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mière des conditions pour être obéi : il n'avait pas la faveur de l'empereur; on le savait, et les généraux, les maréchaux, qui, pour la plupart, avaient commencé et grandi sous ses ordres, se faisaient un jeu de méconnaître son autorité. Jourdan et Brune étaient alors les seuls maréchaux n'ayant pas de titre aristocratique; et l'on rapporte qu'à la création de la noblesse impériale, lorsqu'on s'entretenait aux Tuileries de la convenance des titres à donner aux principaux dignitaires, le maréchal Lannes, qui avait l'habitude de parler à l'empereur comme à un homme, exprima devant lui l'opinion, généralement accréditée, que Jourdan devait être duc de Fleurus. «Mais, répondit Napoléon avec une sorte d'humeur, il aurait un titre plus beau que le mien; car, moi, je n'ai pas gagné de bataille ayant sauvé la France. »

On ne saurait sans injustice rendre Jourdan responsable des fautes et des revers qui ont accablé les armées françaises en Espagne. «< Mes fonctions, écrivait-il au ministre de la guerre, se bornent à transmettre aux commandants des corps d'armée les ordres du roi et à rendre compte à V. E. de tous les événements. Je crois avoir rempli ces devoirs avec exactitude. Si j'avais pensé qu'il entrât dans les intentions de S. M. I. de me charger de fonctions plus étendues, je l'aurais suppliée de m'en dispenser, d'abord parce que la direction des affaires en Espagne est beaucoup au-dessus de mes forces, et ensuite parce que, pour réussir à la guerre, il faut qu'un chef ait sous ses ordres des militaires d'un grade inférieur qui obéissent, et non des camarades qui se croient plus de mérite que lui (Madrid, 26 juin 1809). » Au mois d'octobre, Jourdan, abreuvé d'ennuis, à bout de forces physiques et dégoûté d'un simulacre de commandement, dont il venait de faire une malheureuse expérience à Talavera-de-la-Reyna, obtint enfin l'autorisation de rentrer en France, et se retira dans sa terre du Coudray, près Corbeil.

En 1811, lorsque les embarras avec la Russie menacèrent de rendre plus difficile la tâche des armées françaises en Espagne, Napoléon pensa que la présence de Jourdan y serait nécessaire; le 11 juillet, il le nomma gouverneur de Madrid, et, l'année suivante, major-général du roi d'Espagne. Wellington avait ouvert la campagne en enlevant d'assaut Ciudad-Rodrigo et Badajoz : solidement appuyé par ces deux places, il vint occuper les hauteurs des Arapiles en arrière de Salamanque. Dès qu'on l'apprit à Madrid, Joseph-Napoléon et Jourdan se portèrent au secours de l'armée de Portugal, que Marmont commandait et qui manœuvrait entre la Tormès et le Duero. Marmont n'attendit pas leur arrivée ni celle des 14,000 hommes qu'ils amenaient; il livra bataille à Wellington, le 22 juillet, et la perdit. Sa défaite força le roi à opérer sa retraite et à évacuer Madrid; il se replia sur Valence, et fit sa

jonction avec les corps de Soult et de Suchet. Bientôt l'héroïque résistance du château de Burgos et quelques succès dans le nord de l'Espagne permirent à Joseph de revenir dans sa capitale; et, au mois de novembre, le roi, Jourdan et Soult remontaient ensemble vers le Duero: Wellington, serré de près par Souham, successeur de Marmont, se rapprochait précipitamment de sa position favorite des Arapiles, et les quatre armées du centre, du midi, du Portugal et du nord, réunis sur la Tormès, franchissaient cette rivière à la poursuite des Anglais. Wellington, qui avait sacrifié deux fois son arrière-garde, était pris en flagrant délit d'imprudence; et, pour le vaincre, il suffisait de l'attaquer résolument. C'était l'avis du roi, de Jourdan et de Souham; mais Soult préféra manœuvrer; Wellington évita la bataille, qu'il n'était pas préparé à recevoir, et se réfugia en Portugal, où il établit ses quartiers d'hiver.

