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d'une manière assez licencieuse : on fut surpris, dans le temps, qu'une princesse en eût accepté la dédicace. Joubert ne s'est pas occupé seulement de médecine. Dans sa Question vulgaire, il recherche l'origine du langage: il soutient que le langage n'est point inné; qu'il a été révélé à Adam par Dieu même et que les enfants du premier homme ont appris de lui à parler. Cette idée a quelqu chose de philosophique pour son temps; il y a là une sorte de pressentiment de Locke. Joubert a aussi abordé, dans le Dialogue sur la Cacographie françoise, une question qui a été reprise par les grammairiens modernes, à savoir que notre langue offrirait moins de difficultés si l'on écrivait comme on la parle. Bien que son imprimeur n'ait pas voulu adopter sa réforme orthographique, on en retrouve quelques échantillons dans ses livres, et même dans les titres, comme on peut le voir ci-après. On a de lui : Traité du Ris, contenant son essance, ses cavses, et mervelheus effais, curieusement recerchés, raisonnés et observés. Item, la cause morale du ris de Démocrite, expliquée et témoignee par Hippocras. Plus, vn Dialogue svr la Cacographie françoise, avec des annotacions sur l'orthographie de M. Ioubert; Paris, Chesneau, 1579, in-8°. Une partie de cet ouvrage avait d'abord paru en latin à Lyon, en 1558. La traduction dont nous venons de donner le titre est de L. Papon et de J.-P. Zaugmaistre ; Histoire entière des Poissons, composée premièrement en latin par Guillaume Rondelet, maintenant traduite en françois par homme expert à le bien entendre; Lyon, 1558, 2 tomes in-fol. Les bibliographes attribuent généralement cette traduction à L. Joubert, d'après le témoignage de du Verdier. Mais Amoreux la croirait plutôt de du Moulin, traducteur de l'Histoire des Plantes de Daléchamp; Paradoxorum demonstrationvm medicinalivm Decas prima. Accessit Declamatio qua illud paradoxe interpretatur, quod vulgo aiunt, nutritionem vincere naturam, ex Platonis Timæo; Lyon, 1561, in-4°. Le deuxième paradoxe, à savoir «< que l'on peut vivre longtemps sans manger, » donna lieu à une vive polémique, qui prit, en 1602, une nouvelle intensité à propos de la célèbre jeûneuse de Confolens. Cette première décade de paradoxes parut ensuite avec une seconde à Lyon, 1566, in-8°; De Peste Liber unus. Accesserunt duo tractatus: unus de quartana Febre, alter de Paralysi; Lyon, 1567, in-8°; traduit en français par Guillaume des Innocents, Genève, 1581, in-8°;— Traicte des Arcbvsades, contenant la vraye essence dv mal et sa propre curation, par certaines et méthodiques indications: avec l'explication de divers problèmes touchant ceste matiere; Paris, 1570, in-8°. Il y a eu trois éditions de cet ouvrage. Joubert soutient que les blessures occasionnées par les armes à feu ne sont pas vénéneuses; que les balles ne brûlent pas et ne pro

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duisent qu'une simple contusion et solution de continuité il prescrivait en conséquence les suppuratifs et les détersifs. Ces opinions, nouvelles de son temps, firent une grande sensation parmi les médecins, et furent l'origine d'une longue polémique entre J. Duchesne, N. Poget, J. Veyras, Tannequin Guillhemet et Guillaumet; Brief Discours en forme d'e tovchant la curation des arcbvsades; Paris, 1570, in-8°; Opuscula olim discipulis suis publice dictata; Lyon, 1571, in-8°; Medecinæ Practica priores Libri tres; Genève, 1572, in-8°. Il y a eu trois éditions de cet ouvrage ; Sentence de deux belles questions sur la cvration des arcbvsades et autres playes; Genève, 1577, in-12; - Isagoge Therapeutices Methodi. Eiusdem De Affectibus Pilorum et curis, præsertim capitis, et de cephalalgia. De Affectibus internis partiùm thoracis; Lyon, 1577, in-16; Erreurs populaires av fait de la medecine et regime de sante... Cettecy est de toutte l'œuure la premiere partie contenant cinq liures, avec l'indice des matieres qui seront traitteez ez autres; Bordeaux, 1578, in-16, souvent réimprimé. La dédicace des trois premières éditions est adressée à Marguerite de Navarre que Joubert appelle

