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«'si des électeurs ou leurs ambassadeurs se retirent << du lieu de l'élection, avant que le roi des Romains «< futur empereur, soit élu, ils seront privés cette fois << de leur droit de suffrage, comme étant censés l'avoir « abandonné. »

La reine de Hongrie, désormais impératrice, vint à Francfort jouir de son triomphe et du couronnement de son époux. Elle vit, du haut d'un balcon, la cérémonie de l'entrée; elle fut la première à crier vivat ; et tout le peuple lui répondit par des acclamations de joie et de tendresse. (4 octobre) Ce fut le plus beau jour de sa vie. Elle alla voir ensuite son armée, rangée en bataille auprès de Heidelberg, au nombre de soixante mille hommes. L'empereur, son époux, la reçut, l'épée à la main, à la tête de l'armée. Elle passa entre les lignes, saluant tout le monde, dîna sous une tente, et fit distribuer un florin d'empire à chaque soldat.

C'était la destinée de cette princesse et des affaires qui troublaient son règne, que les événements heureux fussent balancés de tous les côtés par des disgraces. L'empereur Charles VII avait perdu la Bavière, pendant qu'on le couronnait empereur; et la reine de Hongrie perdait une bataille, pendant qu'elle préparait le couronnement de son époux, François 1er. (1 octobre) Le roi de Prusse était encore vainqueur près de la source de l'Elbe à Sore.

.... Il y a des temps où une nation conserve constamment sa supériorité. C'est ce qu'on avait vu dans les

Les éditions portent : « un florin à chaque soldat. » Voyez má Pré

face: B.

Suédois, sous Charles XII; dans les Anglais, sous le duc de Marlborough: c'est ce qu'on voyait dans les Français en Flandre sous Louis XV et sous le maréchal de Saxe, et dans les Prussiens sous Frédéric IIIa. L'impératrice perdait donc la Flandre, et avait beaucoup à craindre du roi de Prusse en Allemagne, pendant qu'elle fesait monter son mari sur le trône de son père.

Dans ce temps-là même, lorsque le roi de France, vainqueur dans les Pays-Bas et dans l'Italie, proposait toujours la paix, le roi de Prusse, victorieux de son côté, demandait aussi à l'impératrice de Russie, Élisabeth, sa médiation. On n'avait point encore vu de vainqueurs faire tant d'avances, et on pourrait s'en étonner: mais aujourd'hui il est dangereux d'être trop conquérant. Toutes les puissances de l'Europe prennent les armes tôt ou tard, quand il y en a une qui remue: on ne voit que ligues et contre-ligues soutenues de nombreuses armées. C'est beaucoup de pouvoir garder par la conjoncture des temps une province acquise.

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Au milieu de ces grands embarras, on reçut l'offre inouïe d'une médiation à laquelle on ne s'attendait pas; c'était celle du grand-seigneur. Son premier vizir écrivit à toutes les cours chrétiennes qui étaient en guerre, les exhortant à faire cesser l'effusion du sang humain, et leur offrant la médiation de son maître. Une telle offre n'eut aucune suite; mais elle devait servir au moins à faire rentrer en elles-mêmes tant

a Je l'appelle toujours Frédéric III, parceque son père était FrédéricGuillaume, et son aïeul Frédéric, premier roi. Voyez la note, page 65. B.

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de puissances chrétiennes qui, ayant commencé la guerre par intérêt, la continuaient par obstination, et ne la finirent que par nécessité. Au reste, cette médiation du sultan des Turcs était le prix de la paix que le roi de France avait ménagée entre l'empereur d'Allemagne Charles VI et la Porte ottomane en 1739.

Le roi de Prusse s'y prit autrement pour avoir la paix et pour garder la Silésie. (15 décembre 1745) Ses troupes, battent complètement les Autrichiens et les Saxons aux portes de Dresde1; ce fut le vieux prince d'Anhalt qui remporta cette victoire décisive. Il avait fait la guerre cinquante ans. Il était entré le premier dans les lignes des Français au siége de Turin en 1706; on le regardait comme le premier officier de l'Europe pour conduire l'infanterie. Cette grande journée fut la dernière qui mit le comble à sa gloire militaire, la seule qu'il eût jamais connue. Il ne savait que combattre.