A la reprise des hostilités en 1813, l'armée française entre le Duero et Tolède ne comptait pas plus de 80,000 hommes partagés en trois corps; Wellington, qui pouvait disposer de 130,000 Anglo-Portugais, sortit de ses cantonnements, le 28 mai, et se dirigea par Palencia contre la grande ligne de communication avec la France. A la nouvelle de ce mouvement, qui menaçait de déborder la droite de l'armée française, Joseph gagna rapidement Burgos et Vittoria, où se réunirent les armées du midi, du centre et du Portugal. Le roi, espérant que le général Clausel, en Navarre avec cinq divisions, le rejoindrait le 20 juin, décida qu'on livrerait bataille à Wellington; et Jourdan, qui blâmait ce parti, n'eut qu'à disposer l'armée pour une bataille purement défensive; ce qui est toujours une faute lorsqu'on commande à des Français. La position dans le bassin de Vittoria était mauvaise et complétement tournée par l'ennemi; l'armée, composée de 45,000 baionnettes ou sabres, était inférieure de 25,000 hommes à l'armée anglo-portugaise et traînait à sa suite un immense convoi, qu'il fallait escorter et défendre. Wellington passa l'Ebre, le 18 juin, et attaqua le 21 ce jour-là s'est décidé sans retour le sort des armes françaises dans la Péninsule; on y perdit tout, artillerie, trésor, munitions, bagages et jusqu'aux équipages particuliers du roi et de Jourdan; c'est au fond d'un fourgon abandonné que les Anglais ont trouvé le bâton du maréchal, qui figure parmi leurs trophées à Westminster.

Le 12 juillet, Joseph-Napoléon remit à Soult le commandement de l'armée, et Jourdan résigna ses fonctions de major général.

Jourdan était commandant supérieur de la 15o division militaire depuis le 30 janvier 1814, lorsque le sénat prononça la déchéance de l'empereur; le 8 avril, il envoya, de Rouen, son adhésion aux actes du gouvernement provisoire. Louis XVIII l'accueillit avec une distinction mar

quée, et songea même à lui confier le portefeuille de la guerre. Sous la restauration, il reçut des titres honorifiques et des dignités qui n'en étaient presque plus pour lui, accoutumé à n'estimer que ce qu'on peut mettre utilement au service du pays. Pendant les Cent Jours, Napoléon lui remit le gouvernement de Besançon et de la sixième division militaire. Après le désastre de Waterloo, on le nomma général en chef de l'armée du Rhin; elle n'existait que de nom, et le maréchal assista plutôt qu'il ne prit une part active au dénoûment de cette lutte fatale. Au mois de novembre 1815 il présida le conseil de guerre qui devait juger le maréchal Ney et qui se déclara incompétent. En 1819, un ministère réparateur de beaucoup de fautes appela Jourdan à la chambre des pairs; il y prit place parmi les défenseurs des libertés publiques, et grossit le nombre de ce parti constitutionnel qui, durant onze années, s'attacha à faire vivre en bonne intelligence, sous le drapeau de la charte, la royauté des Bourbons et les impatientes générations nouvelles.

La révolution de 1830, qui rassurait et raffer. missait les droits politiques de la nation, trouva Jourdan prêt à lui servir de ministre; son passage aux affaires étrangères ne fut que de quel ques jours; le 11 août, il avait déjà remis son portefeuille ; et le roi Louis-Philippe le nomma gouverneur de l'hôtel des Invalides. Jourdan y mourut, le 23 novembre 1833, à l'âge de soixante et onze ans. Le maréchal n'a pas laissé de postérité mâle, et son nom glorieux a passé à son petitfils, M. Ferri-Pisani, lieutenant-colonel d'artillerie, dont le frère, l'un des officiers les plus distingués de l'armée, est aide de camp du prince Napoléon. Sous la restauration et la monarchie parlementaire de Juillet, Jourdan, à la chambre des pairs, n'a pris la parole qu'à de rares intervalles, et seu. lement lorsque les circonstances semblaient lui en faire un devoir. Sous l'empire, il avait vécu, depuis l'année 1805, dans une position voisine de la disgrâce. Napoléon, prisonnier à SainteHélène, disait de lui : « Assurément j'ai fort maltraité le maréchal Jourdan. Rien de plus naturel sans doute que de penser qu'il eût dû m'en vouloir beaucoup. Eh bien! j'ai appris avec un vrai plaisir qu'après ma chute il est demeuré constamment très-bien pour moi. Il a montré cette élévation d'âme qui honore et classe les hommes. Du reste, c'est un vrai patriote c'est une réponse à bien des choses. »

Dans la bouche de Napoléon, le mot patriote prend sa signification la plus vraie : le patriote, c'est l'homme de bien, l'homme vertueux, l'homme sans ambition dangereuse, passionnément attaché à sa propre considération et à la grandeur de son pays, sujet fidèle et toujours bon citoyen. Baron GAY De Vernon.