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l'une des plus chastes et des plus vertueuses princesses du monde »; mais les matières scabreuses traitées dans l'ouvrage ayant généralement fait regarder cette dédicace comme inconvenante, il la supprima dans les suivantes, et en mit une autre à l'adresse de Pibrac; - Segonde partie des Erreurs popvlaires, et Propos vvlgaires, touchant la medecine et le regime de sante; Paris, 1579, in-8°: souvent réimprimé. Les deux parties ont été publiées ensemble sous le titre de La première et seconde Partie des Erreurs populaires, etc.; Paris, 1587, in-8° : souvent réimprimé. Ces deux parties ont été traduites en latin, cum notis Joan. Borgesii; Anvers, Plantin, 1600, in-8°; en italien, par Lucchi, Florence, 1592, in-4°. L'ouvrage entier, tel que Joubert l'avait conçu, devait être divisé en 6 parties et contenir 30 livres; mais, dégoûté par les attaques auxquelles l'inconvenance de sa dédicace et la hardiesse de ses opinions l'exposèrent, il ne donna pas de suite à son projet. Cependant le grand succès de son livre ayant fait désirer sa continuation, le médecin Gaspard Bachot en donna une 3o partie; Lyon, 1626, in-8°;

Question des Hviles traictée problématiquement. Item, Censure de quelques opinions touchant la décoction pour les arquebusades (Genève); 1578, in-12; Pharmacopœa; Lyon, 1579, in-8°; trad. en français par J.-P. Zaugmaistre, sous le titre de La Pharmacopée de M. Lavr. Iovbert; Lyon, 1581, in-12, souvent réimprimée; - Oratio de Præsidiis futuri excellentis medici, habita. in celeberr. academia Valentina; Genève, 1580, in-8°; Operum latinorum Tomus primus

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et secundus); Lyon, 1582, 2 vol. in-fol. Il y a trois éditions de ce recueil de ses œuvres ; La grande Chirurgie de M. Guy de Chavliac, medecin tres-fameux de l'université de Montpelier, composee l'an de grace mil trois cens et trois, restituee par M. Laurens Iovbert; Tournon, 1598, in-8°, très-souvent réimprimée ; Traieté des Eaus; Paris, 1593. A. ROCHAS (de Die).

Éloges de Sainte-Marthe. Additions aux Éloges de De Thou, par Teissier. - Mémoires de Nicéron. - Van der Linden, De Scriptis Medicis, édit. de 1662. - Castellanus, Vitæ Illustrium Medicorum; 1618, in-8o.- Bibliothèques de La Croix du Maine et du Verdier. - Dictionnaire de Bayle. Notice Historique par Astruc, dans les Mé · moires sur la Faculté de Montpellier, p. 243. - Barbier, Erumen des Dictionnaires Hist. - Amoreux, Notice historique et bibliographique sur la Vie et les Ouvrages de I.. Joubert; Montpellier, 1814, in-8°. - A. Rochas, Biographie du Dauphine.

JOUBERT (Nicolas), dit Angoulevent on Engoulevent, bouffon français, vivait au commencement du dix-septième siècle. On ignore sa patrie;

