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hommes et les choses qui, dans le courant de l'année, ont eu leur quart-d'heure de vogue ou de ridicule; mais il paraît qu'une notable portion du public adore cela, et, puisque ce genre de spectacle fait de l'argent, nous ne pouvons blâmer les directeurs d'y revenir tous les ans. La Revue du Palais-Royal est intitulée : Les Vaches Landaises (on ne sait pas pourquoi); celle des Variétés s'appelle Ohé! les p'tits agneaux! (on sait encore moins pourquoi, mais c'est un bien joli titre!) La première étant de M. Lambert-Thiboust, la seconde ne pouvait être que de M. Clairville; c'est dire que l'une vaut l'autre. Pourtant, il y a une scène fort drôle dans les Vaches Landaises, c'est celle où maître Hiacynthe, invité à apporter son nez monumental au Dîner de Figaro, se trompe d'étage et tombe au milieu de MM. les Epiciers de Paris, appelés à améliorer le commerce des pruneaux dans une agape fraternelle, présidée par le rédacteur en chef du Journal de l'Epicerie française. Ce bon Hiacynthe, convaincu qu'il améliore l'esprit national, fait assaut de mots incroyables avec MM. les épiciers, et c'est un feu roulant de saillies pleines d'atticisme, comme, par exemple, celle-ci : « Quelle différence y a-t-il entre la Nuit et le Fils de la Nuit? C'est que la Nuit porte conseil, tandis que le Fils de la Nuit, Porte..... Saint-Martin. » A chaque mot de cette force, tous les convives tombent dans les bras les uns des autres, en s'écriant avec enthousiasme : « Améliorons! améliorons! >> C'est très-amusant, et le Dîner de Figaro a du moins notablement amélioré la Revue du Palais-Royal. C'est toujours cela.

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Ce Dîner de Figaro donne de temps en temps signe de vie. Le 30 novembre a eu lieu le second des banquets offerts par le Figaro sous le nom de dîners d'entraînement. Le mot entraînement, employé dans le sens de mise en train, avait été, jusqu'ici, exclusivement réservé à l'amélioration des chevaux. M. de Villemessant l'applique à l'amélioration de l'esprit français, ce qui ne prouve pas que les améliorateurs améliorent la langue. Lundi dernier, 21 décembre, les auteurs dramatiques ont rendu sa politesse au Figaro, formalité de haute convenance que semblent négliger MM. les Journalistes, habitués par les Compagnies de chemins de fer à accepter des invitations de tout le monde sans en rendre à personne. Enfin, c'est le 5 Janvier qu'aura lieu le premier dîner à dix francs par tête. Avis aux lecteurs de la Revue qui auraient

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envie de prendre part à ce glorieux pique-nique. Pour leur épargner le désagrément d'une humiliante exclusion, nous les prévenons qu'une clause vient d'être ajoutée à la charte primitive. Afin d'éviter qu'un idiot se présente avec un quatrain acheté au marché, comme nous le disions le mois dernier, Figaro exigera que les convives munis de leur mot soient en outre patronnés par un des membres d'une Académie de son invention, dont il donne la liste dans son numéro d'aujourd'hui 24 Décembre, et qu'il appelle modestement les quarante millionnaires de l'esprit. Mlle Alice Ozi des Variétés, M. Albéric Second et M. Théodore de Banville brillent sur cette liste où ne figurent ni Mme Sand, ni M. Villemain, ni M. de Lamartine.

Améliorons! Améliorons!
Agréez, etc.

Jules RENOULT.

Ce 25 décembre.

P. S. Nous apprenons par les journaux du soir que l'école romantique de 1830 vient de faire une nouvelle perte. M. Achille Dévéria, conservateur du Cabinet des estampes à la Bibliothèque Impériale, est mort hier matin à l'àge de cinquante-sept ans. Depuis longtemps, M. Dévéria ne produisait plus que de médiocres lithographies destinées à l'enluminure; mais nous ne devons pas oublier que son nom et ses dessins se sont trouvés mêlés à tous les grands succès littéraires des dernières années de la Restauration. Prédécesseur des Johannot, il avait succédé à Desenne, et le célèbre éditeur du temps, Ladvocat, n'eût pas cru possible le succès d'un volume non orné d'une gravure d'après Dévéria. Ce fécond dessinateur a illustré ainsi Châteaubriand, Lamartine, Victor Hugo, Casimir Delavigne, etc., etc., et la collection complète de son œuvre devait former plusieurs cartons énormes dans la partie de la Bibliothèque confiée à sa garde. Lié avec les écrivains dont son crayon avait traduit la pensée, frére d'Eugène Dévéria, dont le brillant début, la Naissance d'Henri IV, fit espérer quelque temps un Paul Véronèse à la jeune école, Achille Dévéria avait fait de la