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JOURDAN (André-Joseph), homme politique français, né à Aubagne (Provence), mort à Marseille, le 6 juillet 1831. S'étant prononcé contre la révolution, il dut quitter son pays, fut inscrit parmi les émigrés, puis arrêté et emprisonné. Rendu à la liberté après le 9 thermidor, il fut élu député au Conseil des Cinq Cents par le département des Bouches-du-Rhône, en 1795. Il s'opposa dans cette assemblée aux lois contre l'émigration, et y parla en faveur de la liberté de la presse, de la liberté des cultes et des prétres réfractaires. Nommé rapporteur de l'affaire des naufragés de Calais, il fut assez heureux pour les arracher au supplice et pour faire décréter qu'ils seraient seulement déportés dans un État neutre. Cette modération lui valut d'être compris dans la liste des déportés au 18 fructidor; il se sauva en Espagne, et rentra en France après le 18 brumaire, soumis d'abord à la surveillance de la police à Orléans. Rétabli dans ses droits en 1803, il fut bientôt après désigné comme candidat au sénat conservateur par le collége électoral des Bouches-du-Rhône. Plus tard Napoléon lui confia la préfecture du département des Forêts, dont le chef-lieu était Luxembourg. En 1814, Louis XVIII l'appela au conseil d'État en service ordinaire, et le plaça à la tête de l'administration générale des affaires ecclésiastiques. Resté sans emploi pendant les Cent Jours, Jourdan reprit ses fonctions au retour du roi; en 1816 il donna sa démission, après avoir écrit un mémoire où il demandait qu'on le remplaçât par un évêque, et rédigé l'ordonnance qui investissait le grand-aumônier de la direction des affaires du culte catholique. Il se retira ensuite à Marseille, avec le titre de conseiller d'État honoraire. J. V.

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JOURDAN ( Antoine-Jacques-Louis), médecin français et traducteur, né à Paris, le 29 octobre 1788 (non en 1785, comme l'indiquent quelques biographes), mort à Paris, le 2 janvier 1848. Il fut d'abord commissionné chirurgien sous-aide, puis aide-major dans la garde impériale, avec laquelle il fit les campagnes d'outre-Rhin. Il fut ensuite attaché aux hôpitaux militaires du Val-de-Grâce et du Gros-Caillou, à Paris. Après le licenciement de l'armée en 1814, il se livra avec ardeur à la littérature médicale, qui lui doit les ouvrages suivants Traité complet des Maladies vénériennes; Paris, 1826, 2 vol. in-8°; il y établit que la syphilis n'est pas réellement une importa tion d'Amérique, ni une maladie nouvelle; qu'à l'égard de son traitement, non-seulement le mercure n'est pas le seul remède, mais encore qu'il a été la source d'une infinité d'accidents; Pharmacopée universelle, ou conspectus des pharmacopées d'Amsterdam, Anvers, Dublin, Édimbourg, Ferrare, Genève, Londres, Oldembourg, Wurtzbourg...; des dispensaires

de Brunswick, de Fulde...; de la pharmacopée militaire de Danemark, de la pharmacopée des pauvres de Hambourg, etc.; 1828, et 1840, 2 vol. in-8°;- Esquisses historiques des principales Sciences Physiques et Mathématiques; Paris, 1832, in-8°; - Dictionnaire raisonné,étymologique, synonymique et polyglotte des Termes usités dans les Sciences naturelles ; Paris, 1834, 2 vol. in-8°. Jourdan a traduit de l'allemand: Traité de la Plique polonaise, par Ch. La Fontaine; Paris, 1807, in-s°; — Traité des différentes espèces de Gonorrhées, par Hecker; Paris, 1812, in 8°; Histoire de la Medecine, par Sprengel; Paris, 1815 à 1820, 9 vol. in-8°; Histoire de la Philosophie Moderne depuis la renaissance des lettres, jusqu'à Kant, précédée d'un Abrégé de la Philosophie Ancienne, etc., par Buble; Paris, 1816, & vol. in-8°; Histoire du Droit romain, par Hugo; Paris, 1823, in-8°; Anatomie du Cerveau, par Tiedemann; Paris, 1823, in-8°, avec 14 planches. Jourdan y a joint un Avant-propos sur l'Étude de la Physiologie en général, et sur celle de l'Action du Cerveau en particulier; L'Art de prolonger la Vie de l'homme, par Hufland; Paris, 1824, 4 vol. in-8°;