on ne connaît ni la date de sa naissance ni celle de sa mort. Il a joué un certain rôle dans l'histoire de la littérature comique. Il eut le titre de prince des sots ou prince de la sotie, c'est-à-dire des fous, et il est désigné comme valet de chambre d'Henri IV. Il est question dans la Satyre Ménippée et dans la Confession de Sancy d'un farceur connu à Paris sous le sobriquet d'Angoulevent, et on a tout lieu de croire que c'est notre Joubert. Une circonstance de sa vie est connue avec détail c'est une contestation qui s'éleva entre lui, les comédiens de l'hôtel de Bourgogne et le cessionnaire d'un de ses créanciers au sujet de la principauté des sots; Angoulevent la déclarait « sa propriété exclusive »; Valentin Le Comte (Valeran), Jacques Resneau (Rameau) prétendaient la lui disputer. Il en résulta un long procès qui, commencé en 1603, dura au moins cinq ans, et donna lieu à un assez grand nombre d'écrits devenus très-rares; le Manuel du Libraire en a donné les titres (1). On y remarque le Plaidoyé sur la Principauté des Sots par Julien Peleus, avocat alors en renom; Paris, 1608, écrit de 34 pages, qui n'est nullement une facétie, comme l'ont cru quelques personnes qui ne l'avaient pas lu ; c'est au contraire un travail sérieux (2). Angoulevent obtint gain de cause, et l'arrêt que le parlement rendit en sa faveur est imprimé dans l'Histoire du ThéâtreFrançais, par les frères Parfaict. L'entrée par la grande porte de l'hôtel de Bourgogne était un

(1) Parmi les six pièces qu'énumère M. Ch. Brunet, nous ne trouvons pas eelle-ci, que M. Techener faisait figurer, en 1849, sur un de ses catalogues: Sentence prononcée contre le sieur Angoulevent, par laquelle on voit comment se fait appréhender ledit Angoulevent au corps; Paris, 1607.

(2) Un exemplaire de ce livret s'est payé près de 63 fr. en 1830, à la vente Nodier. Dans ce singulier plaidoyer, Peleus maltraite d'ailleurs son client; il convient « qu'il est né au pays des grosses bêtes; que c'est une tête creuse, une citrouille éventée, vide de sens comme une canne, un cerveau démonté, qui n'a ni ressort ni roue entière dans la tête ».

des points en litige; Angoulevent prétendait être le seul à y avoir droit; le parlement lui conserva ce privilége. Ce ne fut pas la seule querelle qu'eut le prince des sots; un rimeur du temps, dont le nom est resté ignoré, lança contre Jui une vive attaque en vers sous le titre de : Surprise et Fustigation d'Angoulevent par l'archipoëte des Pois pilés, Paris, 1603; c'est le récit d'une mésaventure, plus ou moins véritable, advenue à Joubert, qui est signalé comme très-enclin à la débauche. Le prince des sots opposa à son adversaire un opuscule intitulé: La Guirlande et Réponse d'Angoulevent, Paris, 1603; mais le dernier mot ne lui resta pas, car, en 1604, il fut attaqué de nouveau dans la Réplique à la Réponse du poëte Angoulevent. Un autre farceur de l'époque, voulant se placer au-dessus d'Angoulevent, prit le titre d'archi-sot, et fut l'objet d'une diatribe en vers intitulée : L'ArchiSot, echo satyrique (1). Quelques autres opuscules, mais d'un faible intérêt aujourd'hui, se

rattachent à ce singulier personnage. Le savant auteur du Manuel du Libraire attribue à Jou. bert un volume de poésies fort peu décentes intitulé: Les Satyres bastardes et autres œuvres folastres du cadet Angoulevant; Paris, 1615. Ce recueil n'a point été réimprimé, et il est devenu presque introuvable; les bibliophiles le recherchent avec avidité; il s'est élevé à 151 fr., à l'une des ventes de Ch. Nodier. G. B.

Dreux du Radier, Récréations Historiques, t. I, p. 41. — La Place, Choir des Mercures, t. LVI, p. 158. Leber, Monnaies des Foux, p. lii. -Histoire du Theatre Français, par les frères Parfaict, t. III, p. 252. - Bulletin du Bibliophile belge, tom. V, 1847, p. 454.

