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icelui duc jusques en son dit pais d'Artoix, ainsi que promis leur avoit, et puis les laissa raler chascun en son lieu, mais les gentilz hommes demourèrent avec luy. Et en ce tamps arriva en Artoix le conte d'Arondel, à tout grant foison de gens d'armes et d'archers. Lequel conte d'Arondel fu moult grandement receuz du duc de Bourgoigne qui fu moult joieux de sa venure. Et à ce tamps s'en retourna le duc de Brabant en son pais et en ramena ses gens, par le gré et consentement de son frère. Et après ce, party ledit duc de Bourgoigne du pais de Picardie et s'en alla à Pontoise, avoec luy Piccars, Flamens et Engloix, et audit lieu de Pontoise séjourna bien xv jours en actendant tous ses gens. Et puis s'en party et chevaucha par nuit vers Paris en alant au pont à Meulen et tout estrange pais. Et luy vindrent au devant le conte de Nevers, Enguerran de Bournonville et pluiseurs autres, de Paris, lesquelx portèrent bleux chapperons en lieu d'ensaigne. Et puis quant ils furent tous ensamble, ilz entrèrent à Paris, et y furent joieusement receuz. Et entrèrent à Paris par la porte Saint Jacque.

Tantost après que le duc de Bourgongne fut arrivez à Paris, il fist faire commandement de par le Roy que tous ceulx de la ville qui avoient puissance, se appareillassent au mieulx et le plus seurement que ilz porroient pour estre prestz au mandement du Roy pour aller où ledit duc de Bourgongne les voldroit mander et mener. Et lors firent faire ceulx de Paris, gros jacques de fustenne pour vestir dessoubz leurs armeures. Et quant ilz furent appareilliés, il les mena par nuyt hors de Paris. Et s'en allèrent tous ensamble envers la ville de Saint-Clau, où il avoit très grande et grosse garnison des gens d'armes dudit duc d'Orléans. Mais ilz ne allèrent point le droit chemin, et fu sur le point du jour avant que ilz arrivassent audit lieu de Saint-Clau.

En la compaignie du duc de Bourgongne, à l'emprinse et assault de Saint-Clau, estoient les contes de Nevers, de Ponthèvre, de Marle et d'Arondel, Enguerran de Bournonville et tous les chevaliers et escuiers de Flandres et de Picardie estans en la compaignie dudit duc. Lesquelx livrèrent très grant assault à la ville de Saint-Clau, qui estoit lors très fort barrée et forteffiée. Et bien se défendirent ceulx de dedens et gardèrent bien l'entrée. Et fu l'estour et la bataille moult grande, car lesdiz assault et bataille se faisoient de combattre main à main. Et longuement dura l'estrif, mais en fin y furent Orléannoix desconfis et occis, et fu la

ville gaingnée, en laquelle on tuoit gens sans mercy, et y fu le gaing moult grand de chevautx et d'armeures, car toute la ville en estoit plaine. Et se y eubt pluiseurs gens noyez, qui se cuidèrent sauver en la tour, mais le pont fu si tost levez que la plus grant partie en demoura dehors, qui furent occis et noyez en reculant vers ledit pont jusques auquel ilz furent combatus. Et y fu prins leur cappitaine nommé Manssart du Bos, chevalier, lequel fu menez à Paris et luy fu le hatterel trenchié ès halles de Paris, et le corps pendu à Monfaucon.

Après celle prinse et desconffiture, et le duc de Bourgongne estant encores en ladicte ville de Saint-Clau, se party le duc d'Orléans de la ville de Saint-Denis, à moult grant haste, et ossy firent toux ses gens, desquelx les pluiseurs y laissèrent de leurs meilleurs joiaulx et harnas que ilz n'obrent loisir de prendre ne trousser, et s'en allèrent vers ledit lieu de Saint-Clau à l'autre lez de la rivière du costé devers la tour. Laquelle tour estoit encores tenue des gens dudit duc d'Orléans. Et quant icelui d'Orléans et ses gens furent arrivez à ladicte tour, ilz se mirent en ordre de bataille, tous à cheval. Et le duc de Bourgongne ce véant fist deschendre ses gens à piet et les ordonna pour attendre la bataille se ses anemis venoient contre luy, combien que adont la plus grant partie de ses gens s'en estoient retournez à Paris. Et lors que il fu mis en bataille avoec ses gens, se party ledit d'Orléans et s'en ralla de tire en son pais, sans plus rien faire.

