Imágenes de página
PDF
ePub

quant à sa diction, que nous reproduisons scrupuleusement, elle est picarde. Ainsi qu'on va le voir, notre manuscrit n'a rien pour les années 1401 et 1402.

L'AN MIL IIII.

Fu la fille au roy de France renvoyé d'Engleterre en France, laquelle fu depuis mariée à l'aisné filz du duc d'Orléans, qui estoit son cousin germain, et en eubt ung enffant qui gaires ne vesquy, et ossy ne fist elle depuis que elle l'ot porté. Et fu commune renommée que elle n'eubt oncques parfaicte joye depuis son retour d'Engleterre.

L'AN MIL IIII III.

Le XXVII® jour d'avril moru le duc Phelippe de Bourgogne en la ville de Hal. Lequel duc fu en son tamps tenu pour l'un des sages princes de France, et par son sens il tint grant tamps le royaume en paix, combien que le duc d'Orléans luy fist mainte paine et voloit tousjours estre le maistre. Mais ledit de Bourgogne l'en garda bien, tant par le sens de luy, comme par sa puissance, laquelle il luy moustra pluiseurs fois en son tamps, tant en la ville de Paris, où ils firent de grandes assamblées, comme ailleurs, mais oncques horion n'en fu donné. Après laquelle mort, vesqui la contesse Marguerite sa femme, environ ung an et non plus. Lesquelx trespassés laissèrent six de leurs enffans vivans, c'est assavoir troix filz et troix filles. L'aisné des filz fu Johan, conte de Nevers, lequel fu duc de Bourgongne, conte de Flandres, d'Artoix et de Bourgongne, Palatin, seigneur de Salins et de Malines, deux foix per et doien des pers de France. Le second fu Anthoine, qui fu duc de Brabant et de Lembourc et seigneur d'Anvers. Et le tierch, fu Phelippe, auquel ses frères donnèrent les contés de Nevers et de Retheloix. Et les trois filles estoient mariées, l'une au duc d'Osteriche, et la seconde au conte de Savoie, et la tierche, au conte de Haynau. Et fu ledit duc Phelippe de Bourgongne menez et enterrez aux Chartroux emprès Digon, lesquelx Char

troux il avoit en son temps fondés ; et y fist faire une moult noble église et grande. Et la duchesse, s'espeuse, fu enterrée à SaintPierre de Lille, emprès le conte Loys, son père.

L'AN MIL IIII V.

Fu mis le siége devant le chastel de Merk emprès Calaix, par le conte de Saint-Pol. Et au moix de may fu ledit conte combatu des Engloix, et furent toutes ses gens pris et desconffis, et y fut la desconffiture moult grande des gens de Picardie. Mais ledit conte s'en fuy et saulva hors de la bataille, bien hastivement, et laissa ses gens prendre et tuer en icelle. Et y furent pluiseurs grans engiens perdus et menez en Engleterre.

En cel an, par le commandement et ordonnance du duc Loys d'Orléans fu secrètement menez hors de Paris Loys, ainsné filz du de France, lequel estoit duc de Guyenne et daulphin de Viennoix, et avoit espousée l'ainsnée fille du duc Johan de Bourgongne. Et estoient conduiseurs dudit duc de Guyenne, Loys, duc de Bavière, frère de la royne et oncle dudit enffant, et Édouart de Bar, marquis du Pont, filz au duc de Bar. Et estoit ledit enffant menez en ung chariot couvert, et ceulx qui le menoient tous en armez. Car il savoient le duc de Bourgongne estre sur les camps à grant puissance pour venir à Paris.

Quant le duc de Bourgongne sçeult celle emprise et ce département, il fu en moult grant doubtance. Car il savoit bien la mau, vaise volenté du duc d'Orléans, qui tousjours croissoit de mal en pis en toutes manières, tousjours tendant à la couronne de France. Il, meu de loiaulté et preudommie, chevaulça à force et course de chevaulx après ledit duc de Guyenne son beau-filz, et passa parmy Paris sans repaistre. Et se hasta tant de chevaulchier que il le ractaint ainchois que il venist à Meleun, où on le menoit pour celle nuit. Et pour ce que il estoit bien près de ladicte ville, ossy tost que il eubt ractaint le chariot ouquel il estoit, il meismes sacqua une espée et trencha les trais de ce chariot, et puis rebouta sadicte espée, et alla parler audit duc de Guyenne. Et après ce que il l'eubt salué, il lui demanda où on le menoit ; et il respondy que il ne savoit. Et lors lui demanda ledit duc de Bourgogne se il vol

loit point retourner à Paris, et il, lui respondy que ouil. Adonc fist le duc de Bourgogne remectre à point les trais dudit chariot, et fist retourner son beau-filz à Paris. Dont ceulx qui le conduisoient n'oserent faire samblant. Car le duc de Bourgogne estoit en armez aussi bien que ilz estoient, et si estoit le mieulx acompaignié, et tousjours luy venoient gens qui le sievoient de tire, dont sa force croissoit tousjours. Et par ainsi remena l'enffant à Paris. Dont tout le peuple fu moult joieulx, car il avoient grant paour et doubtance d'iceluy enfant.