JOUBERT (Le P. Joseph), lexicographe français, jésuite de Lyon, mort dans cette ville, le 20 février 1719 suivant le P. Colonia, en 1724 suivant Sabatier. Le P. Joubert s'est fait connaître par son Dictionnaire Français-Latin, tiré des auteurs originaux et classiques de l'une et l'autre langue, dédié au prince des Asturies; Lyon, 1709, in-4°, et 1752, in-4°, œuvre très-estimée, mais qu'ont fait oublier les dictionnaires donnés depuis par le P. Lebrun, par Noël, par de Wailly, etc., qui, néanmoins, ont profité de ses laborieuses recherches. Le P. Joubert avait composé son Dictionnaire au collège de la Trinité, où il fut longtemps professeur de basses classes. Il est auteur aussi de quelques panégyriques qui ont été publiés sous un autre nom que le sien. G. DE. F. Colonia, Hist. Litter., t. XI. - Mém. de Trévoux, 1710. Sabatler, Siècles Littéraires.

JOUBERT (François), écrivain religieux français, né à Montpellier, le 12 octobre 1689, mort à Paris, le 23 décembre 1763. Fils du syndic des états de Languedoc, il exerça luimême cette charge avant d'entrer dans le sacer

(1) Cet opuscule, devenu extrêmement rare, a été réimprimé dans la curieuse collection publiée par M. Ed. Fournier sous le titre de Varietés Historiques et Littéraires (voir tom. VII, p. 37). La Surprise et Fustigation est comprise dans le même recueil, tom. VIII, p. 81.

doce en 1728. Son attachement au jansénisme lui valut d'être enfermé à la Bastille pendant six semaines, en 1730. Il fut exilé ensuite à Montpellier, puis il put venir à Troyes et enfin à Paris. On a de lui: De la Connoissance des Temps par rapport à la Religion; in-12; Explication de l'Histoire de Joseph selon divers sens que les saints pères y ont donnés ; Paris, 1728, in-12; · Eclaircissement sur les Discours de Job; in-12; · Traité du Caractère essentiel à tous les Prophètes; in-12; — Observations sur Joël; Avignon, 1733, in-12;

Lettres sur l'Interprétation des Écritures; Paris, 1744, in-12; · Concordance et Explication des principales Prophéties de Jérémie, d'Ezechiel et de Daniel; sans nom de lieu (Paris), 1745, in-4°; - Explication des principales Prophéties de Jérémie, d'Ézéchiel et de Daniel, disposées selon l'ordre des temps; Avignon (Paris), 1749, 5 vol.; — Commentaires sur les Douze petits Prophètes; Avignon, 1754 et ann. suiv., 6 vol. in-12; — Commentaire sur l'Apocalypse; Avignon (Paris), 1762, 2 vol. in-12; - Dissertations sur les Effets physiques des Convulsions; in-12; — Critique sommaire d'un livre intitulé: Abrégé de l'Histoire Ecclésiastique; in-12.

Son frère, Jean-Baptiste JOUBERT DE BEAUPRÉ, né à Montpellier, en 1701, mort dans la même ville, en 1791, a eu part à la composition du Propre des Saints de l'église cathédrale et du diocèse de Montpellier, et de l'Office pour la fête des miracles de Notre-Dame des Tables, qui se célèbre dans l'église paroissiale de ce nom à Montpellier, le 31 août.

J. V.

Nouvelles Ecclésiastiques, 1767. - Chaudon et Delandine, Dict. Univ. Histor., Crit. et Bibliogr. - Quérard, La France Littéraire.

JOUBERT (Philippe-Laurent DE), baron DE SOMMIERES et DE MONTREDON, antiquaire et naturaliste français, neveu des précédents, mort à Paris, le 30 mars 1792. Il succéda à son père dans la charge de président de la chambre des comptes et finances de Montpellier, et en 1777 il obtint celle de trésorier des états du Languedoc. Enrichi par cette position, il se livra tout entier à son goût pour les arts, encouragea Chaptal, prépara les succès du peintre Fabre, qu'il envoya étudier à Rome, et aida de ses deniers beaucoup d'autres artistes. Il fit dessiner par Wicar les chefs-d'œuvre de peinture que renferme le pa. lais Pitti, et commença la publication de ces dessins gravés sous le titre de Galerie de Flo rence; 1787-1813, 48 livraisons, ouvrage que ses héritiers continuèrent. On trouve de lui trois dissertations dans les Mémoires de l'Académie des Sciences, société dont il était correspondant, savoir: Mémoire sur une Coquille de l'espèce des Poulettes, pêchée dans la Méditerranée, et Mémoire sur quelques Coquilles nouvellement péchées dans la Méditerranée (Savants étrangers, 1774); - Description du

petit Volcan éteint dont le sommet est couvert par le village et le château de Montferrier, J. V. à une lieue de Montpellier (1779).

