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soit arrangé avec les parents ou amis de la victime ou présenté devant les juges dans la juridiction desquels l'homicide a eu lieu. »

Faute de documents officiels relatifs au droit d'asile réclamé à Mulhouse par des étrangers, nous citerons ici deux cas que nous avons trouvés dans d'autres archives:

« Au milieu du xvre siècle, Jacques Wetzel, de Thann, prévenu d'avoir commis un meurtre sur la personne de sa sœur, s'était réfugié à Mulhouse et y avait demandé et obtenu le droit d'asile. Les officiers du bailliage de Thann réclamèrent son extradition, qui leur fut refusée par le magistrat ».1

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« En 1612, le voiturier André, du village de Vægtlinshofen, près d'Eguisheim, eut le malheur de tuer un jeune homme qui lui avait cherché querelle à la fête patronale de Hattstatt. Il se réfugia à Mulhouse et obtint le droit d'asile. Mais comme dans cette ville les bourgeois professaient le culte « luthérien »2, sa conscience catholique l'obligea à la quitter de nouveau et à se réfugier à Bergheim. En suite du récit qu'il avait fait aux juges sur l'homicide qu'on lui reprochait, on lui accorda l'asile, sous condition de travailler dans les vignes de la commune, car il était trop pauvre pour pouvoir se nourrir à l'auberge. »' AUG. STEBER.

1 Archives de la Haute-Alsace, 1626-1648, p. 77b à 77a.

* Ou plutôt réformé; le texte dit: Wegen des lautherischen Glaubens.

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Archives d'Oberbergheim; protocole du 15 décembre 1612.

FOLKLORISME DE L'ALSACE ROMANDE

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Usages et traditions populaires qui se perdent

Abeilles

Les abeilles continuent à jouir, dans nos campagnes, du renom et de l'affection dont elles étaient l'objet dans l'antiquité. Jupiter était leur père au temps d'Aristée, le Dieu des chrétiens l'a remplacé dès les premiers siècles de l'ère nouvelle. De nos jours et dans toutes nos campagnes, elles sont les bonnes petites bêtes du bon Dieu. Les poètes de la Grèce et de Rome ont célébré leurs vertus, les bergers de nos villages demeurent religieusement fidèles à la tradition.

On ne dit pas des abeilles, comme d'autres bêtes, qu'elles sont crevées mais qu'elles sont mortes. Si quelqu'un se servait de la première expression, il passerait pour un sot, pour un impie. A Saint-Dizier et les autres villages voisins on les appelle moutchattes les bêtes du bon Dieu, à Réchesy aijattes, les rayons sur lesquelles on place les ruches des aizies. Ces constructions doivent être rustiques, simples et sans aucune espèce de luxe.

Un de mes voisins, dit M. Tallon, venait de construire un rucher quelque peu prétentieux, car il lui avait occasionné une dépense d'environ mille francs. Il s'agissait d'y installer

1

D'après les informations recueillies par : † Schoepflin, † Butenschoen, G. Stoffel, J.-J. Dietrich, Aug. Stober, X. Kohler, H. Bardy, P.-E. Tuefferd, Ch. Berdellé, G. Corbis, P.-J. Tallon, L. Rosch, Ph. Lehmann, Canel, Verain, Cordier et Fréd. Kurtz.

9 Petites mouches. Et dans les villages de la frontière suisse.

les trente-six ruches qu'il possédait et qui avaient prospéré pendant de bien longues années sous l'appareil rustique successivement agrandi, sans autres frais que la main-d'œuvre du maître, inexpérimenté dans les travaux proprement dits de la construction. Un montagnard du Doubs vint à passer et dit à mon voisin : mon brave homme! vous avez fait une bêtise; vous perdrez toutes vos abeilles ». Malgré la prédiction, le déménagement des ruches fut opéré. Cinq ou six ans après l'opération, il ne restait plus que six ruches habitées; aujourd'hui il n'y en a plus que trois qui ne produisent presque rien.

