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temporelle. Pouvait-il faire autrement, à moins d'abdiquer sa mission? Les plus orthodoxes n'ont-ils pas agi de mème? Bossuet, prêtre, prélat, sermonnaire, n'a-t-il pas fomenté la résistance aux empiètements de l'ultramontanisme, et les rois de France, quoique très-chrétiens, n'ont-ils pas eu, à propos d'intérêts temporels, des démêlés avec le Saint-Siége? Qu'on le sache bien, l'histoire s'est faite laïque comme la société française, et si, sous prétexte de défendre le catholicisme dont Thierry n'attaqua jamais les dogmes, l'on dénie la compétence de l'historien sur certains faits spéciaux, on étouffe la manifestation de la vérité. Faudrat-il donc que l'historien fasse deux parts des évènements; qu'il écrive, ici droit divin, là droit humain, et que dans ce triage il accepte comme criterium, quoi? Sans doute les injonctions intéressées d'un parti. Il ne le peut sous peine de mentir à son mandat. L'histoire est une science, comme la physique ou la géométrie; tous les faits relevent de l'historien, comme tous les théorèmes relèvent du géomètre. Qu'irions-nous faire à travers les annales du passé, si nous n'y cherchions pas l'impartiale vérité? Augustin Thierry a consacré tous ses efforts à cette recherche courageuse, et c'est là son plus beau titre à notre admiration.

Mais que restera-t-il donc à la France de ses illustrations les plus pures, si des hauteurs d'une doctrine exclusive, on censure amèrement les écrivains, les savants, les historiens qui ne se courbent pas dans la servitude intellectuelle ? Prenez Thierry à la France, Humboldt à l'Allemagne, Macaulay à l'Angleterre, trois phares scientifiques de notre siècle, quels seront, eux disparus, les guides de la science moderne ? La leçon est mauvaise d'amoindrir ainsi sous nos yeux ceux qu'on nous apprit à honorer, mauvaise surtout de la part d'une Académie qui se plaint de ce que le respect s'en va.

Mieux eût valu se taire devant cette grande figure. Si les principes qu'a servis Thierry ne sont pas ceux de l'Académie, si la raison qui l'éclaira est l'objet de ses défiances, il ne fallait pas, par un singulier abus de mots, demander l'éloge de l'historien; il ne fallait pas introduire le buste de l'aveugle, puisqu'il n'y avait pas de place pour lui dans le temple. Nos hommages, ceux de la France entière, l'auraient consolé de cette disgrace. L'histoire a ses rigueurs véridiques que tous les partis doivent subir. Ceux-là qui les redoutent ne devaient pas demander le panégyrique de l'historien. Proposer ouvertement l'éloge et souhaiter tacitement la satire est précisément l'équivoque qui nous afflige le plus dans cette triste manifestation.

Emile VAÏSSE.

REVUE SCIENTIFIQUE.

Sommaire.

1. Géologie. Sur l'âge relatif des Pyrénées, par M. le Dr NOULET. Fixation de la lumière, par M. NIEPCE SAINT-VICTOR.

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II. Physique.

I.

Dans une note sous ce titre : Du terrain éocène supérieur considéré comme l'un des étages constitutifs des Pyrénées, adressée récemment (14 décembre 1857) par M. le docteur Noulet à l'Académie des Sciences (Institut), notre savant ami et collaborateur aborde un intéressant problème de géognosie dont le caractère scientifique tout local nous fait un devoir de le signaler à l'attention des lecteurs de la Revue. Il s'agit de l'àge relatif des Pyrénées, moins reculé, suivant M. Noulet, que ne le faisaient supposer les théories jusque-là émises sur ce point. Pour aider à comprendre les considérations sur lesquelles s'appuie M. Noulet dans cette circonstance, nous aurons quelques faits à rappeler.

La croûte terrestre, comme on sait, forme plusieurs couches, divisées, suivant leur degré d'ancienneté, en terrains primaires, secondaires et tertiaires, auxquels on peut ajouter les terrains quaternaires, constitués par des alluvions déposées postérieurement à

la dernière révolution du globe. Dans quelques-unes de ces couches sont déposés des débris fossiles, qui, par les variétés qu'ils présentent, servent à caractériser ces différents dépôts et à fixer leur ancienneté respective, ainsi que nous l'avons exposé dans notre précédente revue (4). Nous savons, par exemple, que c'est dans les terrains tertiaires seulement que l'on trouve des restes d'animaux mammifères se rapprochant des types de l'époque actuelle. Géologiquement, ces terrains tertiaires ont été eux-mêmes divisés en trois plans, désignés, du plus profond au plus superficiel, par les noms d'éocène, de miocène et de pliocène, et sous lesquels se trouve le terrain crétacé, l'étage le plus supérieur de la couche secondaire. C'est dans l'éocène, le plus ancien des étages tertiaires, que se trouvent particulièrement les espèces caractéristiques de cette couche de l'enveloppe terrestre, savoir, les animalcules, dits nummulines, dans l'étage inférieur; et les mammifères, lophiodon, palæothérium, etc., dans l'étage supérieur, constituant ainsi le groupe Nummulitique et le groupe Palæothérien, lesquels peuvent encore et plus généralement être distingués l'un de l'autre par les coquillages propres qu'ils renferment.