Quérard, La France Littéraire.

JOUBERT (Barthélemy-Catherine), célèbre général français, né à Pont-de-Vaux (Bresse), le 14 avril 1769, tué à la bataille de Novi, le 28 thermidor an VII (15 août 1799). Il n'avait pas encore quinze ans lorsqu'il s'évada du collège où il étudiait, pour aller s'engager dans un régiment d'artillerie en garnison à La Fère (Picardie). Son père, qui le destinait au barreau, lui fit obtenir son congé, et lui fit terminer ses études à Lyon. En juillet 1789, Joubert faisait son droit à Dijon; il accepta les idées libérales avec toute l'exaltation d'un jeune homme, entra dans la garde nationale pour se familiariser au maniernent des armes, employa tout son temps à s'instruire dans les manœuvres militaires, et, en décembre 1791, s'enrôla avec le grade de sergent dans le 3o bataillon de l'Ain. Il rejoignit l'armée du Rhin; il eut un avancement rapide, mais chaque grade qu'il obtint fut mérité par une action d'éclat. Nommé sous-lieutenant le 23 avril 1792, il passa lieutenant le 20 août suivant, et, sous les ordres du général Anselme, il franchit le Var au mois de septembre. Attaqué par cinq cents Austro-Sardes dans une redoute du col de Tende, qu'il défendait avec trente grenadiers, il fut grièvement blessé et fait prisonnier. Il fut conduit à Turin et présenté au roi de Sardaigne. On lui demanda s'il était noble. « Je suis citoyen français », dit-il; cette réponse, toute républicaine, lui valut d'être jeté en prison et fort maltraité. Cependant, attaqué par la dyssenterie, il ne tarda pas à être, sur la sollicitation du général Devins, renvoyé sur parole. Il revint dans son pays, où il s'éleva avec force contre les excès sanglants des commissaires de la Convention Albite, Alban et Vauquois. Pour sauver sa vie, il dut réjoindre l'armée, où il fut promu adjudant général (en prairial an II; mai 1794 ). En messidor an I, il fut chargé avec 2,000 volontaires d'enlever 6,000 Hongrois rétranchés à Melagno; il fut repoussé avec une perte de 56 officiers et de 450 hommes. « Exposé, écrivit-il lui-même, à dix pas de la mitraille, aux grenades et au plomb dirigés à bout portant, j'ai tout fait humainement pour m'enterrer dans leurs redoutes. » Kellermann le fit nommer chef de bataillon. Le 2 frimaire an IV, à Loano, Joubert devint chef de brigade sur le champ de bataille; il donna de nouvelles preuves de courage à Montenotte (22 germinal an v, 11 avril 1796). Le lendemain il chassa le général autrichien de la position de Sainte-Marguerite, et enleva le château de Cossaria, où il fut blessé. Le 3 floréal (12 avril), il combattit à Mondovi. Il fut atteint d'une balle à la poitrine. Bientôt rétabli, le 20 floréal (9 mai), il se trouvait au passage du pont de Lodi. Bonaparte le chargea d'assiéger la forteresse de Milan. Joubert eut à la fois à repousser les sorties des Autri