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nuel d'Anatomie générale, descriptive et pathologique, par Meckel; Paris, 1825, 3 vol. in-8° (avec M. Breschet); cette traduction est enrichie d'un grand nombre de notes sur des faits nouveaux; Traité de la Solitude, par Zimmermann; Paris, 1825, in-8°; Recherches sur la Digestion, par Tiedemann et Gmelin; Paris, 1827, 2 vol. in-8°; — Traité de Physiologie, par Tiedemann; Paris, 1831, 2 vol. in-8°; Traité pratique d'Analyse chimique, par H. Rose; Paris, 1832, 2 vol. in-8°; - Exposé de la Doctrine médicale Homœopathique, par Hahnemann; Paris, 1832, 2 vol. in-8°; Mémorial du Médecin Homœopathique, par Haas; Paris, 1834, in-24; Traité de Matière Médicale, par Hahnemann; Paris, 1834, 3 vol. in-8°; - Manuel pour l'Analyse des Substances Organiques, par Liebig; Paris, 1838, in-8°. M. Raspail y a joint un Examen critique des Procédés et des Résultats de l'Analyse des Corps organisés ; — Traité de Physiologie considérée comme source d'observation, par Burdach; Paris, 1837-38, 8 vol. in-8°; · Manuel de Médecine Pratique, par Hufland; Paris, 1838, in-8°.-Jourdan a traduit de l'italien: Institutions Physiologiques et Pathologiques, par Rolandon; Paris, 1821, in-8°; -il a traduit du latin, Code Pharmaceutique, ou Pharmacopée française; Paris, 1821, in-8°. -Jourdan a traduit de l'anglais, Traité médico-chirurgical de l'Inflammation, par Thomson; Paris, 1837, -in-8°. Il a donné une édition du Dictionnaire de Médecine de Nysten. Il a été directeur ou rédacteur de la Bibliothèque Médicale, du Dictionnaire abrégé des Sciences Médicales, des Annales de Médecine Homœopathique, du Dictionnaire

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des Sciences Médicales, de l'Encyclopédie Moderne, etc. GUYOT DE FÈRE.

Sachaile, Les Médecins de Paris. - Journal de la Librairie. Docum. partic.

JOURDAN (Athanase-Jean-Léger), jurisconsulte français, né à Saint-Aubin-des-Chaumes (Nièvre), le 29 juin 1791, mort à Deal (Angleterre), le 27 août 1826. Son père fut membre de la Convention nationale; il y siégea dans les rangs des modérés, et ne vota pas la mort du roi. Après avoir fait ses études à l'école centrale de son département, il vint à Paris pour y suivre les cours de la Faculté de Droit. Il y fut reçu docteur le 31 août 1813, et se destina au professorat. En attendant qu'il trouvåt l'occasion de concourir pour une chaire, il donna des répétitions et forma de bons élèves. Il publia aussi un ouvrage intitulé: Relation du Concours ouvert à la Faculté de Droit de Paris pour la Chaire de Droit romain (2 vol. in-8°).

Jourdan consacra tous ses efforts à la rénovation de l'étude du droit romain en France. Jusque-là cette étude ne consistait guère que dans un exposé superficiel des Institutes de Justinien. Secondé par Blondeau et Ducauroy, Jourdan se mit au courant des découvertes faites en cette matière par les savants allemands et italiens. Il publia les Institutes de Gaïus trouvées à Vérone, en 1816, par Niebuhr, et fonda, avec ses collègues que nous venons de mentionner, la Thémis, recueil périodique destiné à propager en France les saines doctrines du droit éclairé par l'histoire. Il entra en relation avec l'abbé (depuis cardinal) Maï, qui avait découvert, dans la bibliothèque du Vatican, des palimpsestes contenant des textes anté-justiniens, et acquit de lui le droit de les publier à Paris; ce qu'il fit sous le titre de Fragmenta Juris Romani Vaticana (1822). Enfin, il publia les Tabulæ Chronologica de Haubold (1823). Jourdan entretenait une correspondance suivie avec MM. de Savigny, Gans, Warnkoenig, Mittermaier et autres savants allemands dans le but de se tenir au courant de leurs travaux.

