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visité Strasbourg et Bade: Meyerbeer, Rossini, Auber, Verdi, Ambroise Thomas, Gounod, Berlioz, Massé, etc., dont il possédait des partitions, des lettres, des portraits.

Comme les arts ne rapportent généralement pas grand'chose à ceux qui les cultivent, que ce sont viandes creuses, François Schwab s'était vu obligé, pour vivre, d'accepter les modestes fonctions de secrétaire de l'académie de Strasbourg, dans lesquelles il sut conquérir par son savoir et ses services l'estime et la considération de ses chefs et les palmes d'officier d'académie.

Après une longue et douloureuse maladie, il expira le 6 septembre 1882, et ses obsèques eurent lieu trois jours après en l'église Sainte-Madeleine de Strasbourg.

P.-E. TUEFFERD.

(La suite prochainement.)

FOLKLORISME ALSACIEN

I

Les Rhingau di Va

LE VALLON DU VAL, LES FONTAINES, LE MOULIN

Le vaste territoire de Saint-Dizier est divisé en deux parties inégales, séparées l'une de l'autre par une petite vallée, très pittoresque. Elle prend naissance à proximité du village de Croix et d'un groupe de maisons qu'on nomme le Paradis (territoire de Bure, Suisse). Ce vallon solitaire offre à la vue un aspect très varié. On y voit un grand nombre de petites collines latérales qui descendent des hauteurs voisines et viennent se fondre avec la vallée principale qui leur sert en quelque sorte de collecteur. Le paysage est encore embelli par de petits enclos entourés de haies vives; par des coteaux boisés, des bocages qui servent d'asile aux petits oiseaux et au gibier qui abonde dans ces parages.

Ce vallon se dirige presque en ligne droite du sud au nord, depuis Croix jusqu'au-delà de Lebetain où il va se perdre dans les marais de Voisseux, sur le territoire de Delle. Il n'a guère que six kilomètres de longueur. Il était autrefois traversé par un vieux chemin celtique qui mettait en communication Delle avec les plateaux de Croix et de Fahy (Suisse). Depuis Croix jusqu'au hameau du Val, ce vallon offre à la vue un aspect toujours gracieux. Mais au Val le paysage devient sévère. Le vallon s'enfonce profondément. La vue se porte à droite et à gauche sur des rochers sauvages disposés en forme de corniche

au pied et sur le flanc des coteaux. De ces rochers jaillissent des sources limpides qui produisent une eau très agréable au goût et très salubre. Un vallon latéral qui descend des hauteurs de Saint-Dizier vient aboutir à ses fontaines. On croirait qu'il a été établi par la main de la nature pour faciliter aux habitants de Saint-Dizier l'accès de ces sources bienfaisantes. Il est évident que ces sources d'eaux vives ont attiré des habitants dans leur voisinage dès la plus haute antiquité et que c'est à ces fontaines qu'on est redevable de la fondation du hameau du Val et du village gallo-romain du Mont qui prit ensuite le nom de Saint-Dizier-le-Mont du nom de Dizier qui fut martyrisé près de Croix vers 730 à 736. Le Val s'appelait officiellement Saint-Dizier-le-Bas. Mais le nom de Val a toujours prévalu dans le langage populaire et même Saint-Dizier est encore appelé le Mont par les gens du Val.

Ces deux localités n'étaient séparées l'une de l'autre que par une toute petite distance et ont toujours fait partie de la même commune quoiqu'elles aient chacune leur territoire bien distinct. Saint-Dizier ou le Mont était établi sur le versant méridional d'un coteau exposé au soleil du matin au soir. Ce village ayant été détruit par les guerres du moyen-âge a été rebâti plus à l'ouest, au-delà de la vielle église qui domine le coteau où fut jadis le village du Mont ou le Dizier-le-Haut. Les habitants du Mont se sont toujours servi des eaux des fontaines du Val pour tous les usages domestiques. Ce n'est que depuis 1815 qu'on a commencé à creuser des citernes. Il y en a aujourd'hui à toutes les maisons, on ne les établit qu'au prix de grands sacrifices. Une citerne ordinaire coûte en moyenne 800 francs.

