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Hüguelin, qui devaient continuer et mener à bonne fin la réparation des vitraux de la cathédrale de Strasbourg, ceux notamment qui avaient été endommagés en 1870 par les obus prussiens.

Baptiste Petit-Gérard a peu écrit sur l'art dans lequel il a excellé; il était avant tout un homme d'action et aimait mieux manier le pinceau que la plume. Nous ne connaissons de lui qu'une brochure intitulée: Quelques études sur l'art verrier et les vitraux d'Alsace, accompagnée de deux planches, l'une représentant un vitrail de l'église de Wissembourg, l'autre celui du chœur de Sainte-Madeleine de Strasbourg, restaurés par lui. La conclusion de cette notice mérite d'être rapportée et méditée par tous ceux qui, comme Petit-Gérard, se seront chargés de la noble mission d'orner les baies de nos monuments religieux. « Dans la peinture sur verre, dit-il, il peut y avoir plus d'un genre à préférer; mais avant tout, quel que soit celui que l'on choisira, quel que soit l'époque ou l'école que l'on voudra prendre pour point de départ ou pour modèle, il est, nous en avons l'intime conviction, indispensable de ne pas oublier les conditions monumentales inséparables de cet art, la sœur de l'architecture, et surtout de puiser à cette source divine et chrétienne où s'inspiraient nos pères. Si l'Eglise est la maison commune des fidèles, si tous s'en font gloire, parce qu'elle appartient à tous, on ne saurait apporter trop de soins, faire de trop grandes et sérieuses études pour contribuer à la rendre belle et digne des augustes mystères qui s'y accomplissent; on ne saurait trop méditer et mettre en pratique la noble maxime de M. de Montalembert, que l'artiste doit être l'homme de Dieu et l'homme du peuple. »> P.-E. TUEFFERD.

(La suite prochainement.)

CHANSONS POPULAIRES DE L'ALSACE

par J.-B. WECKERLIN

Paris, Maisonneuve & Cie 1883, 2 vol. in-16, CXXIII-335 et VIII-377 pp.

Recueillir les rimes et les poésies que le peuple chante en Alsace, avec les airs qu'elles lui ont inspirés ou qu'il y a adaptés, était une tâche que M. Weckerlin pouvait seul entreprendre. Il y fallait un musicien, un érudit et un patriote, et qui a autant que lui des titres à cette triple compétence? Ce travail l'a occupé vingt ans et plus, et rien n'était plus urgent qu'il se fit. Nos archives possèdent encore en original des chartes du VIIIe siècle, peut-être tout ce qui s'est écrit en Alsace dans l'année de leur date; par contre, combien de chansons qui se chantaient encore il y a cinquante ans et dont notre oreille n'entend plus les ritournelles? Scripta manent, verba volant. En général les traditions se perdent, et ce n'est guère que quand elles s'effacent que l'on songe à les fixer. Le moment qui passe saisit, absorbe seul les esprits. On dirait que l'âpreté du temps présent ne comporte plus les vieux souvenirs, les vieilles légendes, les vieilles chansons, et il faut que des curieux comme M. Weckerlin s'en mêlent pour nous rendre attentifs aux pertes que nous faisons.

Le recueil qu'il nous offre comprend des noëls et des cantiques - des chants légendaires, historiques, patriotiques des berceuses, des chansons, des rondes enfantines - des rimes qui font pour ainsi dire partie de nos mœurs et de nos coutumes des chansons d'amour, des chansons poétiques des chansons de conscrits, de soldats, de compagnons des chansons à boire, satiriques, bouffonnes. Mais tout n'est pas né de l'inspiration populaire. Les noëls et les cantiques,

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par exemple, sont empruntés à des recueils destinés au peuple et il n'est pas certain que le peuple se les soit tous appropriés. Dans d'autres genres, on trouve des morceaux composés par Hebel, par Ehrenfried Stober, que sa mémoire a retenus; mais si jolis qu'ils soient, ils ne valent pas ces rimes, ces cantilènes, ces refrains qu'il enfante lui-même et qui réfléchissent naïvement la diversité assez restreinte des idées et des sentiments moyens de la race.

Peut-être y a-t-il par ci par là des erreurs d'attribution ou de classement. Ainsi la chanson (tome Ier, p. 228) que l'auteur fait remonter à la guerre des Rustauds, semble la plainte d'un paysan qui ne sait rien du programme de la révolte, et pourrait plutôt être le prélude d'un exode contemporain en Amérique. Parmi les Alsaciens, l'émigration est devenue moins rare que M. Weckerlin ne le pense. Sans doute l'industrie ouvre ses bras au laboureur que les mauvaises récoltes et l'usure évincent de son héritage; mais depuis 1871 il n'en a pas moins une tendance de plus en plus marquée pour l'expatriation. En général on peut regretter que M. Weckerlin n'ait pas mieux indiqué la source orale des chansons qu'il a recueillies. Le même texte peut offrir de grandes divergences dialectiques selon les localités où on les chante, et il eût été bon d'être averti.