chiens et l'insurrection de la ville. Il eut ensuite le commandement de l'avant-garde du corps d'armée de Massena, entra le premier dans Vérone (juin 1796), et alla s'établir dans le Tyrol pour en garder les défilés pendant le siége de Mantoue. Le 11 messidor (28 juin), il força le col de Campione, où les Autrichiens perdirent 700 hommes et tous leurs bagages. « Cette journée fut si fatigante, qu'il portait, dit-il, les ordres lui-même, ne trouvant personne qui pût aller assez promptement. » Attaqué le 11 thermidor (29 juillet), à l'important défilé de Corona, par 30,000 hommes, que Wurmser conduisait en personne, coupé de toutes parts, il fut obligé de battre en retraite en laissant ses équipages. Cette défaite eut pour résultat la levée du blocus de❘ Mantoue. Joubert prit une brillante revanche quelques jours après. L'armée française rétrogradait sur Castiglione, suivie par les Autrichiens: Bonaparte avait résolu d'arrêter là son mouvement de retraite; il donna ordre à ses généraux de marcher à la rencontre de l'ennemi. Le 5 août, à neuf heures du matin, le canon se fit entendre vers Cauriana. Bonaparte courut à Joubert. « Sérurier attaque, s'écria-t-il, tu devrais déjà être engagé; pars avec les chasseurs, et force le centre ». Joubert se précipite sur les Autrichiens; il est soutenu par Augereau, et, de concert avec le général Digeon, il enlève à la baïonnette le village de Solforino, et poursuit Wurmser jusqu'à Borghetto. Après avoir consacré quelque temps à rétablir sa santé, le 5 frimaire an v il prit le commandement de la division du général Vaubois, et se trouva en face d'Alvinzi, qui opérait pour délivrer Mantoue. Repoussé dans une première affaire, Joubert atteignit sur les hauteurs de Campara l'arrière-garde ennemie, la fit prisonnière, et reprit les positions de Corona et de Rivoli. Il reçut pour récompense le grade de général de division. Le 23 nivôse (12 janvier 1797), attaqué par Alvinzi avec des forces immenses, il fut délogé du Monte Baldo, et se replia sur le plateau de Rivoli, s'y maintint durant quarantehuit heures, et lorsque enfin Bonaparte arriva à son aide; il contribua plus que tous au succès de cette mémorable et sanglante action. Joubert ent son cheval tué sous lui, mais il se releva plus terrible: un fusil à la main et à la tête de l'infanterie légère, il renversa les masses autrichiennes du plateau dans les précipices de l'Infernale. « Joubert se montra, écrivit Bonaparte dans son rapport au Directoire, grenadier par son courage et grand général par ses connaissances militaires. » Poursuivant sans relâche l'ennemi, il le culbute à Avice, à Lavis, à Turgoli, à Mori et prend possession de Trente (4 pluviôse). Alors commença cette campagne de géants, selon l'expression de Carnot, cette expédition du Tyrol, le plus beau titre de gloire d'un capitaine infatigable, qui a pu, en différentes circonstances, paraître l'émule de Bonaparte. Le 29 ventôse, il entra dans ces montagnes à la tête de trois di

visions : les généraux Baraguay d'Hilliers et Dumas étaient sous ses ordres. Les défilés redoutables du Tyrol étaient défendus par les généraux Kerpen et Laudon; il était moins difficile de vaincre leurs troupes que de surmonter les obstacles naturels joints à la résistance armée des habitants, qui, très-dévoués à la maison d'Autriche, s'étaient insurgés de toutes parts. S'étant rendu maître de Bautzen et de Brixen, il réussit à séparer Kerpen et Laudon de l'armée de l'archiduc Charles, qui opérait en Carinthie. Il força presque aussitôt les gorges d'Inspruck, et, se multipliant jusqu'au prodige, il sut inspirer à ses troupes un attachement qui les rendit capables de surmonter des fatigues inouïes; dans son enthousiasme, il alla jusqu'à leur abandonner son traitement. Les Tyroliens eux-mêmes, pleins d'estime pour son intégrité, son désintéressement et sa douceur, cessèrent en grande partie les hostilités. Dans l'espace d'un mois il avait livré sept combats, dispersé deux corps d'armée, tué ou fait prisonniers 11,000 ennemis, enlevé plusieurs villes, de riches magasins et une nombreuse artillerie. Le pays était soumis jusqu'à la Drave, lorsqu'à Vienne les Autrichiens, croyant certainement sa perte assurée, faisaient chanter un Te Deum.L'armée française aussi doutait de son sort, lorsque Joubert déboucha triomphant. A son arrivée à Unzmark (15 germinal — 4 avril ), il se présenta pour entrer chez le général en chef; la sentinelle avait ordre de ne laisser entrer personne. Joubert insiste, et s'avance malgré la consigne; Bonaparte se jette dans les bras de Joubert: «< Va, dit-il au soldat, le brave Joubert, qui a forcé le Tyrol, a bien pu forcer la consigne. »> Les Autrichiens, reconnaissant que l'Empire ne pouvait plus être sauvé par les armes, sollicitèrent la paix les préliminaires en furent signés à Léoben le 29 germinal an v (18 avril 1797). Joubert assista aux conférences, et dans le mois de vendémiaire alla à Pont-de-Vaux prendre un repos nécessaire à sa santé. Pendant les négociations, Bonaparte crut n'être que juste en chargeant Joubert de porter à Paris les drapeaux, monuments des victoires de l'armée d'Italie. Présenté au Directoire, Joubert fit l'éloge de l'armée dans un discours où règne toute l'énergie d'un citoyen libre, d'un vrai républicain. Le président du Directoire lui répondit dans les termes les plus flatteurs, et rappela en détail toutes les actions d'éclat du jeune héros.