Ainsi on peut conjecturer, sans crainte de se tromper, que ce sont les fontaines qui ont été cause de l'établissement du hameau du Val et du village de Saint-Dizier sur un coteau aride et d'un accès difficile.

Les anciens ont dit que les eaux fondent les villes (urbes aquæ

condunt), elles fondent aussi les usines, les hameaux et les villages. La soif de l'eau s'est manifestée chez tous les peuples (aquæ sacra fames); point d'eau, point d'existence possible. L'eau est le principal agent de civilisation. Fidèles à ces principes les archiducs d'Autriche ont profité des avantages que leur offraient les fontaines du Val pour établir un moulin dans ce vallon désert et attirer des habitants dans leurs domaines. Ils ont été obligés de surmonter de grands obstacles pour capter l'eau de six sources éloignées les unes des autres. Ils ont établi, à grands frais, des canaux qui font honneur aux ingénieurs hydrographes autrichiens. Ils ont déployé dans ces travaux, que l'on ne peut s'empêcher d'admirer, beaucoup d'art et de génie si l'on se reporte par l'imagination à l'époque où ils ont été entrepris.

Le moulin établi, il fallut nécessairement des meuniers pour l'exploiter. Or, comme les industriels de ce genre faisaient défaut dans le pays, les archiducs durent envoyer sur leurs moulins des meuniers allemands, auxquels ils accordèrent toutes sortes de priviléges. Ils avaient le droit de banalité sur tous les villages voisins. On leur traça dans les communaux des champs, des prés, des bois dont on reconnaît encore les limites aujourd'hui. Tout cela leur fut cédé à titre de fief. Cette usine féodale n'était soumise qu'à une légère redevance.

La famille allemande, probablement la première, s'appelait Reich; ce nom fut francisé dans la suite par la transposition de la voyelle e à la fin du mot, ce qui donne le nom de Riche qui a la même signification dans les deux langues. Lors de la conquête de l'Alsace par Louis XIV la situation de cette famille ne subit aucun changement. Au lieu d'être vassale des archiducs, elle le devint des Mazarin jusqu'à la grande révolution; elle devint alors définitivement propriétaire du fief. L'immigration dans nos contrées de gens de langue allemande a toujours été vue avec regret. Il n'a cessé d'exister une cer

taine animosité entre les gens d'origine germanique et ceux d'origine celtique.

Nos populations se sont souvenues longtemps qu'elles ont été refoulées des bords fertiles du bassin du Rhin dans le bassin relativement stérile du Rhône par les Sueves d'Arioviste. Ce fait est acquis à l'histoire. Pour être toujours dans la vérité je dois dire que depuis 30 à 40 ans les relations entre les deux peuples étaient très bonnes. Il est triste de songer que la guerre désastreuse de 1870 mettra des obstacles à des relations qui ont eu de la peine à s'établir, mais qui n'en étaient que plus sincères.

Il est à croire que cette famille de meunier avait amené avec elle un personnel nombreux et qu'on les a tous confondus sous le nom de Rhingau ou Rhingauiens, comme on dit Sundgauiens, Salsgauiens, etc., etc., habitants du Rhin. Ce mot de Rhingau serait devenu injurieux aux yeux des habitants de Saint-Dizier, et comme il y avait encore une autre famille d'origine allemande qui tenait aussi un fief relevant d'un noble suisse on a employé le mot Rhingau pour injurier tous les individus d'origine germanique. Quand les jeunes gens gardaient leurs troupeaux sur les coteaux, ceux de Saint-Dizier criaient à ceux du Val :

Rhingau di Va
Fretiesse craipa
Troine lai creuvure
Aiva les cras
Etreince motons
Poi les coyons
Tasse berbis

Poi les noiris,

ceux du Val répondaient :

Rhingau di Mont

Fretiesse étrons

Fricasse crapeaux
Traîne la crevure

En aval des coteaux
Etrangle moutons
Par les couyons
Tette brebis
Par les narines,

Fricasse étrons.

P.-J. TALLON.

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