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volume. Les lettres n'ont jamais été plus honorables que lorsque, dans le silence du monde subjugué, elles proclamoient des vérités courageuses et faisoient entendre les accents de la liberté au milieu des cris de la victoire.

la

Puisque le nom de M. de Fontanes est venu se placer naturellement sous ma plume, qu'il me soit permis de payer ici un nouveau tribut de regret et de douleur à la mémoire de l'excellent homme que France littéraire pleurera long-temps. Si la Providence me laisse encore quelques jours sur la terre, j'écrirai la vie de mon illustre et généreux ami. Il annonça au monde ce que, selon lui, je devois devenir; moi je dirai ce qu'il a été ses droits auprès de la postérité seront plus sûrs que les miens.

MÉLANGES

LITTÉRAIRES.

DE L'ANGLETERRE

ET DES ANGLOIS.

Juin 1800.

I un instinct sublime n'attachoit pas l'homme à sa patrie, sa condition la plus naturelle sur la terre seroit celle de Une certaine inquiétude le pousse sans cesse hors de lui; il veut tout voir, et puis

voyageur.

il se plaint quand il a tout vu. J'ai parcouru quelques régions du globe; mais j'avoue que j'ai mieux observé le désert que les hommes, parmi lesquels, après tout, on trouve souvent la solitude.

J'ai peu séjourné chez les Allemands, les Portugais et les Espagnols, mais j'ai vécu assez long-temps avec les Anglois. Comme c'est aujourd'hui le seul peuple qui dispute l'empire aux François, les moindres détails sur lui deviennent intéressants.

Érasme est le plus ancien des voyageurs que je connoisse, qui nous ait parlé des Anglois. Il n'a vu à Londres, sous Henri VIII, que des barbares et des huttes enfumées. Longtemps après, Voltaire, qui avoit besoin d'un parfait philosophe, le plaça parmi les Quakers, sur les bords de la Tamise. Les tavernes de la Grande-Bretagne devinrent le séjour des espritsforts, de la vraie liberté, etc., etc., quoiqu'il soit bien connu que le pays du monde où l'on parle le moins de religion, où on la respecte le plus, où l'on agite le moins de ces questions oiseuses qui troublent les empires, soit l'Angleterre.

Il me semble qu'on doit chercher le secret des mœurs des Anglois dans l'origine de ce peuple. Mélange du sang françois et du sang allemand, il forme la nuance entre ces deux nations. Leur

politique, leur religion, leur militaire, leur littérature, leurs arts, leur caractère national, me paroissent placés dans ce milieu; ils semblent réunir, en partie, à la simplicité, au calme, au bon sens, au mauvais goût germanique, l'éclat, la grandeur, l'audace et la vivacité de l'esprit françois.

Inférieurs à nous, sous plusieurs rapports, ils nous sont supérieurs en quelques autres, particulièrement en tout ce qui tient au commerce et aux richesses. Ils nous surpassent encore en propreté; et c'est une chose remarquable, que ce peuple qui paroît si pesant, a, dans ses meubles, ses vêtements, ses manufactures, une élégance qui nous manque. On diroit que l'Anglois met dans le travail des mains la délicatesse que nous mettons dans celui de l'esprit.

Le principal défaut de la nation angloise c'est l'orgueil, et c'est le défaut de tous les hommes. Il domine à Paris comme à Londres, mais modifié par le caractère françois, et transformé en amour-propre. L'orgueil pur appartient à l'homme solitaire, qui ne déguise rien, et qui n'est obligé à aucun sacrifice; mais l'homme qui vit beaucoup avec ses semblables est forcé de dissimuler son orgueil, et de le cacher sous les formes plus douces et plus variées de l'amourpropre. En général les passions sont plus dures

et plus soudaines chez l'Anglois, plus actives et plus raffinées chez le François. L'orgueil du premier veut tout écraser de force en un instant; l'amour-propre du second mine tout avec lenteur. En Angleterre, on hait un homme pour un vice, pour une offense; en France un pareil motif n'est pas nécessaire. Les avantages de la figure ou de la fortune, un succès, un bon mot suffisent. Cette haine, qui se forme de mille détails honteux, n'est pas moins implacable que la haine qui naît d'une plus noble cause. Il n'y a point de si dangereuses passions que celles qui sont d'une basse origine; car elles sentent cette bassesse, et cela les rend furieuses. Elles cherchent à la couvrir sous des crimes, et à se donner, par les effets, une sorte d'épouvantable grandeur qui leur manque par le principe. C'est ce qu'a prouvé la révolution.

L'éducation commence de bonne heure en Angleterre. Les filles sont envoyées à l'école, dès leur plus tendre jeunesse. Vous voyez quelquefois des groupes de ces petites Angloises, toutes en grands mantelets blancs, un chapeau de paille noué sous le menton avec un ruban, une corbeille passée au bras, et dans laquelle sont des fruits et un livre; toutes tenant les yeux. baissés, toutes rougissant lorsqu'on les regarde. Quand j'ai revu nos petites Françoises coiffées

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