Nommé membre d'une commission chargée de préparer un projet d'organisation judiciaire pour nos colonies, il reçut, en outre, du garde des sceaux, M. de Serre, la mission d'aller en Angleterre étudier l'organisation des justices de paix. 11 accomplit avec un zèle éclairé cette tâche honorable.

Jourdan a participé, avec Isambert, Decrusy, Armet et l'auteur de cette notice, à la collection des Anciennes Lois françaises, en 29 vol. in-8°. Il y a donné seul les quatre premiers volumes, consacrés à la législation du règne de Louis XVI, qui s'arrêtent au mois de mars 1781.

Dans le courant de 1826, Jourdan avait été chargé, par le ministre de la marine, de se rendre en Angleterre pour y étudier la législation coloniale. Il se livra avec ardeur aux travaux que nécessitait cette mission. Mais, vers la

mi-août il sentit les premières atteintes d'une maladie aiguë qui lui firent désirer de revenir à Paris. Il se tait en route. Arrivé à Deal, près de Douvres, il n'eut que le temps de s'arrêter chez M. Norman, pasteur de cette petite ville, et il y mourut, des accès d'une fièvre cérébrale. Jourdan était timide; il parlait difficilement, ce qui lui eût rendu pénibles les fonctions du professorat, auxquelles il aspira cependant toute sa vie, et où il ne lui fut pas donné d'arriver. Mais il avait un grand zèle et une grande aptitude pour l'enseignement privé. Il a marqué sa place surtout parmi les jurisconsultes qui ont créé en France l'étude de la législation comparée.

A. TAILLANDIER.

Revue Encyclopédique, octobre 1826.- La Thémis. JOURDE ( Gilbert-Amable), magistrat français, né à Riom (Auvergne), le 17 février 1757, mort à Paris, le 15 février 1837. Il appartenait à une famille de la bourgeoisie. Après avoir achevé son éducation à Clermont-Ferrand, il vint étudier le droit à Paris, et y fut reçu docteur. Avocat au parlement en 1781, il retourna dans son pays, où il exerça près de la sénéchaussée et du présidial. Partisan modéré des principes de la révolution, il fut élu, en 1790, un des administrateurs du district, puis substitut du procureur syndic; en 1791 il devint accusateur public près le tribunal criminel de son département. Nommé député suppléant à la Convention par le même département du Puy-de-Dôme, il y entra en 1794, après le 9 thermidor, et passa en 1795 au Conseil des Cinq Cents. Il en sortit en 1798, fut nommé premier substitut du commissaire du gouvernement près le tribunal de cassation, et bientôt commissaire en chef à la place d'Abrial, envoyé en Italie. Au retour d'Abrial, Jourde se hâta de lui rendre sa place et de reprendre celle de substitut. En 1801 il fut chargé d'organiser l'ordre judiciaire en Piémont, lorsque ce pays fut réuni à la France. En 1802 Jourde revint à Paris, et reprit ses fonctions, dont le titre fut bientôt après celui de premier avocat général près la cour de cassation. Il conserva sa place après la restauration, et fut nommé conseiller le 6 août 1824. C'est sur ses conclusions que la cour de cassation déclara les jeux de bourse des dettes aléatoires. On a de lui: Instruction par ordre alphabétique sur l'Administration de la justice criminelle, correctionnelle et de simple police; Turin, 1801, in-8°; Bulletin de l'administration du Piémont, contenant les lois de l'enregistrement et de l'organisation judiciaire, in-8°. J. V.

Arnault, Jay, Jouy et Norvins, Biogr. nouv. des Contemp. Biogr. des Hommes Vivants. — Moniteur, an IV, an vi, an VII, an Ix.

