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<< leur salut. >> Tous les palatins attendris et animés tirèrent leurs sabres en s'écriant: Moriamur pro rege nostro Maria-Theresia, mourons pour notre roi Marie-Thérèse. Ils donnent toujours le titre de roi à leur reine1. Jamais princesse, en effet, n'avait mieux mérité ce titre. Ils versaient des larmes en fesant serment de la défendre; elle seule retint les siennes; mais quand elle fut retirée avec ses filles d'honneur, elle laissa couler en abondance les pleurs que sa fermeté avait retenus. Elle était enceinte alors, et il n'y avait pas long-temps qu'elle avait écrit à la duchesse de Lorraine, sa belle-mère : « J'ignore encore s'il me « restera une ville pour y faire mes couches. >>

Dans cet état, elle excitait le zèle de ses Hongrois; elle ranimait en sa faveur l'Angleterre et la Hollande, qui lui donnaient des secours d'argent : elle agissait dans l'empire: elle négociait avec le roi de Sardaigne, et ses provinces lui fournissaient des soldats.

Toute la nation anglaise s'anima en sa faveur. Ce peuple n'est pas de ceux qui attendent l'opinion de leur maître pour en avoir une. Des particuliers proposèrent de faire un don gratuit à cette princesse. La duchesse de Marlborough, veuve de celui qui avait combattu pour Charles VI, assembla les principales dames de Londres; elles s'engagèrent à fournir cent mille livres sterling, et la duchesse en déposa quarante mille. La reine de Hongrie eut la grandeur d'ame

Marie d'Anjou, dans le quatorzième siècle, et Élisabeth de Luxembourg, dans le quinzième, avaient le titre de Rex, dans des actes publics; voyez tome XXIII, page 357, et tome XVII, page 163. B.

de ne pas recevoir cet argent qu'on avait la générosité de lui offrir; elle ne voulut que celui qu'elle attendait de la nation assemblée en parlement.

On croyait que les armées de France et de Bavière victorieuses allaient assiéger Vienne. Il faut toujours faire ce que l'ennemi craint. C'était un de ces coups décisifs, une de ces occasions que la fortune présente une fois, et qu'on ne retrouve plus. L'électeur de Bavière avait osé concevoir l'espérance de prendre Vienne; mais il ne s'était point préparé à ce siége; il n'avait ni gros canons ni munitions. Le cardinal de Fleuri n'avait point porté ses vues jusqu'à lui donner cette capitale : les partis mitoyens lui plaisaient : il aurait voulu diviser les dépouilles avant de les avoir; et il ne prétendait pas que l'empereur qu'il fesait eût toute la succession.

L'armée de France, aux ordres de l'électeur de Bavière, marcha donc vers Prague, aidée de vingt mille Saxons, au mois de novembre 1741. Le comte Maurice de Saxe, frère naturel du roi de Pologne, attaqua la ville. Ce général, qui avait la force du corps singulière du roi son père, avec la douceur de son esprit et la même valeur, possédait de plus grands talents pour la guerre. Sa réputation l'avait fait élire d'une commune voix duc de Courlande le 28 juin 1726; mais la Russie, qui donnait des lois au Nord, lui avait enlevé ce que le suffrage de tout un peuple lui avait accordé : il s'en consolait dans le service des Français et dans les agréments de la société de cette nation, qui ne le connaissait pas encore assez.

Il fallait ou prendre Prague en peu de jours, ou

abandonner l'entreprise. On manquait de vivres, on était dans une saison avancée; cette grande ville, quoique mal fortifiée, pouvait aisément soutenir les premières attaques. Le général Ogilvy, Irlandais de naissance, qui commandait dans la place, avait trois mille hommes de garnison; et le grand-duc marchait au secours avec une armée de trente mille hommes; il était déjà arrivé à cinq lieues de Prague le 25 novembre ; mais la nuit même les Français et les Saxons donnèrent l'assaut.