Ceci entendu, notons en outre que l'on peut distinguer, dans la formation des Pyrénées, deux époques distinctes, constituées, la première par le soulèvement qui a établi la séparation de la Méditerranée et de l'Océan, la seconde par les révolutions diverses qui ont donné à ces montagnes leur forme définitive, et dont les dépôts tertiaires ont été le fait essentiel. Or, il était admis jusqu'à présent que l'éocène inférieur ou nummulitique seul avait participé à la formation de la couche tertiaire qui recouvre plus ou moins inégalement les Pyrénées, indépendamment du miocène qui s'étend à la surface en couches horizontales.

M. Noulet, d'après l'examen et la comparaison de coquilles trouvées en divers points des localités sous-pyrénéennes, notamment dans l'Aude, et tout-à-fait déterminatives de l'éocène supérieur, a la preuve de l'existence de cet étage dans les Pyrénées. Seulement les strates qu'il forme, après avoir affecté une disposition horizontale, que l'on rencontre dans le Périgord, l'Albigeois, le Castrais, se redressent en entrant dans l'Aude, comme pour sui

(1) Voir t. VI, p. 127.

vre le mouvement de soulèvement de la grande chaîne pyrénéenne, fait qui indique suffisamment que le dépôt de cette couche avait déjà eu lieu lorsque la chaîne prit sa forme définitive. Après la formation des Pyrénées et l'anéantissement de la faune palæothérienne propre à l'éocène supérieur, il se produisit au pied nord de ces montagnes une vaste dépression que des eaux douces vinrent occuper, et où furent par elles déposés de nouveaux strates, qui n'ayant été dérangés par aucune nouvelle catastrophe, conservèrent leur position horizontale : ce furent là les strates miocènes, offrant une faune entièrement renouvelée et parfaitement distincte de celle propre à l'éocène supérieur précédemment anéantie. Cette découverte de l'éocène supérieur dans les Pyrénées, rajeunit donc celles-ci de toute une période géologique, et à ce titre elle offre assez d'intérêt pour occuper désormais une place honorable dans les annales de la science.

M. Leymerie, dans une note envoyée à l'Académie à la suite de cette communication (18 janvier 1858), cherche à contredire quelques-unes des conclusions de M. Noulet, et à revendiquer la priorité de quelques autres. Malgré notre manque de compétence en pareille matière, il nous a paru que les objections et les réclamations de l'honorable professeur de la Faculté des Sciences de Toulouse, portent peut-être sur des points qui n'avaient pas précisément été mis en question par M. Noulet et comme, dans tous les cas, il semble être du même avis en ce qui touche le fait principal découvert par ce dernier, ainsi que la remarque en est faite par M. Noulet lui-même dans une lettre qu'il a adressée à l'Académie (15 février 1858) en réponse à son contradicteur, nous ne nous étendrons pas sur ce petit débat où la science d'ailleurs n'a rien perdu, grâce au talent et à l'esprit judicieux des deux adver

saires.

II.

M. Niepce de Saint-Victor a signalé à l'Académie (16 novembre 1857 et 8 mars 1858), sur les propriétés de la lumière, plusieurs faits curieux et de nature à modifier singulièrement les idées admises dans la science. Jusqu'à présent, on considérait la lumière, qu'elle qu'en fût la nature réelle d'ailleurs, comme un élément

absolument incoërcible, un résultat instantané dû à la présence d'un corps lumineux, et s'anéantissant par la disparition de la source dont elle émane. Eh bien! il paraît qu'il n'en est pas absolument ainsi. M. Niepce de Saint-Victor, dont le nom est à tout jamais attaché à l'histoire de la découverte et des plus intéressants progrès de la photographie, et que ses travaux ont depuis longtemps exercé à maîtriser la lumière, vient d'établir, par une série d'expériences ingénieuses, la possibilité de fixer cet agent, de l'enfermer même dans des vases clos pendant un temps indéfini, tout comme le premier corps pondérable venu.

De ces expériences, il résulte qu'un corps qui a été exposé aux rayons du soleil peut, dans l'obscurité, réagir comme la lumière elle-même et produire les mêmes effets. Ainsi, une gravure, restée seulement pendant un quart d'heure au soleil, puis appliquée, dans l'obscurité, sur un papier photographique très-sensible, se transmet sur ce papier en formant une image négative, c'est-à-dire dont les blancs se trouvent reproduits en noir. Si l'on recouvre la moitié de l'image exposée au soleil d'un écran opaque, la partie abritée par l'écran ne se reproduit pas; ou si on laisse quelques jours la gravure dans une obscurité profonde, puis qu'on l'applique sur le papier sensible sans l'exposer à la lumière, elle ne se reproduit pas davantage. Mais quand la gravure est restée longtemps exposée aux rayons solaires et qu'on la laisse quelques jours au contact du papier sensible, on obtient le maximum d'effet, au point qu'en se servant d'un papier très-sensible, on peut avoir des épreuves assez vigoureuses pour en former un cliché, ce qui pourrait être un nouveau moyen de reproduction des gravures.

La reproduction peut également avoir lieu, la gravure étant placée à 3 millimètres de distance du papier; et si c'est un dessin à gros traits, il se reproduit même à une distance de 1 centimètre. Si l'on enduit la gravure d'une couche de collodion ou de gélatine, elle se reproduit encore. Mais une couche de vernis à tableaux, l'interposition d'une lame de verre, de mica, de cristal de roche, s'opposent à la reproduction. De cela, il résulte déjà la preuve que l'impression n'est pas due à une action de contact.

Autre fait. Si on applique sur un carton blanc, resté pendant quelques jours dans l'obscurité, une gravure exposée à la lumière, ce carton, à son tour, a la faculté d'impressionner le papier photo

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