jolie maison cachée au fond d'un jardin, qu'il habitait rue de l'Ouest, le rendez-vous de tout le cénacle. C'était une sorte d'hôtel Rambouillet romantique où Victor Hugo donnait volontiers la primeur de ses plus belles odes, où Alexandre Dumas récitait ses meilleures scènes, où le comte de Vigny, Charles Nodier, et les deux Deschamps apportaient leurs plus fraîches inspirations; c'est là enfin qu'à dix-huit ans, Alfred de Musset, inconnu, a lu pour la première fois, au grand applaudissement d'un auditoire de poètes, son premier conte en vers Don Paëz.

ENSEIGNEMENT.

Remise d'une médaille d'honneur de S. M. l'Impératrice à la Directrice des Salles d'Asile de Lectoure (Gers).

Le lundi, 24 décembre, M. Rocher, Recteur de l'Académie, a remis à Mme la Directrice des salles d'asile de Lectoure une médaille d'honneur. Les personnes les plus considérables du département du Gers assistaient à cette intéressante solennité. M. le Recteur a prononcé, à cette occasion, l'allocution suivante :

« MESDAMES, MESSIEURS,

» C'est aujourd'hui la fête de l'enfance. Heureuse de voir honorer ce qu'elle aime et de retrouver sur le front de chacun de nous le reflet de la douce émotion qui l'agite, elle sourit avec un mélange de fierté et de joie à cette solennelle manifestation de ses propres sentiments, provoquée de haut par un de ces suffrages qui résument et consacrent tous les autres.

>> Ces cœurs à peine ouverts aux premières impressions de la vie, ils n'auraient su comment exprimer à la pieuse sœur qui leur prodigue ses soins et son amour ce qu'ils éprouvent en secret pour elle. Une volonté providentielle y a pourvu de même qu'à cet âge où le berceau les renfermait encore, leurs mères allaient audevant de la pensée qui, se révélant dans leurs regards, s'efforçait d'éclore sur leurs lèvres, une autre mère dont la protection plane sur eux du sommet de la puissance et des grandeurs, s'est

rendue l'interprète de leurs muettes bénédictions, et prenant à sa charge le bien qui leur est fait, a résolu d'acquitter en son nom la dette de leur reconnaissance. Ah! sans doute, l'humble dévouement glorifié avec tant d'éclat poursuit un tout autre but que les satisfactions de l'orgueil, même le plus légitime! C'est lui demander un sacrifice de plus que de le faire sortir de l'ombre où il se cache; et peut-être au moment où je parle, offre-t-il tout bas à Dieu nos hommages comme une souffrance qu'il est condamné à subir. Résignez-vous, ma Sœur, à ces honneurs contre lesquels vous voudriez trouver un abri sous votre voile. Il est bon pour l'édification des hommes que la justice du ciel leur apparaisse de temps à autre sous une forme visible; et quelle forme pourrait-elle revêtir plus touchante et plus auguste à la fois, que celle de la noble souveraine, amie de la faiblesse et du malheur, qui semble n'avoir été placée au-dessus de tous que pour mieux distinguer ceux qui ont besoin de consolation ou d'appui ?

» Le témoignage que je vous apporte, ma Sœur, du prix qu'elle attache au succès de vos efforts est moins une récompense pour vous qu'un encouragement donné à d'autres.

>> Votre œuvre n'est pas de celles dont la valeur se pèse au poids des jugements humains, et si un rayon de lumière est descendu sur elle, c'est afin qu'elle porte ses fruits au-delà de l'enceinte trop étroite qui les recueille.

>> Laissez-moi donc, quoi qu'il vous en coûte, exposer dans un intérêt et pour une fin conformes au vœu de votre sainte mission, de quelle façon s'opère l'éducation de ces jeunes âmes qui vous sont confiées, et comment vous continuez par leur initiation à la vie morale ce que Dieu a commencé en les formant à son image:

» Dès que le pupille de votre charité a franchi le seuil de l'asile, il ne s'appartient plus. On dirait qu'à partir de ce moment, il ne respire et ne se meut qu'au gré d'une volonté dans laquelle s'est absorbée la sienne; et cette volonté, à quels moyens a-t-elle recours pour assurer sur lui son triomphe? à un regard ou à un sourire; puissance mystérieuse qui se maintient par la confiance après s'être imposée par l'affection; lacet de soie dont la pression est d'autant plus efficace qu'elle laisse dans le doute. si elle n'est pas plutôt une caresse qu'un commandement.

>> La jeune famille une fois réunie autour de sa mère d'adop

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