Ils firent deux attaques avec un grand fracas d'artillerie, qui attira toute la garnison de leur côté : pendant ce temps le comte de Saxe, en silence, fait préparer une seule échelle vers les remparts de la ville neuve, à un endroit très éloigné de l'attaque. M. de Chevert, alors lieutenant-colonel du régiment de Beauce, monte le premier. Le fils aîné du maréchal de Broglie le suit : on arrive au rempart, on ne trouve à quelques pas qu'une sentinelle; on monte en foule, et on se rend maître de la ville; toute la garnison met bas les armes. Ogilvy se rend prisonnier de guerre avec ses trois mille hommes 1. Le comte de Saxe préserva la ville du pillage, et ce qu'il y eut d'étrange, c'est que les conquérants et le peuple conquis furent pêle-mêle ensemble pendant trois jours; Français, Saxons, Bavarois, Bohémiens, étaient confondus, ne pouvant se reconnaître, sans qu'il y eût une goutte de sang répandu.

L'électeur de Bavière, qui venait d'arriver au camp,

Trois ans plus tard, le même Ogilvy rendit la même place avec quinze mille hommes. Voyez page 114. B.

rendit compte au roi de ce succès, comme un général qui écrit à celui dont il commande les armées : il fit son entrée dans la capitale de la Bohême le jour même de sa prise, et s'y fit couronner au mois de décembre. Cependant le grand duc, qui n'avait pu sauver cette capitale, et qui ne pouvait subsister dans les environs, se retira au sud-est de la province, et laissa à son frère, le prince Charles de Lorraine, le commandement de son armée.

Dans le même temps le roi de Prusse se rendait maître de la Moravie, province située entre la Bohême et la Silésie; ainsi Marie-Thérèse semblait accablée de tous côtés. Déjà son compétiteur avait été couronné archiduc d'Autriche à Lintz : il venait de prendre la couronne de Bohême à Prague, et de là il alla à Francfort recevoir celle d'empereur sous le nom de Charles VII.

Le maréchal de Belle-Isle, qui l'avait suivi de Prague à Francfort, semblait être plutôt un des premiers électeurs qu'un ambassadeur de France. Il avait ménagé toutes les voix, et dirigé toutes les négociations: il recevait les honneurs dus au représentant d'un roi qui donnait la couronne impériale. L'électeur de Mayence, qui préside à l'élection, lui donnait la main dans son palais, et l'ambassadeur ne donnait la main chez lui qu'aux seuls électeurs, et prenait le pas sur tous les autres princes. Ses pleins pouvoirs furent remis en langue française: la chancellerie allemande, jusquelà, avait toujours exigé que de telles pièces fussent présentées en latin, comme étant la langue d'un gouvernement qui prend le titre d'empire romain. Charles

Albert fut élu le 4 janvier 1742, de la manière la plus tranquille et la plus solennelle: on l'aurait cru au comble de la gloire et du bonheur; mais la fortune changea, et il devint un des plus infortunés princes de la terre par son élévation même.

CHAPITRE VII.

Désastres rapides qui suivent les succès de l'empereur CharlesAlbert de Bavière.

On commençait à sentir la faute qu'on avait faite de n'avoir pas assez de cavalerie. Le maréchal de Belle-Isle était malade à Francfort, et voulait à-la-fois conduire des négociations, et commander de loin une armée. La mésintelligence se glissait entre les puissances alliées; les Saxons se plaignaient beaucoup des Prussiens, et ceux-ci des Français, qui à leur tour les accusaient. Marie-Thérèse était soutenue de sa fermeté, de l'argent de l'Angleterre, de celui de la Hollande, et de Venise, d'emprunts en Flandre; mais surtout de l'ardeur désespérée de ses troupes rassemblées enfin de toutes parts. L'armée française, sous des chefs peu accrédités, se détruisait par les fatigues, la maladie, et la désertion : les recrues venaient difficilement. Il n'en était pas comme des armées de Gustave Adolphe, qui, ayant commencé ses campagnes en Allemagne avec moins de dix mille hommes, se trouvait à la tête de trente mille, augmentant ses troupes dans le pays même à mesure

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