Imágenes de página
PDF
ePub

Je renonce à la Grèce, à Sparte, à son empire,
A toute ma famille ; et c'est assez pour moi,
Traître, qu'elle ait produit un monstre tel que toi.
(à Andromaque.)

[ocr errors]

Allons, madame, allons. C'est moi qui vous délivre.

Pyrrhus ainsi l'ordonne, et vous pouvez me suivre.

« De nos derniers devoirs allons nous dégager.

[ocr errors]

Montrons qui de nous deux saura mieux le venger.

FIN DE LA VARIANTE.

TRADUCTION

D'UN FRAGMENT D'EURIPIDE

IMITÉ PAR RACINE.

Le succès des fureurs d'Hérode, dans la Mariamne de Tristan, engagea sans doute Racine à terminer son Andromaque par les fureurs d'Oreste. Sophocle, dans son Électre, ne présente point le fils d'Agamemnon tourmenté par les Furies, au moment où il vient d'assassiner sa mère: il lui laisse goûter le plaisir d'avoir vengé son père; mais Euripide, dans sa tragédie d'Oreste, qu'on peut regarder comme la suite de l'Électre de Sophocle, nous présente le fils d'Agamemnon en proie aux Euménides, attaqué d'une horrible frénésie qui ne lui laisse que très peu d'intervalles paisibles. On le voit, dès l'ouverture de la pièce, étendu sur une espèce de lit à l'entrée du palais; à la suite d'un violent accès, le malheureux s'est assoupi; Électre veille à ses côtés; de jeunes filles d'Argos, qui composent le choeur, viennent s'informer de la situation d'Oreste ; Électre leur recommande de ne faire aucun bruit : elle craint qu'on ne trouble le sommeil de son frère. Oreste soupire, et se retourne dans son lit; Électre croit qu'on a réveillé le malade; elle en fait des reproches au chœur. Toute cette scène est en pantomime, en jeu de théâtre, et absolument dans le goût des Grecs, c'est-à-dire d'une naïveté presque familière, qui nous paroît indigne de la tragédie, mais où les Grecs ne voyoient qu'une imitation touchante de la simple nature, très conforme à leur caractère et à leurs

mœurs.

Cependant le sommeil d'Oreste continue; on craint que ce ne soit le sommeil de la mort ; Électre s'approche de son lit, et dans ce moment il s'éveille.

« O doux charme du sommeil, dit-il, puissant secours « pour la nature affligée, quel baume tu viens de ré« pandre sur mes douleurs! ô précieux oubli des maux! « dieu des infortunés, quel est ton pouvoir! Mais où « suis-je ? qui m'a conduit ici? Mon esprit égaré ne con« serve plus de traces du passé.

ÉLECTRE.

"O mon frère, que votre sommeil m'a consolée! Souf« frez que je soulève votre corps fatigué.

ORESTE.

« J'accepte, ma sœur, ce service de l'amitié; essuyez l'é« cume épaisse qui couvre mes yeux et mes lèvres.

ÉLECTRE.

« Soin bien cher à mon cœur! Heureuse si ma main « peut vous procurer quelques soulagements!

ORESTE.

« Aidez ma foiblesse, levez-moi; écartez ces cheveux « qui offusquent mon visage.

[ocr errors]

ÉLECTRE.

« O tête chérie, quelle horrible négligence t'a déshono« rée ? quel désordre a souillé cette belle chevelure!

ORESTE.

« Ah! je n'en puis plus ! Étends moi sur mon lit: quand <«< ma raison revient, la force m'abandonne, mes esprits « sont abattus.

ÉLECTRE.

« Le malade aime son lit, ami triste, mais nécessaire.

ORESTE.

Ah, ma sœur ! relève-moi, remets-moi sur mon séant.

LE CHOEUR.

« L'impatience est naturelle à ceux qui souffrent.

ÉLECTRE.

« Voulez-vous essayer de vous tenir debout? il y a long-temps que vos pieds n'ont touché la terre. En << tout le changement est agréable.

ORESTE.

« Oui, on croit étre mieux: il est doux de le croire, « même quand on se trompe.

ÉLECTRE.

Écoutez-moi maintenant, mon frère: profitons du "repos que vous laissent les Euménides.

ORESTE.

« Avez-vous quelque chose à m'apprendre? Si la nou

« velle est heureuse, parlez; si elle est fâcheuse, épar

[ocr errors][merged small][merged small]

« Votre oncle Ménélas est arrivé; sa flotte est à l'ancre « au port de Nauplie.

ORESTE.

« Que dis-tu? Ah! quel rayon d'espoir dans une situa«tion aussi malheureuse que la nôtre' Quoi! Ménélas, << notre ami, notre parent, comblé des bienfaits de notre ❝ père?

[ocr errors]

ÉLECTRE.

« Oui, n'en doutez point, il est ici : il revient de Troie, " accompagné d'Hélène.

ORESTE.

« Fatale compagne! Que n'est-il échappé seul à la fu

"

« reur des flots! Il ramène sa femme : il n'a pas évité le

[blocks in formation]

« On ne connoît que trop les filles de Tyndare, nées « pour être l'opprobre de la Grèce.

ORESTE.

« Ah, ma sœur! prends garde de leur ressembler. Ce

❝ n'est

pas seulement de la bouche, c'est du cœur qu'il « faut les maudire.

ÉLECTRE.

« O ciel!... Mon frère... ton œil se trouble! Quel chan«gement soudain ! quelle rage s'empare de tes sens!

ORESTE.

« O ma mère ! je t'en conjure, éloigne de moi ces filles « d'enfer aux yeux ensanglantés, aux cheveux hérissés de « serpents ! Les voilà! oui, je les vois, elles s'élancent sur « moi!

ÉLECTRE.

« Malheureux Oreste! cessez de vous agiter sur votre « couche: vous ne voyez rien de ce que vous croyez « voir.

ORESTE.

« Apollon, secourez-moi! Ces prêtresses du Tartare, « ces horribles déesses vont m'ôter la vie!

ÉLECTRE.

« Arrête, ô mon frère ! Je m'attache à toi; mes foibles « bras t'environnent; tu ne m'échapperas pas!

ORESTE.

« Laisse-moi, ô la plus cruelle de mes Furies! Laisse« moi... Quoi! tu m'embrasses! Est-ce pour m'entraîner dans le Tartare?

ÉLECTRE.

« O comble d'infortune! à qui donc pouvons-nous re« courir quand les dieux nous poursuivent?

ORESTE.

«Donne-moi cet arc, don précieux d'Apollon: il m'a « recommandé d'en faire usage contre les Furies, quand « elles viendroient m'effrayer et me tourmenter.

ÉLECTRE.

<< Comment la main d'un mortel pourroit-elle blesser « des déesses?

« AnteriorContinuar »