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leurs périls et à leurs travaux, j'admire trop les arts, j'aime trop les muses pour ne pas me faire un devoir de recommander à la France les talents qui la peuvent honorer. Soyons reconnoissants envers l'homme courageux qui a immolé à son art sa santé, son repos et sa fortune. Ce n'est encore là que le moindre des sacrifices de M. Prévôt : il a eu le malheur de perdre son neveu. Ce jeune peintre, de la plus belle espérance, vrai martyr des arts, est mort à la vue de la Grèce, et son corps a été abandonné aux flots de cette mer qui baigne la patrie d'Apelles. Ainsi toutes les peines sont pour les voyageurs, tous les plaisirs pour nous qui profitons du voyage: nous allons au bout de la terre sans quitter notre patrie. Après tout, c'est toujours là qu'il en faut revenir; et, quand on a vu toutes les villes du monde, on trouve encore que celles de son pays sont les plus belles : c'étoit l'opinion de Montaigne.

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« Je responds, dit-il, ordinairement à ceux qui me demandent raison de mes voyages : » Je sais bien ce que je fuis, mais non pas ce » que je cherche. Si on me dit que, parmy les >> estrangers, il y peut avoir aussi peu de santé, >> et que leurs mœurs ne sont pas

mieux nettes

>> que les nostres, je responds que c'est tousjours

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incertain, et que les maux d'autruy ne nous >> doivent pas poindre comme les nostres. Je ne >> veux pas oublier cecy que je ne me mutine jamais tant contre la France que je ne regarde » Paris de bon œil : elle a mon cœur dès mon » enfance, et m'en est advenu comme des choses >> excellentes. Plus j'ay veu depuis d'autres villes » belles, plus la beauté de cette cy peut et gaigne sur mon affection. Je l'ayme tendre>>ment jusques à ses verrues et à ses taches. Je >> ne suis François que par cette grande cité, grande en peuples, grande en félicité de son >> assiette, mais surtout grande et incomparable >> en variété et diversité de commodités; la gloire de la France et l'un des plus nobles » ornements du monde. Dieu en chasse loin >> nos divisions! >>

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SUR

LE VOYAGE AU LEVANT,

DE M. LE COMTE DE FORBIN.

Mai 1819.

M

ONSIEUR LE COMTE DE FORBIN, dans son Voyage au Levant, réunit le double mérite du peintre et de l'écrivain : l'ut pictura poësis semble avoir été dit pour lui. Nous pouvons affirmer que

dessinés ou

écrits, ses tableaux joignent la fidélité à l'élégance. Nous avons vu quelques lieux qu'il n'a point visités, comme Sparte, Rhodes et Carthage; mais il a parcouru à son tour des ruines qui ont échappé à nos observations, telles que celles de Césarée, d'Ascalon et de Thèbes. A cela près notre course, quasi la même, a été accomplie dans le même espace de temps. Plus heureux que nous seulement, M. le comte de Forbin avoit un pinceau pour peindre; et nous, nous n'avions qu'un crayon : un roi légitime lui a donné de grands vaisseaux pour le transporter en haute mer; et nous, nous possédions à peine la petite barque d'Horace pour raser la terre, biremis præsidio scapha. Nous sommes forcé d'envier au voyageur jusqu'au château dont il s'est défait pour subvenir aux frais de la route : quant à nous, on avoit eu soin de ne nous laisser à vendre que nos coquilles de pèlerin.

M. le comte de Forbin s'embarqua à Toulon le 22 août 1817, sur la division navale composée de la frégate la Cléopátre, de la corvette l'Espérance, des gabarres la Surveillante et l'Active. Il avoit pour compagnons de voyage, M. l'abbé de Janson, missionnaire, M. Huyot, architecte, M. Prévôt, auteur des beaux Panoramas, et l'infortuné M. Cochereau, peintre et neveu de M. Prévôt. La flotte se trouva le jour de la

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Saint-Louis à la vue de la côte de Tunis. « M. l'abbé de Janson célébra la messe sur le gaillard d'arrière. Vingt et un coups de canon » et des cris de Vive le Roi! saluèrent le rivage où >> Saint Louis rendit à Dieu sa grande âme. Ce no»ble souvenir frappa tout l'équipage. Quel rap

prochement, en effet, quel spectacle que celui » de ce désert qui fut jadis témoin du deuil des lis, >> et qui conserve aujourd'hui les ruines de Car>> thage 1!»>

Otez la religion de ce beau tableau, que restera-t-il ? Quelques ruines muettes, et

sière d'un roi.

et la pous

Le 30 août, près la côte de Cérigo, mourut le jeune Cochereau, qui avoit entrepris le voyage plein de joie et d'ardeur 2. Dans les projets de la vie on oublie trop facilement cet accident de la mort qui abrège tous les projet's. C'est pourquoi les hommes ont raisonnablement fixé la patrie au lieu de la naissance, et non pas à celui de la mort, toujours incertain :

Lyrnessi domus alta, solo Laurente sepulcrum.

Les voyageurs débarquent à Milo, où M. Huyot eut le malheur de se casser la jambe. M. le

1 VOYAGE DANS LE LEVANT, page 5.

2 IDEM, page 6.

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