JOURDEUIL ( Didier), révolutionnaire français, né à Mussy-l'Évêque, le 14 avril 1760, mort à Paris, au commencement du consulat. Il exerçait avant la révolution les fonctions d'huis

sier à Paris. Administrateur du comité de salut public au 10 août 1792, et greffier du tribunal du troisième arrondissement de Paris en avril 1793, il prit une vive part aux événements qui conduisirent Louis XVI à l'échafaud. Une grave accusation, qu'il s'efforça dans ses lettres de repousser, pèse sur sa tête : c'est d'avoir provoqué les massacres de Septembre : son nom figure an bas de la circulaire attribuée aux administrateurs de la police de Paris du 3 septembre 1792. Élu juré au tribunal révolutionnaire, le 13 mars 1793, Jourdeuil concourut à l'acquittement de Marat et du général Miranda, à la condamnation du général Miackinski et du colonel Devaux, accusés d'être les complices de Dumouriez, et à celle de douze gentilshommes bretons poursuivis pour conspiration. Il n'a pas été juré dans le procès de la reine Marie-Antoinette, comme le prétendent quelques biographes: Jourdeuil cessa d'être juré le 7 juillet 1793, et le procès de la reine fut jugé le 14 octobre suivant; mais il figura dans ce procès comme témoin, et sa déposition fut d'un grand poids dans la condamnation qui vint atteindre l'infortunée épouse de Louis XVI. Adjoint de Bouchotte, ministre de la guerre à la 5* division, le 7 juillet 1793, le 13 novembre suivant il fit donner par ce ministre une commission secrète au citoyen Hyver, ancien premier employé des bureaux de la guerre, à l'effet de conduire 16,000 hommes de l'armée du nord à celle de l'ouest. Hyver, ne pouvant accomplir entièrement sa mission, fut remplacé par un nommé Houblon, qui eut en même temps ordre de l'arrêter. Hyver disparut tout à coup sans que les démarches de son épouse, les recherches ordonnées par la Convention pussent faire connaître ce qu'il était devenu Jourdeuil fut accusé de l'avoir fait enfermer dans les prisons de Cambrai, puis fusiller. Malgré ses protestations d'innocence, Jourdeuil fut arrêté, le 20 mai 1794, puis remis en liberté le même jour. Après la chute de Robespierre, il fut, le 1er juin 1795, sur la motion de Marec, député du Finistère, traduit devant le tribunal criminel d'Eureet-Loir. Amené dans les prisons de Chartres, il subit le 25 prairial an m (13 juin 1795), devant le président du tribunal criminel, un interrogatoire dans lequel il déclara avoir fait faire des recherches inouïes pour retrouver Hyver. L'amnistie décrétée par la Convention, le 4 brumaire an iv (26 octobre 1795), en faveur de tous les individus poursuivis pour des faits relatifs à la révolution, ouvrit à Jourdeuil les portes de la prison. Le 20 brumaire an vin (11 novembre 1799), un arrêté des consuls ordonna que « Jourdeuil sortirait du territoire continental de la république, et qu'il serait dessaisi de tous droits de propriété, que la remise ne lui en serait faite que sur la preuve authentique de son arrivée au lieu fixé par l'arrêté. » Jourdeuil n'eut pas à sortir du territoire; il lui fut permis de rester en France à condition de résider dans un lieu déterminé.

A partir de cette époque on n'entendit plus parler; de lui. A. ROULLIER (de Chartres).

Adresse de la citoyenne Penou, femme Hyver, à la Convention nationale; Paris, in-8°. Petition de la femme Hyver à la Convention; in-8°. — Duvergier, Collection complète des Lois, t. XII, p. 5.-Répertoire general des Causes celebres anciennes et modernes de B. SaintEdme. Procès de Marie-Antoinette, t VI, p. 423.

JOURDY (Paul), peintre français, né le 15 décembre 1805, à Dijon, mort le 28 octobre 1856, à Paris. Élève de MM. Lethière et Ingres, il remporta en 1834 le grand prix de peinture, alla passer cinq années à Rome, et cultiva ensuite le genre historique et religieux; en 1847, il a obtenu une médaille d'or. Ses principales œuvres sont: La Mort de Virginie (1834); -Ève tentée par le Démon (1836); - Prométhée enchaîné (1842), qui est au musée de Dijon; Le Christ