Le Directoire confia au vainqueur du Tyrol le commandement en chef des troupes françaises en Hollande, et le chargea d'opérer un changement dans le gouvernement de ce pays. Joubert s'acquitta de cette mission (3 pluviôse an v1, 22 février 1798), et passa comme général en chef à l'armée de Mayence, et ensuite, en remplacement de Brune, à l'armée d'Italie (vendémiaire an VII, août 1798). Il réorganisa l'armée, et en trois jours occupa le Piémont sans coup férir. Cette singulière campagne procura aux

vainqueurs des approvisionnements de guerre immenses. Dans l'arsénal de Turin seul on trouva 1,800 pièces de canon, 100,000 fusils, etc. Joubert, que six ans auparavant le roi Emmanuel avait fait jeter en prison, conserva pour le monarque vaincu des égards pleins de délicatesse et de générosité. Emmanuel voulut lui marquer sa reconnaissance,et lui offrit quelques tableaux d'un grand prix : « Nous serions tous les deux coupables, lui dit Joubert, vous en me les donnant, moi en les acceptant. » Lorsque, en janvier 1799, le Directoire voulut réformer les abus commis par plusieurs généraux dans les pays conquis, il trouva une grande résistance dans les états-majors. Championnet même, qui commandait à Naples, osa chasser les commissaires civils qui avaient ordre de faire cesser l'incroyable gaspillage des fonds prélevés au nom de la république française. Le Directoire ne faiblit pas, et destitua Championnet malgré l'éclat de ses dernières victoires. Le brave Joubert se persuada que l'honneur militaire était atteint par les arrêtés du Directoire, et ne voulut pas conserver le commandement aux conditions nouvelles prescrites aux généraux : il donna sa démission; elle fut acceptée. Bernadotte refusa de succéder à Joubert, parles mêmes motifs. Scherer, ministre de la guerre, fut alors nommé général en chef de l'armée d'Italie presque malgré lui. Le sort des batailles se déclara en effet contre lui, et bientôt l'armée française, battue à Magnano, puis sur les bords de la Trebbia, fut expulsée de l'Italie. Le vieux Scherer en avait remis la direction à Moreau; mais toute l'habileté de ce grand général ne put aboutir qu'à une glorieuse retraite. Le Directoire ayant été renouvelé (le 18 juin 1799, 30 prairial an vii), les nouveaux directeurs sentirent le besoin de ranimer le moral des soldats par un de leurs généraux les plus aimés, et Joubert fut réintégré dans le commandement supérieur (1). Moreau reçut l'ordre d'attendre son arrivée, et manqua ainsi l'occasion de reprendre l'offensive avec avantage.

