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graphique. Tout cela, on le voit, ne laisse pas que d'être assez curieux. Mais voici qui est mieux encore:

Si, prenant un tube opaque, de métal ou de toute autre substance, fermé à une de ses extrémités et tapissé à son intérieur de papier blanc, on l'expose par l'ouverture restante aux rayons solaires, pendant une heure environ, et qu'après l'insolation, on applique cette même ouverture contre une feuille de papier sensible, l'on constate, après vingt-quatre heures, que la circonférence du tube a dessiné son image. Il y a plus si l'on interpose entre le tube et le papier sensible une gravure sur papier de Chine, celle-ci se trouvera elle-même reproduite; et enfin, si après que le tube a été exposé au soleil, on le ferme hermétiquement, il conserve indéfiniment le pouvoir de radiation qui vient d'être signalé, et reproduit les mêmes impressions chaque fois qu'on l'applique sur le papier sensible, après qu'on a enlevé le couvercle.

Voilà assurément des résultats fort inattendus, et dont les conséquences sur les théories de la lumière peuvent être très-grandes. Nous ne savons si déjà il a été donné à quelqu'un de les entrevoir. En attendant, il est permis d'espérer, comme le dit en terminant son premier mémoire M. Niepce de Saint-Victor, que cette nouvelle manière de mettre en évidence les propriétés de la lumière, à peine soupçonnées ou imparfaitement constatées jusqu'ici, excitera l'attention des physiciens et amènera d'importantes recherches.

Une importante application de ces curieuses propriétés de la lumière a été déjà signalée par M. Niepce de Saint-Victor lui-même, dans son second mémoire, présenté tout récemment; c'est la fixation absolue des images photographiques, qu'il a obtenue en expérimentant une nouvelle manière de mettre en évidence l'action exercée par la lumière sur les corps qui ont été frappés par elle. Voici comment il procède. Prenant une feuille de papier restée plusieurs jours dans l'obscurité, il la couvre d'un cliché photographique sur verre ou sur papier, l'expose quelque temps aux rayons solaires, la rapporte dans l'obscurité, enlève le cliché et la traite par une solution de nitrate d'argent. On voit alors apparaître, en très-peu de temps, une image qu'il suffit de bien laver dans l'eau pure pour la fixer. On obtient cette image très-rapidement en imprégnant la feuille de papier d'une substance qui possède à un très-haut degré cette propriété de retenir, « d'emmagasiner la lumière, » avec persistance

de l'activité lumineuse. Une solution aqueuse d'azotate d'urane ou d'acide tartrique remplit parfaitement cette condition. Les images obtenues de la sorte sont beaucoup plus stables que les photographies actuelles; elles ne sont altérées que par l'eau régale.

Avec le carton imprégné d'azotate d'urane ou d'acide tartrique, l'emmagasinement de la lumière dans les tubes s'opère d'une manière non moins remarquable. Ainsi, après avoir soumis ce carton à l'insolation, si on en tapisse l'intérieur d'un tube de fer-blanc que l'on bouche ensuite hermétiquement, on constate, après un très-long laps de temps, que le carton impressionne le papier sensible préparé au chlorure d'argent. Si on humecte le carton en y projetant quelques gouttes d'eau et qu'on l'expose à une température de 40 ou 50°, quelques minutes suffiront pour obtenir l'image circulaire de l'embouchure du tube; et, chose curieuse, l'expérience ne réussit qu'une fois, comme si toute la lumière du carton s'était échappée d'un coup.

Ces faits, assurément fort remarquables en eux-mêmes, offrent surtout un intérêt très-grand par les aperçus nouveaux que ne peuvent manquer d'y puiser les théories relatives à la constitution de la lumière. L'Académie l'a compris ainsi, en réservant les travaux de M. Niepce de Saint-Victor pour le futur concours du prix Trémont.

Dr J. GOURDON.

LETTRES PARISIENNES.

Oraison funèbre des Lettres parisiennes. L'Académie des Jeux-Floraux et la Gazelle - La haute et la basse comédie. L'argot proscrit de la littérature Les deux Phèdres: Mme Ristori et l'ombre de Rachel. Mort d'Auguste

des Théâtres.

folâtre. Brizeux.

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A M. le Directeur de la REVUE DE L'ACAdémie de Toulouse.

Mai 1858.

MONSIEUR,

Depuis le mois de Février 1857, époque à laquelle vous nous avez fait l'honneur de nous confier le soin de tenir vos lecteurs un peu au courant de ce qui se passe dans le monde des lettres, des arts et des théâtres, nous avons rempli quinze fois, d'une manière plus ou moins satisfaisante, mais toujours de notre mieux, les quelques pages que vous avez eu la constance de nous réserver dans chaque numéro de la Revue. La lettre parisienne que nous commençons ici sera donc la seizième, et, si vous le voulez bien, ce sera la dernière.

