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pas des enthousiastes fougueux de la révolution. Quoique déjà le peuple fût trop souvent livré à des agitations désordonnées, la violence des opinions n'étoit pas encore devenue le seul titre recommandable : l'intérêt au maintien de l'ordre et de la tranquillité publique, un attachement sincère, mais raisonné aux principes de la liberté, le désintéressement, la probité, les lumières, voilà ce qui déterminoit alors les, choix; et si l'esprit public n'eût pas trop promptement perdu ces caractères la monarchie étoit sauvée, malgré l'incohérence, le vice et la foiblesse des institutions, car le succès des lois tient moins à la force et à la sagesse de leurs dispositions, qu'à la volonté de ceux qui les font exécuter et de ceux qu'elles gouvernent,

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Quoiqu'il n'y eût pas toujours ce concours de volontés entre les administrateurs et les administrés, cependant tant que M. Griolet et ses collègues tinrent le gouvernail, le département fut à peine ébranlé des secousses qui bouleversoient les départemens circonvoisins. Il ne ressentit que les commotions dont la proximité des volcans en éruption ne permettoit guères de se garantir. Il y avoit à le défendre contre la double invasion dont le menaçoient,

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II

d'un côté, les légions du fanatisme, de l'autre celles de l'anarchie; à le préserver de la contagión de ces épidémies opposées ; à contenir les mouvemens des partisans secrets de la révolte, et la fermentation d'un zèle louable, mais souvent trop peu réfléchi. M. Griolet sembloit se multiplier pour faire par-tout tête à l'orage. Il vole tour à tour aux frontières de l'Ardèche, aux confins de la Lozère, aux bords du Rhône, aux limites de l'Hérault; son poste est toujours celui du danger, mais il le brave sur-tout quand l'humanité le commande; et tout ce qu'on peut attendre de la vigilance la plus active, d'une prudence consommée, d'un courage intrépide, d'une éloquence, tantôt douce et persuasive, tantôt, terrible et menaçante, il l'accomplit. Aucun obstacle ne l'arrête, aucune résistance ne le lasse, aucune crainte ne l'intimide. En vain les intrigues de quelques -tribuns turbulens, de quelques factieux subalternes, cherchèrent à paralyser son pouvoir en le déconsidérant, et à soulever contre toutes -ses mesures les soupçons d'une multitude bien intentionnée, mais aveugle; il ne fit jamais l'ombre même d'un sacrifice au besoin, alors si commun de la popularité: le cœur contristé, mais plein d'un courage redoublé par sa dou

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leur et par son indignation même, il enchaîna l'audace de ces vils ambitieux, et s'il ne put pas toujours empêcher leurs succès, il ne leur laissa jamais du moins un triomphe de longue durée. Fidèle au serment de maintenir la constitution, il la défendit sans relâche contre ses ennemis, quelques drapeaux qu'ils suivissent, et combattit encore sur ses débris, quand la chute du trône l'eût écrasée.

Parmi ces soins si nombreux, si accablans de la sureté publique, M. Griolet ne perdit jamais de vue les autres parties de l'adminis tration; leur marche en fut à peine ralentie; c'est qu'il pouvoit dire avec vérité :

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Ce que j'ôte à mes nuits, je l'ajoute à mes jours (1).

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Combien de fois, en effet, les heures. consacrées au repos ne les passa-t-il pas dans une veille laborieuse! Jamais il ne laissa une lettre sans réponse, une affaire sans examen; il trouva le temps de peser les droits de l'individu, sans cesser de s'occuper de l'intérêt de tous. Un nouveau système de contributions, de liquidation, de comptabilité, de recrutement, de régime ecclésiastique, d'aliénation et de régie des propriétés nationales, venoit

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(1) Rotrou, Vinceslas,

d'être établi; les autorités avoient change de

forme comme d'agens; tout étoit neuf, les hommes et les choses. Guide infatigable de ces pouvoirs secondaires, M. Griolet leur prodigue les conseils, les instructions, les secours; il porte la lumière jusques dans les moindres détails de leurs fonctions; tout obéit à son impulsion, et chaque ressort de la machine administrative commence à prendre un mouvement régulier et une action uniforme.

Les grandes vues de l'administration occupoient aussi sa pensée. Personne n'étoit moins susceptible que lui de se livrer à l'esprit de système et à de vaines spéculations; mais à l'aspect des ressources si nombreuses et si variées du département, il ne pouvoit se défendre du desir, sinon de l'espoir, de contribuer un jour à en augmenter la splendeur, et déjà il avoit profondément médité sur ce qu'on pouvoit encore y faire en faveur de l'agriculture, du commerce et des arts. Mais forcé d'ajourner à des temps plus calmes et plus propices, même la manifestation de ses vues, il se montra d'autant plus attentif à provoquer les mesures ca→ pables de préserver d'une destruction totale les précieux élémens d'une gloire et d'une prospérité futures.

Que dis-je ? la prospérité! la gloire !, quand le crime, la dévastation, la mort vont faire de la France entière une vaste ruine, un immense tombeau! Déjà les chefs qui méditent ces horribles forfaits, cherchent par-tout des complices de nouvelles élections sont ordonnées; l'administration départementale du Gard fait place une autre. Mais l'espoir des agitateurs est trompé ; les hommes changent, les principes restent les mêmes: malgré tous les efforts de l'anarchie, à l'expérience, à la force, aux lumières supérieures, succèdent encore, presque sans exception, la droiture et sinon le pouvoir, du moins le desir du bien.

Plus sages que l'assemblée électorale, les sections de la ville de Nismes s'empressent de décorer de l'écharpe municipale tous ceux de ces administrateurs sortant de la première magistrature, qui leur appartenoient, elles les associent aux plus sages et aux plus éclairés d'entre leurs autres citoyens. Le digne et respectable président (1), qui naguères avoit passé de l'assemblée constituante à la tête de l'administration supérieure, fut fait maire; de procureur-général syndic, M. Griolet devint procureur

(1) M. Meynier de Salinelles le père.

de

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