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JOURGNIAC SAINT-MÉARD ( François, chevalier DE), publiciste français, né à Bordeaux, en 1745, mort à Paris, le 3 février 1827. D'une ancienne famille originaire du Limousin, il servit, de 1766 à 1790, dans le régiment du Roi-infanterie; à la dissolution de ce corps, il était capitaine commandant d'une compagnie. Il joua un certain rôle dans l'insurrection militaire de Nancy. Les soldats révoltés le nommèrent leur général, et le forcèrent a marcher à leur tête sur Lunéville; mais il trouva le moyen de les abandonner en route, et les insurgés, se croyant trahis, le condamnèrent à mort. Il vint alors à Paris, où il travailla au Journal de la Ville et de la Cour, connu sous le nom du Petit Gautier, petite feuille satirique, qui jouissait d'une certaine vogue. Accusé d'être le rédacteur d'un journal anticonstitutionnel, Jour. gniac fut conduit à la prison de l'Abbaye quelques jours avant le mois de septembre 1792. n échappa pourtant aux massacres des prisons. Aux interrogations de Maillart, il répondit : « Je n'ai jamais été inscrit sur la liste civile; je n'ai signé aucune pétition; je n'ai eu aucune correspondance répréhensible; je ne suis pas sorti de France depuis l'époque de la révolution. Pendant mon séjour dans la capitale, j'y ai vécu tranquille, je m'y suis livré à la gaieté de mon caractère, qui, d'accord avec mes principes, ne m'a jamais permis de me mêler sérieusement des affaires publiques et encore moins de faire mal à qui que ce soit. » A ce discours Maillart répliqua : « Je ne vois rien qui doive faire suspecter monsieur; et je lui accorde la liberté. » Jourgniac a donné un récit de cet événement sous ce titre Mon Agonie de trente-huit heures, ou récit de ce qui m'est arrivé, de ce que j'ai vu et entendu pendant ma dětention dans la prison de l'Abbaye Saint-Ger

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main, depuis le 22 août jusqu'au 4 septembre 1792; Paris, 1792. Cet opuscule a eu dixhuit éditions la même année, trois autres en 1814 et plus de trente contre-façons; enfin, il a été inséré dans la Collection des Mémoires relatifs à la révolution. Malgré le succès de cette brochure et les opinions royalistes de l'auteur, Jourgniac ne fut plus inquiété. Habitué de la boutique du libraire Desenne, au Palais-Royal, il y prit le titre de président et général en chef de la société universelle des gobe-mouches. Jourgniac accueillit avec transport la restauration; mais ses espérances furent trompées ne pouvant obtenir le grade de colonel, qu'il sollicitait, il se mit à publier diverses brochures piquantes, qui lui valurent enfin une pension sur la liste civile. Il avait du reste sauvé quelques débris de sa fortune, et il passa les dernières années de sa vie au café Valois, distribuant des brevets de gobe-mouches à ses amis. A entendre Grimod de La Reynière, «< il gobait autre chose que des mouches et présentait en sa personne l'exemple d'un des plus vastes et des plus robustes appétits de Paris. » Outre son Agonie de trente-huit heures, Jourgniac a laissé plusieurs pamphlets imprimés à Nancy, entre autres une tragi-comédie en trois actes composée sur son affaire de Nancy. De plus il publia avec Fortia de Piles et Louis de Boisgelin, ses camarades de régiment: Correspondance de M. Mesmer sur les trois découvertes du Paquet octogone, de l'Homme baquet et du Baquet moral; Nancy, 1785, in-12. Parmi ses dernières brochures on cite: Ordre du Jour, ou salmigondis ministériel et bureaucratique, pour servir de supplément et de consolation à mon Agonie du 2 septembre 1792; Paris, chez l'auteur, qui en fait présent, et chez le libraire Petit, qui le vend; 1822, in-8"; Ainsi soit-il, ou nec plus ultra du vieux royaliste Jourgniac de Saint-Méard; Paris, 1824, in-8°; Mon Epitaphe, en vers; 1824, in-8°.

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J. V.

Galerie historique des Contemp. - Quérard, La France littéraire. Biogr. des Hommes Vivants. — Almanach des Gourmands.

JOURI, princes russes. Voy. Georges.

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* JOURNET (Jean), publiciste français, né à Carcassone, en 1799. Disciple de Fourier, il a pris lui-même la qualification d'apôtre, et s'est fait surtout remarquer par des distributions insolites d'imprimés en 1849 il jeta des brochures de sa composition au public du Théâtre-Français pendant la représentation. Arrêté, il fut condamné, et renvoyé à Bicêtre, où il avait déjà été enfermé en 1841; mais il n'y resta que quelques semaines. Il a fait de nombreux voyages pour répandre la parole du maître, et il a caractérisé lui-même son enthousiasme dans une pièce de vers intitulée Le Fou:

Au pied de ce palaís, où son destin l'appelle,
Voyez, tout près du parc, loin de la sentinelle,
Voyez ce mendiant...

Lorsque l'aube parait, quand le soleil se couche

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