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nul, & les Enfans batards: car quelle juftice y a-t-il de punir un mal, qui ne fe perpétue point, par un châtiment, dont l'effet eft permanent & perpétuel ?

Or le péché, commis par un Enfant au temps qu'il s'eft marié contre le gré de fes Parens, n'eft point de la nature de celui que commettent les adulteres & polygames, qui continue & s'augmente même de jour en jour, auffi - longtemps qu'ils s'approchent les uns des autres; là où tout-au-contraire le mariage eft un Sacrement, que le défaut du confentement des Parens ne peut invalider; à caufe que ce confentement eft une chofe extérieure, qui n'entre point dans l'effence du lien conjugal; outre qu'il n'y a rien où la liberté foit plus néceffaire, que quand il s'agit de fe marier: car qui eft-ce qui peut aimer par le cœur d'autrui? D'ailleurs l'on fait, avec quel foin l'Apôtre S. Paul veut, que l'on évite les inconvéniens de l'incontinence.

Mais les Politiques foutiennent au contraire, que ces Loix de la plupart des Etats, defquelles fe plaignent les Gens d'Eglife, bien loin d'être odieufes & trop rudes, font tout-à-fait néceffaires, non feulement pour la confervation des familles; puifque le mariage eft une affaire, qui intéreffe toute la Parenté, dont la plaie faigne perpétuellement; mais auffi pour le bien public; à caufe que des mariages mal affortis font fouvent de grande conféquence pour l'état.

Qui plus eft, ces Loix n'ont pas été émanées feulement pour le bien de l'état, mais auffi pour l'obfervation du commandement de Dieu; puifqu'elles font toutes fondées fur le quatrieme Précepte du Décalogue: ce qui fait, que les mariages, contractés fans l'aveu des Parens, ont toujours

été détestés par l'Eglife. Ce font les propres paroles, dont fe fert le Concile de Trente, qui juftifieht qu'il n'eft pas queftion ici des mariages clandeftins, mais de la violation du Commandement de Dieu, laquelle fe commet toutes les fois qu'un Enfant fe marie contre la volonté de fon Père; lors même que ce mariage a été célébré publiquement en face de l'Eglife, & avec toutes les formalités imaginables.

D'ou réfulte ultérieurement, que ces Loix doivent être réputées favorables, du moins avec cette restriction, que la volonté du Pere ne foit point manifeftement déraisonnable.

De ces notions générales il eft aifé de tirer des conclufions pertinentes & décifives au cas en question: c'eft le cas d'une Fille noble, qui dès l'âge de 12 à 13 ans s'eft amourachée d'un Officier & qui à l'âge de 15 ans l'a épousée contre le gré de fon Pere, nonobftant que la pudeur du fexe & fon bas âge (qui la mettoit hors d'état de fe conduire elle-même) demandoit particuliérement, qu'elle fe réglát ici fur le jugement & la volonté du Chef de la Famille.

Ce Pere, bien loin d'agir envers elle avec trop de rigueur, fe trouvant adjourné au Confeil Souverain de Brabant, pour rendre compte à fes Supérieurs de fon refus, y a allégué fes raifons, lefquelles, après formelle conteftation en cause, & apparemment après admiffion à preuve, ou du moins avec pleine connoiffance de caufe, ont été reçues pour bonnes & valides par Sentence du 3 Octobre 1716, par laquelle cette Fille fut déclarée non fondée ni recevable en fa demande de fupplément de confentement.

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Ce jugement ne peut avoir été fondé fur la rigueur des Placards des années 1540 & 1623; puifque ces mêmes Placards ordonnent aux Juges de fuppléer le confentement qu'un Pere refufe fans raifon il faut donc de néceffité qu'ils aient été perfuadés & convaincus, que les Parties n'étoient point fortables.

Et comme leur Sentence eft paffée en force de chofe jugée, qui ne peut être anéantie, five bene five malè judicatum fuerit, non pas même par un referit Impérial. L. 16. junctâ L. 20. de Tranfactionib. nous devons fuivant les regles tenir pour véritable & certain, que l'oppofition de l'Amman de la ville d'Anvers de Witte au mariage de fa Fille a été fondée fur des raifons juftes & légitimes; & par conféquent que ce n'eft pas fans fujet, qu'il s'eft reffenti de l'outrage qu'elle lui fit fept femaines après le jugement rendu, lorfque le mariage fut folemnifé. Auquel cas le droit même de la nature, indépendamment de tout Placard, permet à un Pere, en punition d'une défobéiffance fi formelle, de chaffer cette Fille de fa maifon & famille, & de l'exclure de fa fucceffion; comme il a été folidement établi par le BARON De Puffendorff liv. 6. chap. 2. §. 14.

