le 4 février 1791, protégea contre la foule ameutée les représentants que la Constituante avait envoyés à Colmar; etc., etc.

Gabriel-Christophe, fils aîné de Christophe Guérin, naquit à Kehl le 9 novembre 1790. D'abord élève de son père qui lui enseigna le dessin, il se rendit à Paris en 1810 et entra, sur les conseils de son oncle Jean-Urbain, à l'école des beaux-arts, dans l'atelier du peintre classique Regnault. Gabriel ne tarda pas à se distinguer par son application et ses progrès, ce qui lui valut des félicitations de la part de son père, puis de Mérimée, secrétaire perpétuel de l'école des beaux-arts, et même de l'illustre peintre Gérard. En 1814 il obtint une troisième et une deuxième médailles, et une première au mois de janvier 1815.

Gabriel Guérin exposa pour la première fois au salon de 1817; son tableau, représentant la Mort de Polynice, lui valut une médaille d'honneur; il le donna au musée de Strasbourg. Deux ans après, il envoya au salon le Baptême de JésusChrist, qui devait orner l'église Saint-François d'Assises, et un portrait en pied de Louis XVIII destiné à la préfecture d'Albi. En 1822 il exposa un Servius Tullius, pour lequel il

obtint ensuite une médaille d'honneur à Lille, et qui fut acquis par le musée de Strasbourg, et l'Invention de la Lyre et du Chant, toile qui lui valut une médaille d'argent, et que son fils Jules possède actuellement.

Sur les sollicitations du baron de Kentzinger, maire de la ville de Strasbourg, qui lui offrit la place de conservateur du musée de la ville lorsque son père viendrait à mourir, et celle de professeur au lycée et à l'école municipale de dessin, Gabriel Guérin avait consenti en 1820 à retourner à Strasbourg. Il y ouvrit un atelier de peinture, pour lequel la municipalité prêta gratuitement une partie du rez-de-chaussée de l'hôtel-de-ville, et où se formèrent la plupart des artistes alsaciens contemporains en renom: Brion, Henner, Haffner, Lix, Gluck, Schuler, Jundt, Klein, Pradel, Schutzenberger.

C'est à partir de son retour en Alsace, que Gabriel Guérin fit presque exclusivement des tableaux destinés à orner les églises et les autres édifices de cette province. C'est ainsi qu'il peignit une Adoration des Bergers qui se trouve à la cathédrale de Strasbourg, et un Saint Louis en prière pour l'église Saint-Louis de la même ville. Il n'envoya que rarement de ses œuvres aux Salons de Paris; néanmoins, il exposa en 1827 l'Invention de l'imprimerie à Strasbourg en 1436, qu'acquit le duc d'Orléans, depuis Louis-Philippe; en 1831, des Costumes alsaciens, et en 1846 la Vierge, l'Enfant Jésus et Saint Jean que le musée de Strasbourg a acheté en 1879 de Me Cornélie Guérin, l'une des filles de l'artiste.

Parmi ses autres œuvres on doit citer: un Marcus Sextus, une Scène de la vie de Lantara, Richelieu et Madame de Chevreuse, Condé et Me de Montpensier. Ces trois derniers tableaux appartiennent à M. Jules Guérin.

Gabriel Guérin a laissé un grand nombre de portraits, parmi lesquels ceux du baron de Kentzinger, maire de Strasbourg, du célèbre horloger Schwilgué, de Benjamin Constant (qu appartient à Me Palmyre Werwort, une autre fille de l'artiste ),

me

de Humann, ancien ministre de Louis-Philippe (possédé par M. Jules Guérin), du sculpteur Ohmacht, etc.

Gabriel Guérin mourut le 20 septembre 1846, d'une chute de cheval, dans une excursion qu'il faisait avec quelques amis en Bavière. Il laissa quatre filles et un seul fils, dont nous venons de parler, et qui n'a pas suivi la carrière artistique de son père.

Gabriel Guérin avait un frère du nom de Jean-Baptiste, né à Strasbourg en 1798, qui fut l'élève de Regnault, mais qui fut loin d'égaler son frère. Il lui succéda comme conservateur du musée de Strasbourg. On connaît de lui deux portraits au crayon, celui du général de Berckheim d'après Singry, celui du diplomate Scholl, et une toile intitulée Munito qui fut exposée à Strasbourg en 1853.

