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nison de gens et de vivres au chastel de Bellemotte, assés près dudit lieu d'Arras. Et lequel siège durant, lequel y fu continuellement par l'espace de sept sepmaines ou environ, sans ce que ceulx de dehors y meisfessent de riens, se ne fu de leurs canons dont ilz perchèrent les murs, tours et portes d'icelle ville et de ladicte cité en pluiseurs lieux. Mais oncques ne firent semblant d'y livrer assault.

Ce siège durant, se mirent à traictier et à aller devers le Roy, le duc de Brabant et la contesse de Hainau, frère et seur du duc de Bourgongne. Et s'en retourna le roy en France et toute son oost sans plus riens faire et sans entrer en ladicte ville d'Arras, de laquelle on ne leur fist oncques ouverture. Mais on le fist à Bourges, et y entrèrent plusieurs seigneurs de par le Roy, combien que le Roy ne le duc de Bourgongne n'y entrèrent point. Et fu rendue la ville de Bappaumes en l'obéissance dudit de Bourgogne, comme son héritage.

Après le département du roy de France, alla le duc de Bourgongne à Cambray et là fist appointier son carroy et toutes ses besoignes pour aller en Bourgoigne avec les barons et gentilz hommes dudict pays. Et laissa Philippe, son filz, et dame Michiele de France, espeuse de sondit filz, au pais de Flandres. Et au département dudit de Bourgongne, iceluy duc estoit très mal contend des quattre membres dudit pais de Flandres pour ce que ilz avoient esté contre sa volenté audit lieu de Péronne, et avoec ce ne lui avoient vollu faire ne donner quelque aide ne conffort contre ses anemis, et se savoient bien comment le Roy estoit par iceulx menez et conduis du tout à leur volenté. Pourquoy ils devoient croire que ce n'estoit point le fait dudit Roy, mais estoit le fait et emprise de sesdis ennemis. Et ne tint pas à eulx que ledit duc de Bourgongne ne fust deshonnorés et destruis. Et ainsi s'en alla iceluy duc en Bourgongne, et y séjourna plus d'un an.

En cel an meismes fu mis le concille à Constance, en Allemaigne, de pluiseurs cardinaulx, patriarces, archevesques et évesques et autres prélatz et ambaxadeurs de pluiseurs roix et princes chrestiens. Et estoit lors très grant division en l'Eglise par Pierre. de Lune, nommé pappe Bénédic, qui se disoit vray pappe, et ne voloit céder non obstant que sustraction lui estoit faicte par pluiseurs causes de la plus grand partie de chrestienté, et n'avoit mais obéissance qu'en Espaigne et en Arragon. Auquel royaume d'Ar

ragon il se tenoit en une forte ville sur la mer. Et aussi en cel an avoit esté prins et menez en prison en la duchié de Baivière, le cardinal de Bouloigne, nommé le pappe Jehan. Et le prinst le roy des Rommains, empereur d'Alemaigne, pour pluiseurs creismes et articles que on lui mettoit sus. Et pour mectre l'Église en bonne paix et vraie union, fist tant ledit roy des Rommains que le concille se tint continuellement par l'espace de deux ans, ainchois que ceulx desdis roiaumes d'Espaingne et d'Arragon y venissent. Lesquelx y vinrent en l'an mil IIII et XVI, au mois d'aoust, à très belle et noble compaignie de prélatz et de chevallerie. Et tant que après leur venure on procéda à vraie éleccion de pappe. Et enfin fut esleu, confremé et pontiffié le cardinal de la Tombe, de la nacion de Romme, en l'an mil IIII XVII, et fu nommés pappe Martin.

EN L'AN MIL IIII XV.

En la saison d'aoust, se mist en mer le nouvel roy Henry, filz de Henry, roy d'Engleterre, avecq luy les ducqs de Clarence et de Bethefort, ses frères; le duc de Iorcq, les contes d'Arrondel, de Werwic, de Kint, et Dontiton, le seigneur de Ros et le seigneur d'Escaillon et son frère, et pluiseurs autres. Et arriva à Harfleu, où il mist siège et y fu environ IX sepmaines, et puis lui fu rendue par traictié, par le seigneur de Gaucourt, qui en estoit cappitaine tenant le party d'Orléans.