Ce qui fait, que nous ne pouvons concevoir, avec quelle juftice on pourroit relever cette Fille des peines reprifes dans les Placards des années 1540 & 1623, pour lui faire avoir fa légitime franche & libre, dans la fuppofition où elle eft que fon Pere l'en a privée par fon teftament du 17 Décembre 1716, depuis confirmé par fon décès, arrivé le 7 Août 1719: puifque ces Placards, au fait de l'exhérédation en question, & par rapport aux circonftances du cas, n'empor

tent aucune nouvelle difpofition; mais ne font que renouveller une loi naturelle, non écrite. mais gravée dans le cœur de tous les hommes; à laquelle on porteroit une atteinte trop fenfible, fi en renverfant le teftament d'un Père, pour s'être fervi de la faculté & du pouvoir que la nature lui avoit donné, l'on ôtoit à fes autres enfans un droit acquis en vertu du même testament.

A quoi ne peut obfter, que le mariage en queftion ayant été folemnifé fous les aufpices d'un Miniftre Plénipotentiaire, le dit Lieutenant-Colonel auroit été de bonne foi dans la pensée, que cette protection renfermoit de la part du Gouvernement un fupplément du confentement paternel, qui le difpenfoit de la rigueur des Placards des années 1540 & 1623.

Car nous avons déja prouvé, que le teftament, qu'on tâche de débattre, doit fubfifter en tous fes points, abstraction faite des dits Placards; outre que le dit Lieutenant-Colonel a fu, ou dú favoir, qu'il n'étoit point dans le pouvoir d'un Miniftre Plénipotentiaire de fuppléer fans connoiffance de caufe un confentement, que le Pere avoit refufé de donner pour des raifons juftifiées & trouvées bonnes en jugement, porté avec pleine connoiffance de caufe.

Cette raison est fi preffante, qu'elle a mu le Confeil d'Etat, confulté par feu le Marquis de Prié fur la Lettre du Comte de Königsegg, de faire connoître par fa Refcription, que la juftice ne permettant point, qu'on eût des égards au caractere de ce Miniftre, ni à fa Lettre, écrite le 22 Juin 1719 en faveur du Lieutenant-Colonel Collin, il devoit être éconduit de fa demande : & comme cette Refcription, ou Confulte, eft conforme à l'avis du Confeil de Brabant, demandé

par le Confeil d'Etat avant que de faire fa Confulte, nous nous trouvons obligés de nous y conformer pareillement. N'importe que la Mere ait confenti au mariage de fa Fille; puifqu'il eft des principes, qu'un Enfant dans une affaire de cette importance fe doit plutôt tenir au jugement du Pere que de la Mere, qui eft ellemême fous la puiffance & tutele de fon Mari. Diffentit ANSELMO in fuo Tribon. Belg. cap. 54. S. 22. & 36. Sed malè; & fon fentiment eft contraire à nos moeurs, comme le Confeil Privé & celui de Brabant l'ont déclaré depuis.

Il eft vrai, que le dit Lieutenant-Colonel pofe, que l'Amman de Witte, fon Beau-pere, dans fon lit mortel fe feroit réconcilié avec fa Fille, en lui donnant fa bénédiction; mais au cas qu'il puiffe prouver cette circonftance favorable, rien ne l'empêche de s'en prévaloir, pour débattre en jugement le teftament du dit Amman, fi fa Fille n'a point fa légitime franche & libre: mais il s'en prévaudroit en vain, quia benedictione paterna ceffavit indignatio, pœna exheredationis remanfit.

Cette Confulte fut dreffée au commencement du mois d'Avril 1726 par le plus jeune des deux Régens nationaux; mais il parut au plus ancien, que ce projet n'étoit point affez conforme au ftyle, dont le Confeil Suprême des Pays-Bas à Vienne eft accoutumé de fe fervir: ce le détermina à coucher par écrit une autre Confulte, qui fut approuvée par fon Collegue; à caufe qu'elle convenoit en fubftance avec celle qu'il avoit projetée.

Le Baron de Pentenrieder ayant peu de jours après par ordres de Sa Sacrée Majesté examiné cette Confulte, & les raifons contraires du Comte

de Baillet,

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