Un autre membre de la famille Guérin fut Jean-Urbain, frère cadet de Christophe, qui naquit à la monnaie de Strasbourg, le 1er avril 1761, et devint un des plus célèbres miniaturistes de l'école française. Il eut pour premier maître Huin, fort en réputation alors pour ses portraits au pastel. Ses débuts attirèrent l'attention du maréchal de Contades, gouverneur d'Alsace, qui l'envoya à Paris au mois d'octobre 1785. Son père, dans une lettre qu'il lui écrivit peu de jours après, l'engageait à travailler avec ardeur et à suivre les conseils du peintre Jolain et du sculpteur Pajou. Jean Guérin eut le bonheur de rencontrer dans la capitale des compatriotes qui lui firent bon accueil, entre autres le baron de Dietrich qui devait périr sur l'échafaud en 1793. Il ne suivit cependant point les cours de l'Académie de peinture, comme le lui avait recommandé son père; il se consacra à la miniature qui venait de détrôner le pastel et qui avait été mise à la mode

par la famille royale et son entourage. Augustin, qui excellait dans ce genre, eut bientôt un rival dans la personne de Jean Guérin. Le charmant portrait qu'il fit de la maréchale de Matignon, fille du baron de Breuteuil, premier ministre du roi, lui acquit une grande vogue parmi tout ce que la cour et la ville avaient de plus haut placé. La reine s'intéressa à son tour au jeune artiste; elle se fit peindre par lui, ainsi que le roi. Dès lors, Guérin devint le miniaturiste à la mode; les plus grands noms de France: les Montmorency, les Malesherbes, les Lamballe, les Praslin, les Croy, les Choiseul, les Rohan, les Chabrillan, les Breteuil, les Liancourt, les Broglie, voulurent avoir leurs portraits faits par lui.

Guérin était arrivé à la renommée, mais pas à la fortune, car à cette époque on ressentait déjà les symptômes avantcoureurs de la Révolution qui devait bientôt éclater. Les nobles clients de l'artiste payaient mal, et il avait contracté des dettes; en outre, sa santé était chancelante, il avait une maladie de nerfs, et souvent il se laissait aller au découragement, son esprit était hanté parfois par des idées de suicide. Sa seule consolation, il la trouvait dans la culture de la musique et dans les relations qu'il entretenait avec quelquesuns de ses compatriotes. Néanmoins, l'état de ses affaires redevint plus satisfaisant, par suite de nombreux portraits qu'il exécuta pendant l'année 1788,' et le traitement que lui

1 Voici une liste donnée par Guérin dans son journal et reproduite par M. Charavay, avec les prix en regard:

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prescrivit le docteur Pelletan chassa ses idées noires. Il se remit au travail et fit successivement les portraits de Mmes de Langeron et de Balleroy, de Mmes de Matignon et de Montmorency, et de la maréchale de Mailly.

L'année 1789 était arrivée, et Guérin fut troublé dans ses travaux par les grands événements de la Révolution. Néanmoins, au mois de mai il peignit les portraits de la comtesse de la Palu et du chevalier de Caraman. Puis, quelque temps après, il accompagna en Alsace M. de Fougy, l'un de ses protecteurs, dont il avait fait le portrait et celui de sa femme. Il arriva à Strasbourg le 30 juin et y séjourna deux semaines; puis il en repartit avec M. de Fougy qui, ayant appris, en route, la nouvelle de l'insurrection parisienne, suspendit son voyage. Jean Guérin rentra seul à Paris et assista, le 22 juillet, au meurtre de Foulon et de Bertier de Sauvigny. Il en a fait un écrit émouvant dans son journal. Quoique révolté de ces excès populaires, il n'était cependant point défavorable aux idées nouvelles. Le 28 juillet, il alla voir la démolition de la Bastille et en visita tous les cachots. « Je jouissais, dit-il, du triomphe du peuple en foulant aux pieds ce monstre du despotisme. »>

Quoique absorbé par les événements qui se succédaient rapidement, Jean Guérin n'oublia pas d'assister, le 25 août, à l'ouverture du Salon. Il y admira le tableau de David représentant la Justice de Brutus, qui lui laissa une forte impression.

Parmi les amis de Guérin, son plus intime était un graveur

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