« Joubert, dit M. Thiers, qu'on avait voulu, par un mariage et des caresses, attacher au parti qui projetait une réorganisation, perdit un mois entier (2), celui de messidor (juin et juillet), à célébrer ses noces (avec Mlle de Montholon), et manqua ainsi une occasion décisive. On ne l'attacha pas réellement au parti dont on voulait le faire l'appui; car il resta dévoué aux patriotes,

et on lui fit perdre inutilement un temps précieux. Il partit en disant à sa jeune épouse : « Tu me reverras mort ou victorieux. " Il emporta en effet la résolution héroïque de vaincre ou de mourir. Ce noble jeune homme, en arrivant à l'armée dans le milieu de thermidor (premiers jours d'août), témoigna la plus grande déférence au maître consommé auquel on l'appelait à succéder. Il le pria de rester auprès de lui pour lui donner des conseils. Moreau, tout aussi généreux que le jeune général, voulut bien assister à sa première bataille et l'aider de ses conseils : noble et touchante confraternité, qui honore les vertus de nos généraux républicains, et qui appartient à un temps où le zèle patriotique l'emportait encore sur l'ambition dans le cœur de nos guerriers. »

(1) On a pensé que cette faveur apparente du Directoire avait été l'effet d'une intrigue. Il paraît qu'en l'absence de Bonaparte ceux qui voulaient à tout prix la chute des Directeurs, ayant trouvé dans la faiblesse de Moreau un obstacle à ce qu'il se saisit du pouvoir, parvinrent à procurer un grand commandement à Joubert pour préparer les esprits à voir bientôt ce général à la tête du gouvernement. Quoi qu'il en soit, rien n'indique que Joubert se soit prêté à ces machinations.

(2) Quelques autres historiens ont écrit que Joubert, marié le 30 messidor (18 juillet ), ne resta que six jours auprès de sa jeune épouse. Il l'aurait quittée le 6 vendemiaire à Pont-de-Vaux, et serait arrivé le 15 à Gênes.

Sans perdre un instant Joubert se porta vers les montagnes du Montferrat, qu'il traversa avec 20,000 hommes, s'empara d'Acqui, où il trouva les vivres des Austro-Russes, et opéra sa jonction avec les débris de l'armée de Naples, ramenés par Championnet. Ses forces s'élevèrent alors à 40,000 hommes, parmi lesquels beaucoup de recrues : il avait devant lui 70,000 hommes aguerris et victorieux; car le général russe Souwarow venait d'opérer sa jonction avec Kray et 20,000 Autrichiens. Alexandrie et Mantoue venaient de se rendre (22 et 30 juillet). Joubert résolut, mais trop tard, de se retirer dans les gorges des Apennins et d'attendre des renforts en restant sur la défensive. Le 28 thermidor (15 août 1799), dès cinq heures du matin, Souwarow attaqua les positions françaises avec son impétuosité accoutumée : il n'était plus temps de refuser la bataille. Joubert, sans nécessité reconnue, se jeta témérairement au milieu des tirailleurs; il était à cheval, le bras droit levé et le sabre à la main, lorsqu'une balle le frappa sous l'aisselle et pénétra jusqu'au cœur. En tombant il criait encore à ses soldats : « En avant, mes amis! en avant! marchez toujours! » Puis il dit au colonel Drave, un de ses aides de camp: << Prenez mon sabre, tirez-moi par les jambes et couvrez-moi; que les Russes me croient encore avec vous. » Moreau prit aussitôt le commandement. La mort de Joubert pouvait jeter le désordre dans l'armée: elle ne fit que rendre le combat plus furieux; les Austro-Russes furent culbutés une première fois sur toute la ligne; mais, revenant à la charge, après douze heures d'extermination, ils forcèrent les Français à abandonner le champ de bataille dans le plus grand désordre.

Les membres du corps législatif portèrent le deuil de Joubert durant cinq jours, et une fête funèbre fut célébrée en son honneur. Le Conseil des Anciens déclara qu'il avait bien mérité de la patrie. Son corps, transporté plus tard à Toulon, fut déposé par ordre du premier consul dans le fort Lamalgue, qui prit dès lors le nom de fort Joubert. Sa statue avait été placée dans le grand

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