En ce tamps, se mirent sus les princes et seigneurs de France à toute puissance pour aller contre lesdis Engloix. Et quant le roy d'Engleterre seult que ilz estoient assamblez, il party de Harfleu et y laissa le duc de Bethfort, et il s'en volt retourner à toutes ses gens par le pais d'Artoix à Calaix. Mais les princes et seigneurs de France le poursievirent jusques audit pais d'Artoix, et tant que il ne polt eschapper sans eulx livrer bataille, non obstant que il avoit jà passé les rivières d'Oise, d'Autye et de Somme. Et furent ractains et enclos emprès Aisincourt et de Rouseauville. Dont iceulx Engloix furent moult dolans, car contre eulx estoit toute la fleur de la chevallerie du royaume de France, et estoient Françoix mieulx de quatre contre ung.

De l'armée de France estoit à ce jour le chief et souverain, le

duc d'Orléans, et avoec luy estoient les ducqs d'Alenchon, de Bourbon et de Bar, les contes de Nevers, de Richemont, d'Eu, de Vendosme, de Marle, de Roussy, de Tonnoire, de Vaudemont, de Danmartin et de Salebruce; Charles de Labret, connestable de France, Jehan de Bar et Ferry de Loeraine, le viconte de Nerbonne, et toute la fleur de chevallerie de France, de Picardie et de Hainau. Mais des pais de Flandres et de Bourgongne n'y eubt nul seigneur que messire Loys de Ghistelle, filz au seigneur de Ghistelle.

Le XXV* jour du moix d'octobre, assamblèrent à bataille Françoix et Engloix, environ heure de prime, en une place emprès lesdis lieux de Aisincourt de Rousseauville. Et commenchèrent Englès à traire sur les Françoix. Lesquelx Engloix estoient en deux bosquès, et la bataille des Françoix estoit entredeux pour assambler à la bataille du roy d'Engleterre, qui estoit au dessus de ses archiers. Et estoient les Françoix en une ghasquière nouvellement ahennée, qui leur fist moult de paine à passer. Car ilz estoient pesamment armez et la ghasquière estoit molle, par quoy ilz furent moult lassés et traveilliés à en yssir. Car ilz estoient de piet. Et quant vint à l'assambler à ladicte bataille du roy d'Engleterre, les pluiseurs estoient si traveilliés que à paines se savoient-ilz ravoir de ladicte ghasquière. Et les Engloix estoient frès et nouviaulx, qui ne s'estoient meuz de leur place avantageuse, et commenchèrent à fraper moult asprement sur les Françoix et en abatirent moult qui ne se povoient relever, et se n'avoient les pluiseurs qui les aidast à les remettre sus, car ilz n'avoient volu mener avec eulx nuls de leurs varlės, pour ce que entre eulx gentilz hommes voloient avoir l'onneur de ladicte bataille. Mais ilz en furent trompez, car ilz y furent tous mors et desconfis, que bien pau en eschappa. Et ne dura gaires la bataille. Et droit au point de la desconsfiture arriva le duc de Brabant en ladicte place, à bien pau de gens, de son hostel tant seulement. Lequel se bouta bien chaudement en ladicte bataille, en laquelle il fu incontinent occis et deux chevaliers avoec luy, filz du seigneur de Lens en Haynau, et frères à l'évesque de Cambray qui pour lors estoit.

En celle bataille furent occis et mors le duc de Brabant, le duc d'Alençon et le duc de Bar, les contes de Nevers, de Marle, de Roussy, de Vaudémont, de Dammartin, de Vendosme, d'Eu et de Salebruce, le connestable de France, Jehan de Bar, Ferry de Lor

saine, Loyz de Ghistelle et toute la gentillesche qui se mist en ladicte bataille que bien pau en eschappa, se ne furent ceulx qui y furent prins en vie. C'est assavoir les ducqs d'Orléans et de Bourbon, les contes de Vendosme et de Richemont et aucuns autres, dont il n'en retourna gaires hors de leur prison. Et de la partie du roy d'Engleterre ne moru nul homme, fors le duc de Iorc son oncle, et aucuns autres gentilzhommes en petit nombre.

Après celle bataille s'en alla le roy d'Engleterre à Calaix bien hastivement, car il doubtoit que les demourés et fuyans ne se rassamblassent pour les combattre de rechief, et pour ce s'en party et s'en alla de tire en Engleterre, et y fist mener tous les prisonniers.

