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près de sa fin, demandait «< si on ne lui donnerait pas <«<un troisième héritier, et quel enfant l'empire et la «France voulaient lui faire. » Ce n'est pas que le grand duché de Toscane se regardât comme un fief de l'empire; mais l'empereur le regardait comme tel, aussi bien que Parme et Plaisance, revendiqués toujours par le saint-siége, et dont le dernier duc de Parme avait fait hommage au pape : tant les droits changent selon les temps! Par cette paix, ces duchés de Parme et Plaisance, que les droits du sang donnaient à don Carlos, fils de Philippe V et d'une princesse de Parme, furent cédés à l'empereur Charles VI en propriété.

Le roi de Sardaigne, duc de Savoie, qui avait compté sur le Milanais, auquel sa maison, toujours agrandie par degrés, avait depuis long-temps des prétentions, n'en obtint qu'une petite partie, comme le Novarrois, le Tortonois, les fiefs des Langhes. Il tirait ses droits sur le Milanais d'une fille de Philippe II, roi d'Espagne, dont il descendait. La France avait aussi ses anciennes prétentions, par Louis XII, ritier naturel de ce duché. Philippe V avait les siennes, par les inféodations renouvelées à quatre rois d'Espagne ses prédécesseurs; mais toutes ces prétentions. cédèrent à la convenance et au bien public. L'empe-reur garda le Milanais; ce n'est pas un fief dont il doive toujours donner l'investiture: c'était originairement le royaume de Lombardie annexé à l'empire, devenu ensuite un fief sous les Viscontis et sous les Sforces, et aujourd'hui c'est un état appartenant à l'empereur; état démembré à la vérité, mais qui,

avec la Toscane et Mantoue, rend la maison impériale très puissante en Italie.

Par ce traité, le roi Stanislas renonçait au royaume qu'il avait eu deux fois, et qu'on n'avait pu lui conserver; il gardait le titre de roi; il lui fallait un autre dédommagement, et ce dédommagement fut pour la France encore plus que pour lui. Le cardinal de Fleuri se contenta d'abord du Barrois, que le duc de Lorraine devait donner au roi Stanislas, avec la réversion à la couronne de France; et la Lorraine ne devait être cédée que lorsque son duc serait en pleine possession de la Toscane. C'était faire dépendre cette cession de la Lorraine de beaucoup de hasards. C'était peu profiter des plus grands succès et des conjonctures les plus favorables. Le garde des sceaux, Chauvelin, encouragea le cardinal de Fleuri à se servir de ses avantages: il demanda la Lorraine aux mêmes conditions que le Barrois, et il l'obtint '.

Il n'en coûta que quelque argent comptant, et une pension de trois millions cinq cent mille livres faite au duc François, jusqu'à ce que la Toscane lui fût échue.

* Quoique l'Angleterre ne fût pas intervenue dans le traité, cependant le cardinal de Fleuri avait réglé avec l'ambassadeur d'Angleterre tous les points de la négociation; et ce fut par faiblesse qu'il consentit à demander la Lorraine sans en instruire le ministre anglais. Cette conduite diminua la confiance qu'on avait en lui; l'Angleterre et la Hollande regardaient cette cession éventuelle de la Lorraine comme un gage du consentement que la France donnerait aux dispositions de Charles VI et à l'élection de son gendre à l'empire. L'accomplissement de la cession de la Lorraine aurait été le prix de la modération de la France. Le cardinal l'avait senti; il voyait, par cette disposition, la paix plus assurée contre les intrigues des ambitieux qui voudraient allumer la guerre; et il ne pardonna point au garde des sceaux, Chauvelin, d'avoir abusé de sa faiblesse. K.

Ainsi la Lorraine fut réunie à la couronne irrévocablement; réunion tant de fois inutilement tentée. Par là un roi polonais fut transplanté en Lorraine : cette province eut pour la dernière fois un souverain résidant chez elle, et il la rendit heureuse. La maison régnante des princes lorrains devint souveraine de la Toscane. Le second fils du roi d'Espagne fut transféré à Naples. On aurait pu renouveler la médaille de Trajan REGNA ASSIGNATA, les trones donnés.

