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l'empire de la Méditerranée. Le roi de France envoya dans cette île, sur la fin d'avril (1756), le maréchal duc de Richelieu, avec environ vingt bataillons, escortés d'une douzaine de vaisseaux du premier rang, et quelques frégates que les Anglais ne croyaient pas être sitôt prêtes: tout le fut à point nommé, et rien ne l'était du côté des Anglais. Ils tentèrent au moins, mais trop tard, d'attaquer au mois de juin la flotte française commandée par le marquis de La Gallissonnière 1. Cette bataille ne leur eût pas conservé l'île de Minorque, mais elle pouvait sauver leur gloire. L'entreprise fut infructueuse, le marquis de La Gallissonnière mit leur flotte en désordre, et la Le ministère anglais vit quelque temps avec douleur qu'il avait forcé la France à établir une marine redoutable.

repoussa.

Il restait aux Anglais l'espérance de défendre la citadelle de Port-Mahon, qu'on regardait après Gibraltar comme la place de l'Europe la plus forte par sa situation, par la nature de son terrain, et par trente ans de soins qu'on avait mis à la fortifier: c'était partout un roc uni; c'étaient des fossés profonds de vingt pieds, et en quelques endroits de trente, taillés dans ce roc; c'étaient quatre-vingts mines sous des ouvrages devant lesquels il était impossible d'ouvrir la tranchée; tout était impénétrable au canon, et la citadelle était entourée partout de ces fortifications extérieures taillées dans le roc vif.

Ce fut le 20 mai 1756 que Roland-Michel Barrin, marquis de La Gallissonnière, dispersa la flotte anglaise. Il mourut à Nemours le 26 octobre suivant. CL.

Le maréchal de Richelieu tenta une entreprise plus hardie que n'avait été celle de Berg-op-Zoom: ce fut de donner à-la-fois un assaut à tous ces ouvrages qui défendaient le corps de la place. Il fut secondé dans cette entreprise audacieuse par le comte de Maillebois, qui, dans cette guerre, déploya toujours de grands talents, déjà exercés dans l'Italie.

On descendit dans les fossés1 malgré le feu de l'artillerie anglaise ; on planta des échelles hautes de treize pieds: les officiers et les soldats, parvenus au dernier échelon, s'élançaient sur, le roc en montant sur les épaules les uns des autres : c'est par cette audace difficile à comprendre qu'ils se rendirent maîtres de tous les ouvrages extérieurs. Les troupes s'y portèrent, avec d'autant plus de courage, qu'elles avaient à faire à près de trois mille Anglais secondés de tout ce que la nature et l'art avaient fait pour les défendre.

Le lendemain la place se rendit (28 juin). Les Anglais ne pouvaient comprendre comment les soldats français avaient escaladé ces fossés, dans lesquels il n'était guère possible à un homme de sang froid de descendre. Cette action donna une grande gloire au général et à la nation, mais ce fut le dernier de ses succès contre l'Angleterre.

On fut si indigné à Londres de n'avoir pu l'emporter sur mer contre des Français, que l'amiral Byng, qui avait combattu le marquis de la Gallissonnière, fut, d'après ses instructions qui lui ordonnaient de tout risquer pour faire entrer dans le port de Mahon

L'assaut eut lieu dans la nuit du 27 au 28 juin 1756. B.

un convoi qu'il escortait, condamné par une cour martiale à être arquebusé, en vertu d'une ancienne loi portée du temps de Charles II. En vain le maréchal de Richelieu envoya à l'auteur de cette histoire une déclaration qui justifiait l'amiral Byng, déclaration parvenue bientôt au roi d'Angleterre; en vain les juges mêmes recommandèrent fortement le condamné à la clémence du roi, qui a le droit de faire grace; cet amiral fut exécuté 1. Il était fils d'un autre amiral qui avait gagné la bataille de Messine en 1718. Il mourut avec une grande fermeté; et avant d'être frappé, il envoya son mémoire justificatif à l'auteur, et ses remerciements au maréchal de Richelieu".

CHAPITRE XXXII.