Après celle desconffiture manda le duc de Berry, le conte d'Armignac venir pardevers luy en la ville de Paris, ainsi que il fist. Et après ce que il y fut arrivez il fu fait connestables de France, affin que leur bande se peust entretenir contre le duc de Bour

gongne.

Quant toutes ces choses furent venues à la cognoissance du duc de Bourgongne, qui encores estoit en sa duchié de Bourgongne, il assambla la plus grant puissance que il polt en la duchié et en la conté de Bourgongne, et puis s'en party et s'en vint en France pour ce que il sçavoit le Roy et son royaume estre en très grant péril et aventure pour la grant perte qu'il avoit eue de sa chevalerie, et ossy pour ce qu'il estoit petitement gouverné de gens et de consseil. Et arriva icelui duc à Laingny sur Marne, et là fu longuement pour espérance de trouver traictié pour aller à Paris devers le Roy son seigneur et y envoi a pluiseurs fois ses ambaxadeurs. Mais oncques ne polt finer au duc de Berry, au conte d'Armignac, au chancellier de France, Taneguy du Chastel et autres, que il entrast à Paris. Et durant le tamps desdictes ambaxades moru soudainement le duc de Ghyenne, ainsné filz du roy. Duquel la mort fu célée par l'espace de quattre jours affin que ceulx de Paris n'eussent nulle souspechon sur ceulx qui le avoient en gouvernement. Et fu commune renommée que il fu empoisonnez par ceulx qui estoient entour luy, pour ce que il avoit grant affection et désir d'avoir le duc de Bourgongne son beau père, emprès luy. Après la mort du duc de Ghienne venue à la cognoissance du duc de Bourgongne, se party icelui de Bourgongne de la ville de Laingny, et retourna en Artoix et en Flandres. Dont ceulx qui tenoient

le party de Berry et d'Armignas, lesquels furent de tous tamps depuis nommés armignacs, firent grant mocquerie d'iceluy duc et de son emprise et l'appellèrent grant tamps Jehan de Laingny, et par avant l'appeloient Jehan Beausire, et Jehan à la longue cotte, par grand desrision.

Quant le duc de Bourgongne fut retournez en Artoix, il donna congié à toutes ses gens d'armes, lesquelx s'en retournèrent en Bourgongne. Et dedans brief tamps après, icelui duc s'en alla en Haynau devers Jehan de France, duc de Thouraine et par le trespas de sondit frère, daulphin de Viennoix comme ainsné filz du roy de France. Lequel avoit espousée la fille audit conte de Haynau, niépce audit duc de Bourgogne. Avec lequel il tint consseil pour trouver la manière comment il porroit estre seurement menez et conduis devant le Roy, son père, pour avoir le gouvernement tel que à luy appartenoit. Mais ils ne porent trouver manière qui fust seure pour luy mener, tant que ceulx qui estoient à Paris eussent le gouvernement du roy. Et par tant se conclurent que icelui Daulphin demourroit encores en Haynau avec sa femme. Et puis s'en retourna le duc de Bourgongne en Flandres, où il séjourna plus d'un an entier. En cel an fu la sentence rendue à Constance par le concille général de chrestienté estant audit lieu, de la matière et question meue entre le duc de Bourgongne d'une part, et l'évesque de Paris, frère audit feu Montagu et autres clercs et docteurs de l'Université de Paris tenant le party d'Armignac, d'aultre part, ladicte matière touchant nostre foy chrestienne en aucuns poins à cause de la proposicion faicte à Paris par maistre Jehan Petit, docteur en théologie, au commandement et adveu d'iceluy duc, comme cy devant est dit. Laquelle proposicion ledit évesque et ses complices avoient condempnée et arse publicquement par jugement,en la ville de Paris, comme chose plaine de hérésie et de fauseté. De laquelle sentence icellui duc appella en court de Romme, où estoit lors assamblee la fleur de clergie de toute chrestienté, comme dit est, et y fist appeller et évocquier ceulx qui avoient donné ladicte sentence. Laquelle sentence darrenière faicte audit concile sur l'appelacion dessusdicte, fu al honneur dudit duc de Bourgogne et conservacion de sadicte proposicion et à la condempnacion desdis évesque et clergie de Paris, lesquelx furent condempnés de rappeller leur jugement comme faulx et mauvais, publicquement et devant tous, quant requis et semons en seroient.

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