Tout resta paisible entre les princes chrétiens, si on en excepte les querelles naissantes de l'Espagne et de l'Angleterre pour le commerce de l'Amérique. La cour de France continua d'être regardée comme l'arbitre de l'Europe.

L'empereur fesait la guerre aux Turcs sans consulter l'empire; cette guerre fut malheureuse : Louis XV le tira de ce précipice par sa médiation; et M. de Villeneuve, son ambassadeur à la Porte ottomane, alla en Hongrie conclure, en 1739, avec le grand-vizir, la paix dont l'empereur avait besoin.

Presque dans le même temps le nom seul de Louis XV' pacifiait l'état de Gênes, menacé d'une guerre civile; il soumit et adoucit pour un temps les Corses qui avaient secoué le joug de Gênes. Le même ministère étendait ses soins sur Genève, et apaisait guerre civile élevée dans ses murs.

une

Il interposait surtout ses bons offices entre l'Espagne et l'Angleterre, qui commençaient à se faire sur mer une guerre plus ruineuse que les droits

1 Toutes les éditions portent : « Presque dans le même temps il paci«fiait, etc. » Voyez ma Préface. B.

qu'elles se disputaient n'étaient avantageux. On avait vu le même gouvernement, en 1735, employer sa médiation entre l'Espagne et le Portugal : aucun voisin n'avait à se plaindre de la France, et toutes les nations la regardaient comme leur médiatrice et leur mère commune. Cette gloire et cette félicité ne furent pas de longue durée.

CHAPITRE V.

Mort de l'empereur Charles VI. La succession de la maison d'Autriche disputée par quatre puissances. La reine de Hongrie reconnue dans tous les états de son père. La Silésie prise par le roi de Prusse.

L'empereur Charles VI mourut au mois d'octobre1 1740, à l'âge de cinquante-cinq ans. Si la mort du roi de Pologne, Auguste II, avait causé de grands mouvements, celle de Charles VI, dernier prince de la maison d'Autriche, devait entraîner bien d'autres révolutions. L'héritage de cette maison sembla surtout devoir être déchiré; il s'agissait de la Hongrie et de la Bohême, royaumes long-temps électifs, que les princes autrichiens avaient rendus héréditaires; de la Souabe autrichienne, appelée Autriche antérieure; de la Haute et Basse-Autriche, conquises au treizième siècle; de la Stirie, de la Carinthie, de la Carniole, de la Flandre, du Burgau, des quatre villes forestières, du Brisgaw,

I Le 20 octobre, d'une indigestion de champignons. Voyez tome XL, page 56. B...

du Frioul, du Tyrol, du Milanais, du Mantouan, du duché de Parme: à l'égard de Naples et de Sicile, ces deux royaumes étaient entre les mains de don Carlos, fils du roi d'Espagne Philippe V.

Marie-Thérèse, fille aînée de Charles VI, se fondait sur le droit naturel qui l'appelait à l'héritage de son père, sur une pragmatique solennelle qui confirmait ce droit, et sur la garantie de presque toutes les puissances. Charles-Albert, électeur de Bavière, demandait la succession en vertu d'un testament de l'empereur Ferdinand Ier, frère de Charles-Quint 1.

Auguste III 2, roi de Pologne, électeur de Saxe, alléguait des droits plus récents, ceux de sa femme même, fille aînée de l'empereur Joseph Ier, frère aîné de Charles VI.

Le roi d'Espagne étendait ses prétentions sur tous les états de la maison d'Autriche, en remontant à la femme de Philippe II, fille de l'empereur Maximilien II. Philippe V descendait de cette princesse par les femmes. Louis XV aurait pu prétendre à cette succession à d'aussi justes titres que personne, puisqu'il descendait en droite ligne de la branche aînée masculine d'Autriche par la femme de Louis XIII, et par celle de Louis XIV; mais il lui convenait plus d'être arbitre et protecteur que concurrent; car il pouvait alors décider de cette succession et de l'empire, de concert avec la moitié de l'Europe; mais s'il

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1 Voyez Annales de l'Empire, année 1564, tome XXIII, page 532. B. 2 Voltaire l'appelle encore Auguste III dans le chapitre xxx11 ci-après, et tome XXIII, page 658. Mais, dans le chapitre xiv ci-après, Voltaire l'appelle Auguste II. Voyez ma note, tome XXIII, page 27. B.

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