Quant les nouvelles du département du duc d'Orléans furent apportées à Paris, Pierre de Essars, qui estoit remis en son office de prévosté et estoit demourez pour garder la ville, party dudit lieu de Paris, à tout grant gent, et s'en alla à Saint-Denis où il trouva plusieurs malles et sommiers et autres baghes, lesquelles il fist apporter audit lieu de Paris. Et fu commune renommée que il y gaingna très grand avoir. Et tantost s'en retourna le duc de Bourgongne à Paris, et gouverna le royaume de France à grant puissance de gens pour résister contre les emprises des anemis du Roy et des siens.

En cel an, fu le conte Walleran de Saint-Pol mis de par le roy de France en la possession de la connestablie de France au lieu de Charles de Labret, lequel tenoit plainement le party des ducqs de Berry et d'Orléans, et par conséquent anemy du Roy. Mais non obstant celle ordonnance ledit de Labret se fist toute sa vie tenir

et nommer pour connestable de France, et procura tant, que environ troix ans après, ledit conte de Saint-Pol s'en déporta moiennant une somme d'argent qui lui en fu pour ce délivrée, de Xm escus, ainsi qu'il fu commune renommée.

Après ce que le duc d'Orléans s'en fu retournés en son pais, le duc de Bourgongne contenta les Engloix et leur donna congié, et fist tant qu'ilz furent bien contendz de luy, et s'en retournèrent en Engleterre. Et ledit de Bourgongne demoura à Paris.

En cel an, sur le printamps, fist le roy de France ung grand mandement de gens d'armes, et pareillement fist le duc de Bourgongne par tous ses pais, pour estre prestz, après le jour de Pasques lors à venir, pour aller mectre à l'obéissance le duc de Berry et ses alliez. Et fu lors la première armée que le duc de Ghienne feist. Lequel duc alla en ce voiage avoec le Roy son père, et le duc de Bourgongne avec eulx, à moult grant puissance de gens. Et y furent lors le seigneur de Heilly, Jehan de Ghisce et Engheran de Bournonville, à moult grant puissance et comme les cappitaines adventureux, lesquelx y acquirent moult grant honneur. Et fu ce voiage appellé le voiage de Bourges. Auquel ilz mirent en l'obéissance du roy la ville et le chastel d'Estampes, et y fu prins le cappitaine, nommé Loys Bourdon, lequel fu menez prisonnier à Lille. Et pluiseurs autres forteresses se rendirent sans cop férir en ladicte obéissance. Mais ledit chastel d'Estampes fu prins par force.

Le XI jour de juing, fu le siège mis devant Bourges de par le roy de France, les ducqs de Ghienne et de Bourgongne et pluiseurs autres seigneurs de leur compaignie, à grant puissance de Francoix, Bourguignons, Piccars et Flamens. Et à ce siège arriva le roy Loys de Sézille, à moult belle et grant compaignie de gens d'armes, combien que il avoit tousjours tenu et encores tenoit, comme il fist tout son tamps, plus le party de Berry et d'Orléans que celui de Bourgongne. Et par son moien fut traicté fait tel que le siège fu laissé. Et s'en partirent le Roy et les seigneurs de sa compaignie et en allèrent à Ausoirre. Et tantost après ce, se party le duc de Berry de ladicte ville de Bourges en laquelle il avoit esté asségiés, et arriva audit lieu d'Aussoire. Et ainsi fist le duc d'Orléans, de son pais, et pluiseurs autres princes et seigneurs leurs alliez.

DE L'AN MIL IIII XII.

En la ville d'Aussoire furent les roix de France et de Sézille, les ducqs de Ghienne, Berry, Bourgongne et Orléans et pluiseurs aultres princes et barons, et y séjournèrent environ ung mois, pendant lequel tamps la paix fu faicte de tous les seigneurs dessusdiz. Et furent long tamps ensamble, moustrant signe d'amour l'un à l'autre. Et de la ville d'Aussoire s'en allèrent à Meleun où ilz furent long tamps en consseil, et là fu ladicte paix du tout confermée et accordée de toutes pars. Car illec furent tous les princes et seigneurs du sang roial à qui la gherre povoit touchier. Et conversoient les seigneurs l'un avoec l'autre, ainsi que oncques guerre ne se fust meue entre eulx. Et chevaulçoient aucunes fois deux sur ung cheval, c'estassavoir les ducs de Bourgongne et d'Orléans, et ossy icelui de Bourgongne et le conte de Vertus. Et sambloit lors à ceulx qui les veoient, que jamais gherre ne deuist avoir entre eulx. Mais celle compaignie ne dura pas longuement, ains y avoit-il tousjours du poil de l'ours, comme cy-après trouverés.