Puisque, en commençant sa quatrième année, la Revue juge à propos de changer son mode de publication et d'abandonner son titre actuel, qui, aux yeux de certaines personnes, paraît avoir

une signification trop exclusivement universitaire, pour y substituer un titre moins spécial et plus élastique, qui lui permette de traiter, comme Pic de la Mirandole, de omni re scibili et quibusdam aliis, il nous a semblé qu'en cette circonstance solennelle vos rédacteurs habituels se devaient à eux-mêmes de paraître, eux aussi, renouveler leur affiche, comme on dit au théâtre (1). Ayant malheureusement passé l'âge où l'on peut espérer d'améliorer son style ou de perfectionner sa critique, nous apporterons à notre travail ordinaire le seul changement qui soit dans nos moyens : nous imiterons la Revue et nous changerons de titre. Désormais, nous renoncerons à la forme épistolaire, et, avec votre permission, Monsieur, nos articles s'appelleront tout simplement Bulletin du mois. C'est à la fois un titre commode sous lequel on peut aborder une foule de choses et beaucoup d'autres, et un titre modeste qui convient au tribut mensuel du plus humble de vos collaborateurs. Le 4er Juillet donc, nous vous donnerons notre premier Bulletin du mois, et, en attendant, nous allons griffonner notre dernière Lettre parisienne.

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Et d'abord, nous vous signalerons un fait qui peut-être aura pour vous un certain intérêt local. La Revue et Gazette des Théâtres vient de chercher noise à votre Académie des Jeux-Floraux. Dans le numéro du 13 mai, M. Achille Denis reproche aux mainteneurs de la Gaie-Science d'avoir mis au concours cette question peu flatteuse pour le théâtre contemporain: « D'où vient que, de nos jours, la » haute comédie a disparu de la scène pour céder la place à des » compositions dramatiques où la morale n'est pas moins offensée » que l'art. » L'Académie des Jeux-Floraux n'y va point par quatre chemins, comme on voit, et elle ne ménage pas ses termes avec la basse comédie qui, selon elle, déshonore la scène française; mais M. Achille Denis ne paraît point du tout partager cette opinion. Selon lui, une littérature qui a produit L'Honneur et l'Argent, comédie honorée du prix décennal; La Bourse, dont les tendances honnêtes ont valu à M. Ponsard un compliment autographe de l'Empereur; Gabrielle, couronnée par l'Académie française; La Jeunesse, dont le dénouement bucolique ferait aimer la paix des

(1) La Revue, en effet, prendra désormais le nom de Revue de Toulouse et du midi de la France. (Note du Directeur de la REVUE.)

champs au citadin le plus endurci, n'est pas aussi radicalement immorale et étrangère à l'art que votre poétique aréopage semble le croire. M. Achille Denis paraît se demander ce que vos quarante entendent au juste par haute comédie, où elle finit, où elle commence, et si, tout bien considéré, ce ne serait pas le haut ennui. Il désirerait qu'en stigmatisant ainsi le théâtre actuel, le tribunal d'Isaure, si exclusivement laudator temporis acti, « fit connaître » les pièces qui, selon l'Académie des Jeux-Floraux, offensent l'art » et la morale. Quand on fait le procès à la littérature d'une époque, » s'écrie M. Denis, encore faudrait-il produire pour l'attaquer autre >> chose que des banalités ou des arguments à l'usage de ce bon >> M. Prudhomme. » Relèvera-t-on le gant si vivement jeté? L'avenir nous l'apprendra. Bornons-nous, quant à présent, à dire, pour rassurer M. Denis, que vos mainteneurs, après avoir invité les concurrents à écrire un réquisitoire contre le théâtre contemporain, pourront bien, en définitive, couronner la glorification dudit théâtre, si, comme on nous l'assure, ils viennent d'accorder un de leurs bouquets à une critique d'Augustin Thierry dont ils avaient demandé l'éloge.

Et voici qu'au moment même où l'Académie du Gai-Savoir sollicite des fleurs de rhétorique pour la tombe de la haute comédie, l'Odéon représente une haute comédie dans toute l'acception du mot. L'Ecole des Ménages de M. Arthur de Beauplan est une comédie en cinq actes, en vers, et d'un grand enseignement moral. Si ces conditions réunies ne suffisaient pas pour lui donner droit de passage sur le grand trottoir, comme on disait autrefois, son titre seul indiquerait l'intention toujours louable de suivre respectueusement les traces des maîtres à qui nous devons L'Ecole des Femmes, L'Ecole des Maris, L'Ecole des Bourgeois, L'Ecole des Vieillards, et toutes ces illustres Ecoles en prose ou en vers, mais toujours en cinq actes, qui ont fait la gloire de notre scène et les délices de nos pères, et auxquelles, sans les rigueurs des Comités de Lecture, un poète classique et incompris, lauréat de plusieurs académies de province, eût ajouté naguère L'Ecole des Adjoints. -La pièce de M. de Beauplan met sous nos yeux un jeune homme dont la carrière est à jamais brisée, et dont le mariage devient impossible, parce qu'autrefois ce jeune homme a fait partager un amour coupable à la mère de la jeune fille qu'il aime aujourd'hui.

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