Imágenes de página
PDF
ePub
[ocr errors][subsumed][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors]

Depuis la création du Comice départemental, que vous avez tant contribué à fonder et dont vos membres constituent les œuvres vives, si je puis m'exprimer ainsi, votre section d'agriculture a dû se dépouiller d'une portion des attributions si nombreuses qui lui étaient auparavant dévolues. Elle a cédé au Comice toute la partie active, technique, des encouragements agricoles ; je veux dire les concours de charrue, les expositions d'animaux domestiques, l'introduction des races perfectionnées, les réunions en plein air, les séances sous la tente, au milieu de travailleurs des champs.

Mais elle a conservé, dans la direction des intérêts agricoles, la partie la plus difficile et la plus délicate, telle que la discussion des questions théoriques et économiques, la vérification scientifique des nouvelles méthodes, des procédés récemment découverts; enfin les essais de cultures spéciales, et l'expérimentation des végétaux dont l'acclimatation peut paraître désirable.

Comice

Départemental.

Parmi les questions économiques que vous avez Echelle mobile.

traitées, la plus grave et la plus pressante, sans contredit, a été celle de l'échelle mobile.

On entend par échelle mobile les droits variables au moyen desquels, depuis cinquante années, le gouvernement protège notre agriculture nationale contre l'importation des céréales étrangères. Ce mécanisme, en vigueur depuis 1819, consiste à élever progressivement les droits d'importation des grains à mesure que les cours baissent sur le marché intérieur, et à les réduire presque jusqu'à zéro, à mesure que les cours se relèvent.

Après cinq années de suspension de cette législation, suspension nécessitée par la disette qui a si cruellement éprouvé notre pays, le Gouvernement a résolu de régler ce qui concerne l'entrée et la sortie des céréales par des dispositions nouvelles, et ila saisi le Conseil d'Etat de l'examen de cette question.

Aussitôt les intérêts se sont alarmés; les champions des théories rivales du libre échange et de la protection sont entrés en campagne, et une immense enquête, improvisée d'elle-même sur tous les points du territoire, est venue fournir les éléments les plus précieux pour la solution du problême; toutes les Sociétés savantes, toutes les associations agricoles ont exprimé leurs craintes et formulé leurs espérances.

Votre voix, Messieurs, s'est fait entendre l'une des premières. Dès le mois de février 1859, M. Dosseur vous présentait, au nom de la section d'agriculture, son remarquable rapport sur l'échelle mobile. Ecrit avec une grande ardeur de conviction, et avec cette vaillance de style qui fait le caractère propre du talent de notre collègue, ce rapport est une charge à

fond contre le libre échange, au point de vue de la production agricole.

Il s'attache particulièrement à détruire la similitude qu'on voudrait établir entre la position de notre agriculture et celle de l'agriculture anglaise, au moment où celle-ci subit la réforme douannière de 1846. Je n'essaierai pas de résumer cette vive argumentation, que je mutilerais malgré moi, et à laquelle j'ôterais toute sa couleur. J'engage les personnes que ce débat intéresse à lire le rapport entier dans le dernier volume de vos Mémoires. Je me contenterai de dire ici qu'après avoir prouvé que les consommateurs aussi bien que les producteurs sont intéressés à ce que l'agriculture française soit suffisamment protégée, M. Dosseur établit qu'aucun système ne peut assurer cette protection dans des limites plus modérées, et avec des procédés plus rationnels que la législation dite de l'échelle mobile.

Cette opinion, soutenue par votre section d'agriculture, n'a pas passé sans contradiction au sein de la société. Quelques membres, d'accord avec M. Dosseur, sur la nécessité d'une protection pour nos cultivateurs, ont néanmoins repoussé le mécanisme de l'échelle mobile, comme impuissant et comme dangereux. « La mobilité incessante des droits, sous ce » régime, disait-on, est un piège tendu au commerce, » et rend impossibles les opérations d'importation à long terme et sur une grande échelle, en ôtant au spéculateur toute sécurité. Aussi, l'échelle mobile » n'a-t'elle jamais ni retardé ni adouci une crise ali» mentaire. Il y a donc lieu à recourir à d'autres » moyens pour régulariser le cours des céréales. >>

[ocr errors]

1

Conservation

des blés.

Tels sont les arguments invoqués contre le systême préconisé par nos agriculteurs.

Néanmoins, après une discussion brillante et approfondie, vous avez, Messieurs, adopté sans hésitation les conclusions de votre section d'agriculture, et, dans une délibération fortement motivée, vous avez émis le vœu que la législation de l'échelle mobile réglát à l'avenir d'une manière permanente la question des céréales en France.

Un de vos membres associés, M. Dondeau-Jacotot, vous a apporté son concours sur le même sujet. Dans un mémoire substantiel, dont il vous a fait hommage, il conclut comme vous au maintien de l'échelle mobile; mais il déclare que ce remède est insuffisant, si l'on n'y joint un bon systême de réserve et de conservation des blés.

Là sans doute se trouverait la solution de ce difficile problême : maintenir constamment les céréales à un taux également éloigné de l'avilissement des prix, si funeste aux cultivateurs, et de l'extrême cherté, si douloureuse pour les classes pauvres.

Si, en effet, au moyen de procédés certains de conservation, les particuliers ou, à leur défaut, le Gouvernement, pouvaient, dans les années de grande abondance, emmagasiner une portion notable de la récolte pour la rendre à la consommation dans les années de disette, les brusques variations deviendraient impossibles, ou du moins seraient considérablement limitées en intensité comme en durée; les calamités que nous avons vu, dans ces dernières années, atteindre tour à tour les producteurs et les consommateurs, seraient en grande partie conjurées.

La solution de cette immense question a préoccupé déjà bien des esprits généreux et élevés : la grandeur du but à atteindre devait les tenter; mais jusqu'ici des obstacles insurmontables ont paralysé tous les efforts et frappé d'impuissance les moyens préconisés.

Ces obstacles sont principalement : la difficulté de trouver des procédés sûrs et pratiques pour conserver le froment, la plus susceptible et la plus délicate des céréales; ensuite, l'immensité des appareils nécessaires pour emmagasiner une quantité de grains capable de produire un effet un peu sensible sur la consommation de la France.

Si j'emprunte en effet les chiffres de M. Dondeau, qui sont plutôt au-dessous qu'au-dessus de la vérité, nous voyons qu'en accordant à notre population seulement 500 grammes de pain par tête et par jour, ce qui donne environ à chacun trois hectolitres de

blé par an, il faut pour la consommation de la France

105 millions d'hectolitres pour une seule année; c'est son strict nécessaire.

Or, notre confrère propose la construction de silos souterrains, soit revêtus de briques, soit creusés dans des bancs de pierre calcaire, mesurant chacun 56 mètres cubes et contenant 560 hectolitres. Quatre mille de ces dépôts (et ce serait déjà un travail et une dépense formidables) contiendraient un approvisionnement de 2,240,000 hectolitres, qui ne donneraient

que 278 millions de kilogrammes de pain, soit seize jours de la consommation du pays.

Notre confrère, Messieurs, convient qu'après un moment de réflexion l'imagination s'effraie de l'immensité de l'entreprise; néanmoins il ne se décou

« AnteriorContinuar »