Or est vray que quant le duc de Berry seult que le Roy faisoit son appareil pour aller mettre siège devant Bourges à telle puissance, il envoia incontinent en Engleterre pour avoir gens d'armes et archiers pour le secourir. Lesquelx gens d'armes d'Engleterre ne porent estre si tost prestz qu'il euist volu, et ne arrivèrent à Bourges jusques à ce que le traictié se fist et que le siège se leva. Par quoy lesdits Englès ne furent point mis en oeuvre, ains leur donna ledit de Berry congié d'eulx en retourner en leur pais. Mais ilz dirent que ilz ne se partiroient point sans estre contentés, et demandèrent C et La couronnes, pour lesquelles paier ils ne volrent recevoir d'iceluy duc quelque lettre, ne obligacion. Et ce, pour le consentement du duc d'Orléans et du conte de Vertus, le conte d'Angoulesme, leur frère, fu livrés ausdiz Engloix par forme d'ostages et de plège, pour estre menez et détenus en Engleterre jusques al accomplissement et plain paiement de ladicte somme de C et Lm couronnes. Et par ainsi s'en retournèrent lesdits Engloix en Engleterre et emmenèrent ledit conte d'Angoulesme avoec eulx. Et fu le chef et général cappitaine desdiz Engloix, le duc de Clarence, filz au roy Henry d'Engleterre, duc de Lenclastre.

Après ladicte paix jurée et confrémée à Meleum sur Saine, le VII jour de septembre se party le roy de France dudit lieu de Meleum et retourna à Paris, et avoec luy pluiseurs des princes et seigneurs de son sang, et y alla ledit conte de Vertus, lequel conversoit souvent avoec le duc de Bourgogne, et chevauchèrent souvent parmy Paris, eulx deux sur ung cheval. Dont le peuple fut moult joieux. Et en ce tamps, par la prière d'aucuns desdiz seigneurs fu despendus ly corps dudit feu Montagu et la teste ostée des halles de Paris et tout mis en terre sainte en l'église des Célestins à Marcoussy, laquelle il avait fondée, amortie et fait un couvent de religieux. Et aussi avoit-il fait faire et donné la grande cloche de Notre-Dame de Paris, nommée Catherine.

En cel an, après le retour de Bourges, firent ceulx de l'Université de Paris pluiseurs proposicions en la présence du grant consseil du Roy, à l'encontre de plusieurs officiers de France aians gouvernement de finances, et par espécial contre messire Pierre des Essars, prévost de Paris, lequel avait esté gouverneur et conduiseur des finances du Roy au voyage de Bourges, et ne s'en estoit point bien acquittés, si comme ilz disoient. Et tant persévérèrent en ce propos que ledit prévost, pour doubte de esmutacion de commun et de righeur de justice, se absenta et partit hors de Paris secrètement, avoec luy Anthoine son frère, et les gens de son hostel, et s'en alla au chastel de Chierbourcq, dont il estoit cappitaine de par le Roy. Mais depuis, par aucuns moiens et lectres que on luy envoia, il retourna à Paris pour cuider faire sa paix, et se mist et loga en la bastille Saint-Anthoine, là où il fut asségiés par Elion de Jacleville, chevalier, lors cappitaine de Paris; lequel de Jacleville avoit avoec lui les bouchiers et grant partie de la communalté dudit lieu de Paris. Et en fin furent pris lesdiz Pierre et Anthoine son frère, et furent menés prisonniers au Louvre et depuis au Palaix. En laquelle prison ils demourèrent l'espace d'un moix ou environ, et puis fu ledit prévost, par jugement condempné à trainsner et copper le hatterel. Lequel jugement fu présentement accomplis. Et depuis fu sondit frère, ung jour, en très grand péril de morir, et pareillement lui devoit-on faire sa sentence. Mais il fist ledit jour si lait temps de pluye et de vent, que la journée fu remise à ung jour autre, et celle autre continuée à une autre, et tant que en fin il eubt aide et fu depuis du tout délivrez. Et fist parfaire le grand saint Christoffre que sondit frère avoit encom

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