Le roi de Prusse, habile en plus d'un genre, enferma de tous côtés la ville de Dresde. Il y entre suivi de dix bataillons et de dix escadrons, désarme trois régiments de milice qui composaient la garnison, se rend au palais, où il va voir les deux princes et les trois princesses, enfants du roi de Pologne, qui y étaient demeurés : il les embrassa, il eut pour eux les attentions qu'on devait attendre de l'homme le

Le roi de Prusse, dans son Histoire de mon temps, dit que la paix fut signée le 25 décembre 1745. La bataille de Kesseldorff, village près de Dresde, eut lieu nécessairement avant la paix, et le 15 décembre 1745. C'est donc par faute typographique que toutes les éditions données du vivant de l'auteur portent ici, et un peu plus bas, 1746. B.

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plus poli de son siècle. Il fit ouvrir toutes les boutiques qu'on avait fermées, donna à dîner à tous les ministres étrangers, fit jouer un opéra italien; on ne s'aperçut pas que la ville était au pouvoir du vainqueur, et la prise de Dresde ne fut signalée que par les fêtes qu'il y donna.

Ce qu'il y eut de plus étrange, c'est qu'étant entré dans Dresde le 18, il y fit la paix le 25 avec l'Autriche et la Saxe, et laissa tout le fardeau au roi de France.

Marie-Thérèse renonça encore malgré elle à la Silésie par cette seconde paix; et Frédéric ne lui fit d'autre avantage que de reconnaître François Ier empereur. L'électeur palatin, comme partie contractante dans le traité, le reconnut de même; et il n'en coûta au roi de Pologne, électeur de Saxe, qu'un million d'écus d'Allemagne, qu'il fallut donner au vainqueur avec les intérêts jusqu'au jour du paiement.

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(28 décembre 1745) Le roi de Prusse retourna dans Berlin jouir paisiblement du fruit de sa victoire; il fut reçu sous des arcs de triomphe : le peuple jetait sur ses pas des branches de sapin, faute de mieux, en criant, Vive Frédéric-le-Grand! Ce prince, heureux dans ses guerres et dans ses traités, ne s'appliqua plus qu'à faire fleurir les lois et les arts dans ses états: et il passa tout d'un du tumulte de la guerre coup une vie retirée et philosophique; il s'adonna à la poésie, à l'éloquence, à l'histoire : tout cela était également dans son caractère. C'est en quoi il était beaucoup plus singulier que Charles XII. Il ne le regardait pas comme un grand homme, parceque Charles n'était que héros. On n'est entré ici dans aucun dé

à

tail des victoires du roi de Prusse; il les a écrites luimême. C'était à César à faire ses commentaires.

Le roi de France, privé une seconde fois de cet important secours, n'en continua pas moins ses conquêtes. L'objet de la guerre était alors, du côté de la maison de France, de forcer la reine de Hongrie, par ses pertes en Flandre, à céder ce qu'elle disputait en Italie, et de contraindre les états-généraux à rentrer au moins dans l'indifférence dont ils étaient sortis.

L'objet de la reine de Hongrie était de se dédommager sur la France de ce que le roi de Prusse lui avait ravi; ce projet, reconnu depuis impraticable par la cour d'Angleterre, était alors approuvé et embrassé par elle. Car il y a des temps où tout le monde s'aveugle. L'empire donné à François Ier fit espérer que les cercles se détermineraient à prendre les armes contre la France; et il n'est rien que la cour de Vienne ne fit pour les y engager.

L'empire resta neutre constamment, comme toute l'Italie l'avait été dans le commencement de ce chaos. guerre; mais les cœurs des Allemands étaient tous à Marie-Thérèse.

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CHAPITRE XVIII.

Suite de la conquête des Pays-Bas autrichiens. Bataille de Liége, ou de Raucoux.

Le roi de France, étant parti pour Paris après la prise d'Ostende, apprit en chemin que Nieuport s'était rendu, et que la garnison était prisonnière de guerre.

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