Guerre en Allemagne. Un électeur de Brandebourg résiste à la maison d'Autriche, à l'empire allemand, à celui de Russie, à la France. Événements mémorables.

On avait admiré Louis XIV d'avoir seul résisté à l'Allemagne, à l'Angleterre, à l'Italie, à la Hollande,

1 Le 14 mars 1747. Voyez, dans la Correspondance, les lettres à Richelieu, du 20 décembre 1756, des 13 et 19 février 1757; à d'Argental, du 12 septembre 1757; à Schomberg, du 31 octobre 1769. B.

a Le jour qu'on investit le fort Saint-Philippe, le chevalier de Laurenci, Italien au service de France, trouva dans une maison de campagne appartenante à un commissaire de la marine anglaise, parmi ses papiers, la table des signaux de l'escadre anglaise. Le maréchal l'envoya à M. de La Gallissonnière, qui la reconnut pour très exacte dès que l'amiral Byng eut fait des signaux. Ainsi, M. de La Gallissonnière acquit un grand avantage sur son ennemi.

réunies contre lui. Nous avons vu un événement plus extraordinaire un électeur de Brandebourg tenir seul contre les forces de la maison d'Autriche, de la France, de la Russie, de la Suède, et de la moitié de l'empire.

C'est un prodige qu'on ne peut attribuer qu'à la discipline de ses troupes, et à la supériorité du capitaine. Le hasard peut faire gagner une bataille; mais quand le faible résiste aux forts sept années dans un pays tout ouvert, et répare les plus grands malheurs, ce ne peut être l'ouvrage de la fortune. C'est en quoi cette guerre diffère de toutes celles qui ont jamais désolé le monde.

On a déjà vu que le second roi de Prusse était le seul prince de l'Europe qui eût un trésor, et le seul qui, ayant mis dans ses armées une vraie discipline, avait établi une puissance nouvelle en Allemagne. On a vu2 combien les préparatifs du père avaient enhardi le fils à braver seul la puissance autrichienne, et à s'emparer de la Silésie.

L'impératrice-reine attendait que les conjonctures lui fournissent les moyens de rentrer dans cette province. C'eût été autrefois un objet indifférent pour l'Europe, qu'un petit pays annexé à la Bohême appartînt à une maison ou à une autre: mais la politique s'étant raffinée plus que perfectionnée en Euainsi que tous les autres objets de l'esprit humain, cette petite querelle a mis sous les armes plus de cinq cent mille hommes. Il n'y eut jamais tant de

rope,

I

Chapitre v, page 61. B.

2 Id. ibid. B.

SIÈCLE DE LOUIS XV.

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combattants effectifs, ni dans les croisades, ni dans les irruptions des conquérants de l'Asie. Voici comment cette nouvelle scène s'ouvrit.

Élisabeth, impératrice de Russie, était liée avec l'impératrice Marie-Thérèse par d'anciens traités, par l'intérêt commun qui les unissait contre l'empire ottoman, et par une inclination réciproque. Auguste III', roi de Pologne et électeur de Saxe, réconcilié avec l'impératrice-reine, et attaché à la Russie, à laquelle il devait le titre de roi de Pologne, était intimement uni avec ces deux souveraines. Ces trois puissances avaient chacune leurs griefs contre le roi Frédéric III2 de Prusse. Marie-Thérèse voyait la Silésie arrachée à sa maison, Auguste et son conseil souhaitaient un dedommagement pour la Saxe ruinée par le roi de Prusse dans la guerre de 1741, et il y avait entre Élisabeth et Frédéric des sujets de plaintes personnels, qui souvent influent plus qu'on ne pense sur la destinée des états.

Ces trois puissances, animées contre le roi de Prusse, avaient entre elles une étroite correspondance, dont ce prince craignait les effets. L'Autriche augmentait ses troupes, celles d'Élisabeth étaient prêtes; mais le roi de Pologne, électeur de Saxe, était hors d'état de rien entreprendre; les finances de son électorat étaient épuisées; nulle place considérable ne pouvait empêcher les Prussiens dé marcher à Dresde. Autant l'ordre et l'économie rendaient le Brandebourg formidable, autant la dissipation avait affaibli la Saxe.

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