Il serait trop long de citer tous les chants que l'auteur nous donne. Le jeu d'Adam et d'Ève (tome Ier, p. 148) rappelle les représentations scéniques dont au xve siècle les villageois venaient régaler les gens de Colmar. M. Weckerlin ignore-t-il que la légende des Trois Rois donne lieu à une mise en scène semblable? La chanson qu'il attribue (tome II, p. 256) aux recrues que Mulhouse fournissait aux contingents suisses, mérite d'être signalée; mais pourquoi ne donne-t-il pas celle des Illtziger Jæger, qui courait les rues il y a quelques trente ans? Celle du marchand d'allumettes (tome II, p. 116) aurait pu avoir pour pendant l'appel du marchand d'encre : Kaufe tinte, dont on n'a pas encore oublié la mélopée à Colmar.

Il y a d'autres chansons qui se miment à la ronde et qui font la joie des nombreuses assemblées et des longs repas pantagruéliques. Telle est la chanson à boire Adam hett sewe sohn. Telle est encore cette imitation de tous les instruments d'un orchestre, dont la répétition sur un mouvement qui s'accélère est si plaisante: Liewi Kinder, was wollen wir machen. Ce sont là des vestiges bien curieux de l'ancienne gaîté et des anciennes mœurs alsaciennes, et il est à désirer qu'ils trouvent leur place dans une prochaine édition ou dans un supplément au recueil actuel.

Comment le peuple conserve-t-il ces naïves poésies d'un autre âge? Evidemment par le chant. Ce sont les personnes le mieux douées musicalement, dont la mémoire retient le plus volontiers ces antiques refrains. Une autre question est de savoir si la source de ces chansons n'est pas tarie, si de nos jours encore le peuple ne retrouve pas à l'occasion l'inspiration qui les lui a dictées jadis? M. Weckerlin reproduit des textes qu'il croit contemporains. Mais peut-être tous les sujets n'inspirent-ils plus également nos chanteurs. Il faut une anecdote risible, un scandale qui met toute une population en gaîté, pour faire surgir encore quelques strophes au gros sel, sur un air connu, des profondeurs de l'éternelle malice humaine.

On le voit, le beau livre de M. Weckerlin est essentiellement suggestif, comme on dit aujourd'hui; mais peut-être l'auteur y est pour autant que le sujet. Il y a mis en effet l'originalité d'un esprit très sagace, très observateur et qui ne suit pas les sentiers battus. Le tour qu'il donne à son érudition, qui est très étendue, lui imprime un cachet plus personnel. Peut-être n'est-ce pas toujours l'aspect qui a spontanément frappé le lecteur; mais, en somme, il n'y a pas de mal à ce que, sur un sujet donné, le lecteur et l'auteur aient chacun et gardent au besoin leur appréciation personnelle. X. MOSSMANN.

Nouvelle Série.

13 année.

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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

Documents et mémoire pour servir à l'histoire du territoire de Belfort (Haut-Rhin français), recueillis et publiés par LÉON VIELLARD. Besançon, imprimerie de Paul Jacquin, imprimeur-éditeur, Grande-rue, 14, 1 vol. grand 8° de XI-548 pages, avec 2 planches de sceaux.

M. Léon Viellard est une des bien rares personnes de l'Alsace romande qui s'intéressent quelque peu au passé de leur pays natal. Au siècle dernier, Schopflin trouva à Belfort un correspondant' qui lui fournit quelques documents pour son Alsace illustrée ainsi que de laconiques informations sur la langue populaire du pays. Mais ce pays même demeura indifférent, pour ne pas dire étranger au mouvement historique dont Schoepflin fut le chef dans la province et où son école créa de nombreux disciples.

Au commencement de ce siècle, un prêtre de Belfort, l'abbé Schuler, écrivit sur quatre ou cinq cahiers un essai de l'histoire pittoresque de sa petite ville. Il y consigna, outre de maigres indications historiques, des souvenirs d'enfance sur la vieille église du lieu, sur la construction de l'église moderne, y ajouta la description enthousiaste de la ville nouvelle, des renseignements sur sa famille et la part que l'auteur de ses jours prit à la construction de l'église, des informations sur les mœurs et les habitudes de la population et des réflexions exprimant les regrets de l'homme dont l'éducation appartenait au siècle précédent. Cet écrit n'a pas vu le jour.

Quelques années après, un autre prêtre, l'abbé Descharrière, professeur à l'école secondaire de Belfort, fit paraître un essai

1 1 M. Gérard, avocat fiscal de la seigneurie.

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