La sortie des jeunes abeilles de la ruche-mère s'annonce par des signes connus des éducateurs. Quand elles veulent lèter1, elles annoncent leur départ par un bourdonnement particulier qui se fait entendre quelques jours à l'avance, c'est alors que le départ imminent doit être surveillé. Au moment où la volée commence, le maître est là muni d'une faulx, sans son manche, de la clef de la maison pour frapper sur la faulx et produire un carillon « qui avertit, prétend-on, le jeune essaim que l'on est là pour le recevoir dans une nouvelle demeure ». Les abeilles vont alors se suspendre à une branche d'un arbre voisin. Quand elles sont toutes réunies, on secoue la branche pour les faire tomber dans une ruche neuve que l'on a eu soin d'imbiber de miel étendu sur la paroi interne au moyen d'un poignée de feuilles de prunier. La ruche et son trésor sont ensuite portés doucement et aussi prestement que possible vers un van placé sur un banc et dont le fond a été préalablement muni de deux baguettes de coudrier disposées en croix, sur lesquelles viendront reposer les bords de la ruche renversée doucement mais rapidement par le récolteur. La ruche est ensuite couverte par une serviette

'Essaimer. Cette expression est généralement usitée dans nos en

virons.

bien blanche, bien propre afin de préserver les abeilles des ardeurs du soleil. Quand la nuit est venue on porte avec précaution la ruche sur le rayon qui lui est destiné dans le rucher, où une planche mobile, bien propre et que l'on nomme assiette d'abeilles, a été préparée pour la recevoir. L'opération est finie et dès le lendemain on voit le jeune essaim se mettre activement à l'œuvre pour organiser sa nouvelle demeure ou en prendre possession. Fervet opus, redolentque thymo fragrantia mella.

Quand le jeune essaim quitte la ruche-mère, il ne se préoccupe en aucune façon du cadastre des mortels civilisés; il se fixe, selon l'air que lui joue le maître de la maison où il est né, ou selon son caprice sur l'arbre qui est à sa convenance, sans s'inquiéter de savoir s'il appartient à Jean-Claude ou à Pierre-Joseph. Mais là où il s'arrête, le propriétaire originel vient le recueillir; c'est un droit que personne ne lui conteste, dût l'opération occasionner des dégâts dans la propriété du voisin. Ce droit n'est pas prévu par le code rural, mais il est religieusement respecté parmi nos paysans dont aucun ne se plaint du tort que peut lui avoir causé l'aventure, parce que les moutchattes sont les bonnes petites bêtes du bon Dieu.

Autrefois les curés allaient, pendant la semaine des rogations, bénir tous les ruchers. On mettait une belle serviette, en fin lin sur une table, une assiette dans laquelle il y avait de l'eau bénite, du sel à côté, une branche de buis et une petite croix en cire. C'est devant cette table que le curé se rendait pour réciter sa prière, assisté du maître d'école pour dire les répons et présenter au curé la branche de buis qui lui servait de goupillon pour bénir les abeilles. A d'autres époques de l'année elles étaient encore l'objet de la sollicitude pieuse des villageois. Le dimanche des rameaux, on ne manquait pas d'attacher au rucher un bouquet de buis béni pour préserver de la foudre l'abri des bêtes du bon Dieu; à l'octave de la Fête-Dieu les fillettes du village tressaient de

petites couronnes de fleurs en assez grand nombre pour en décorer chacune des ruches habitées; elles les faisaient d'abord bénir par le curé qui, aux complies, les présentait à l'ostensoir ou monstrance et les rendait ensuite aux jeunes filles qui les lui avaient présentées. C'est seulement après cette cérémonie que les couronnes étaient attachées aux ruches. Les abeilles étant les bêtes du bon Dieu, il s'en suivait que la paix, la concorde devaient régner dans la maison où elles se trouvaient; que le maître devait être honnête et craignant Dieu, sans cela point d'abeilles.

Il était admis que le maître pouvait vendre une ou plusieurs de ses ruches; mais il devait bien se garder de se séparer des plus anciennes, car en les cédant à prix d'argent il vendait la bonne chance ou la prospérité de la maison.

Quand le maître ou la maîtresse venait à mourir, il fallait ne pas oublier d'aller en prévenir les abeilles; on frappait trois petits coups sur chaque ruche en disant le maître ou

la maîtresse vient de mourir. »

Le partage des ruches entre les enfants ou les héritiers de la maison devait ne donner lieu à aucune contestation. Chacun devait être content du lot qui lui était départi; mal devait s'en trouver celui ou celle qui aurait levé une contestation à ce sujet.

Laissons butiner l'abeille diligente pendant la belle saison; le moment viendra où nous nous ferons la part du lion des richesses qu'elle a laborieusement entassées. C'est au mois de février que l'on fait généralement l'exécution. On lui enlève ses pains et on ne laisse à la famille engourdie que la provision strictement nécessaire pour l'empêcher de mourir jusqu'au réveil des fleurs. Calculateur comme Harpagon, l'homme justifie sa rapacité par ce raisonnement qui est de tous les temps et de toutes les civilisations. Il ne faut laisser à la bonne petite bête du bon Dieu que l'indispensable pour lui conserver la vie. Le besoin la rendra active dès que la

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