Images de page
PDF
ePub

D'ailleurs les Sarrasins, devenus maîtres de la Septimanie, ne changèrent nulle part la forme du gouvernement; ils laissèrent aux villes leurs comtes et leurs viguiers; l'admi→ nistration de la justice resta la mème, et l'exercice de la religion chrétienne fut respecté. 11 n'est pas vraisemblable qu'ils aient substitué leur monnoie à celle du pays. On n'en connoît aucune qui ait été frappée sur les lieux, et la pièce récemment découverte, venoit de Waseth, ville située sur les bords du Tigre. Cette pièce est d'argent, et porte d'un côté cette inscription :

Il n'est po'nt d'autre Dieu que le Dicu unique qui n'a point de compagnon.

On lit sur le revers:

Dieu est unique, il est éternel; il n'engendre point et n'est point engendré; nul ne peut lui être semblable.

La légende d'un des côtés signifie :

Mahomet est l'apôtre de Dieu qui l'envoya pour la direction (des fidèles ); et la religion de la vraie foi se manifeste audessus des autres religions, malgré la haine de ceux qui associent des compagnons à Dieu ).

L'autre légende est ainsi conçue :

Au nom de Dieu. Cette drachme a été frappée à Waseth, l'an 122 de l'hégire.

Cette date correspond à l'an 739 de notre ère. C'est l'époque du règne d'Hecham, dixième calife de la race des Ommiades, de l'expulsion des Sarrasins de la Provence Charles Martel, et de la guerre qu'il leur fit dans la Septimanie. C'est alors qu'il mit le feu à l'amphithéâtre de Nismes.

[ocr errors]

par

L'explication de la monnoie arabe qui vient d'être rapportée, a été fournie à l'académie par M. le professeur Jaubert, premier interprète du gouvernement, dont les profondes connoissances dans les langues, dans la litté rature et dans l'histoire de l'Orient, sont justement célèbres.

Poésie.

Parmi les morceaux de littérature qui ont 'été entendus, cette année, dans nos séances académiques, nous nous arrêterons d'abord à l'analise raisonnée qu'a présentée M. Alexandre Vincens, du Ix.e livre de l'Iliade, et à la belle traduction en vers, dont cette analise n'est que la préface; et nous féliciterons notre académicien d'avoir rendu un digne hommage au

[ocr errors][ocr errors]

poëte par excellence, à ce puissant génie, cette imagination créatrice qui a conçu et tracé ces éternels modèles de la beauté idéale sans laquelle les arts d'imitation n'existeroient pas; à ce peintre sublime qui semble n'avoir étudié et approfondi la nature, que pour nous la retracer sous des formes plus majestueuses et plus brillantes; à cet antique et vénérable maître, dont les plus grands écrivains se sont honorés d'être les disciples et les fils, et qu'on peut comparer au Jupiter Olympien qu'il a représenté lui-même, sous des traits si sublimes, et dont le peuple entier des dieux avoit tiré son origine.

Tous les talens unis forment la couronne d'Homère; mais c'est particulièrement comme orateur, que M. Vincens s'attache à le considérer. Il se propose de faire voir que les formes et la division du discours, les divers genres d'éloquence, les moyens et les finesses de l'art oratoire, tout ce qui constitue, en un mot, la réthorique, se trouve dans les ouvrages d'Homère, et que les rétheurs qui depuis ont recueilli et publié les régles de cette science, les ont probablement puisées dans ses poëmes immortels. Pour prouver son assertion, M. Vincens procède à l'examen analitique d'un

e

morceau de l'Iliade. Entre les scènes magnifiques dont la succession non interrompue forme. le tissu, de ce poëme, notre académicien a fait choix de l'épisode de l'ambassade à Achille, au IX. chant, lorsque Ulysse, Ajax et le vieux Phoenix viennent lui présenter le repentir et les réparations d'Atride, lui peindre les malheurs des Grecs, et le supplier d'y mettre une fin, en se replaçant à leur téte. C'est dans les discours qui constituent ce drame admirable, que M. Vincens trouve et fait voir tous les genres, toutes les règles, toutes les

beautés de l'art oratoire.

Il est bon d'observer, avec l'auteur de la dissertation, que ce ne sont pas ici de ces morceaux parasites et détachés du sujet, que les meilleurs écrivains se permettent quelquefois pour orner leurs ouvrages ou faire étalage de leurs talens. La colère d'Achille est terrible,

immuable et ne doit céder qu'à la douleur de la mort d'un ami, et qu'au devoir de la venger. Il falloit donc la peindre dans toute sa force, cette colère; il falloit qu'elle résistât à toutes les supplications, à toutes les attaques, à tous les attraits, pour ne céder qu'à l'amitié. H étoit donc indispensable, inhérent au sujet, que le poëte développât tout son charme, toute

[ocr errors][merged small]

son énergie, pour toucher son inflexible, héros, et l'on ne peut voir sans un plaisir mêlé d'étonnement, ce vigoureux génie se proposer; en quelque sorte, un defi à lui-même, se placer dans la nécessité de déployer toutes les forces de son art, et s'imposer la loi d'en atteindre les bornes les plus réculées. Combien nous aurions desiré de pouvoir suivre M. Vincens dans les heureux développemens de ses principes! Jamais nous n'avions mieux senti la gêne que nous impose la nature de notre travail, et la fâcheuse obligation où elle nous met de substituer une froide esquisse à un tableau plein de grâce, d'imagination et de goût.

M. Vincens considère le discours d'Ulysse comme le modèle de l'eloquence étudiée, et on voit que le rusé Grec devant porter la pårole, a tout arrangé, tout calculé pour l'effet qu'il vouloit produire. On y trouve les formes. et les divisions oratoires, et toute l'adresse du rhéteur le plus exercé. Dans celui de Phænix, se montre au plus haut degré, l'art des ménagemens, de la persuasion, des insinuations et de l'éloquence, pour ainsi dire indirecte. Celui d'Ajax, au contraire, est vif, véhément, rapide, un peu sauvage, tel qu'il convient à un

« PrécédentContinuer »