De ce retour fu le duc d'Orléans moult dolant en son corage; et commencha la haynne moult grande entre luy et le duc de Bourgogne. Et firent assamblées de gens d'armes l'un contre l'autre. Ne oncques puis, quelque traictié qui s'en feist, bonne amour ne reigna entre eulx deux. Dont il vint depuis moult de maulx en France. Et commenchèrent lors à faire bandes l'un contre l'autre. Mais toutesfoix fu la paix faicte pour ceste foix, mais elle ne dura gaires.

L'AN MIL IIII VI.

Le XXVIe jour de juing fu le grand éclipse de soleil. Et en cel an alla le duc d'Orléans au pays de Guyenne pour faire guerre aux Engloix. Mais il s'en retourna sans rien faire.

En cel an meisme, fist le duc de Bourgogne une grande et noble aşsamblée de gens d'armes environ Saint-Omer, et fist carpenter grant foison d'engiens et habillemens de guerre pour asségier la ville de Calaix. Et furent tous ordonnez, et banyères desployez, pour aller mectre ledit siege. Et estoient les processions faictes par les bonnes villes de Piccardie et de Flandres. Mais par mandement très-espécial du roy de France il covint laissier ladicte emprise. Et fu commune renommée que le duc d'Orléans fu cause de ladicte deffence. Dont le duc de Bourgongne fu très-dolant; et recommença la guerre et la haynne plus grande que oncques mais. Et retourna ledit duc de Bourgogne à Paris, avoec luy ses deux frères, lesquelx y menoient très grand puissance de gens. Et y fu l'évesque de Liege, à belle compaignie, lequel évesque estoit frère au conte de Haynau et à la femme du duc de Bourgongne. Et furent ung jour en armez et en cottes

d'armes dedens la ville de Paris pour aller combattre ledit duc d'Orléans, qui estoit au Bois de Vissaine, et que on disoit venir à Paris. Mais par le moien du roy Loys et des ducqz de Berry et de Bourbon, la chose fut appaisié et ne partirent point de Paris. Dont le duc de Bourgongne fu moult dolant. Car il savoit certainement que ledit duc d'Orléans ne çachoit que à luy destruire et faire morir.

L'AN MIL IIII VII.

Le jour de Saint-Clément, XXIII jour de novembre, après soupper, fu le duc d'Orléans occis et tué par Rollet d'Octonville et ses complices en la ville de Paris, et fut laissiés tout mort enmy la rue par le commandement du duc de Bourgongne, lequel advoa depuis ledit Rollet et sesdis complices de tout le fait entièrement. Et fist depuis déclairer les causes pour quoy il l'avoit fait morir, en la présence de plusieurs princes et seigneurs de France. Et après la mort dudit duc d'Orléans, et l'enterrement d'icelui, qui fu en l'église des Célestins audit lieu de Paris, ledit de Bourgongne se party hastivement de Paris et s'en retourna en Flandres pour les périls eschiever, car les alliiez dudit duc d'Orléans estoient en grand nombre et en grande puissance audit lieu de Paris. Et fu icelui duc de Bourgongne à l'enterrement dudit duc d'Orléans et mena le deuil avec plusieurs autres princes de son sang. Dont plusieurs maintinrent que il fu mal conseillié

De celle mort fut le commun peuple moult joieulx, car ledit duc d'Orléans leur faisoit souffrir moult de maux par les grandes tailles et aides que il faisoit souvent ceuillir et mectre sus, el nom du Roy, et tout retournoit à son seul et singulier plaisir et pourfit. Et en faisoit forteresses et chasteaux, et en soustenoit houriers, couratiers et gens de meschante vie, comme dansseurs, flateurs et gens de nient. Et aussi en maintenoit ses grans estas et ses ribaudics. Car il n'estoit si grande que il ne volsist dechevoir, et en deshonnoura mainte. Dont ce fut pitez; desquelles je me passe legièrement.

En cel an, environ la Chandeiller, furent envoyez de par le roy de France et son Conseil, en la ville d'Amiens, le roi de Sézille, son cousin germain, et le duc de Berry, son oncle, pour parlementer au duc de Bourgongne, lequel, moult grandement acompai

gnié de chevaliers et escuiers, alla audit lieu d'Amiens à la journée sur ce assignée, et y trouva son oncle et son cousin dessus nommés, avoec lesquelx il tint conseil, et parlementa tant, que par iceulx fu conclud que à certain jour après ensievant, icelui duc de Bourgogne yroit à Paris pour faire propposer les causes et tout ce qui l'avoit meu pour quoy il avoit fait occire le duc d'Orléans, frère du roy de France, et son proppre cousin germain. Et après ceste conclusion par eulx prinse, s'en retournèrent les seigneurs dessus nommez à Paris, et le duc de Bourgongne en Artoix et en Flandres, où il fist son mandement moult grant pour avoir ses chevaliers et escuiers en grant puissance pour aller à Paris au mois de march ensievant.

Au mois de march, party le duc de Bourgongne de ses pais de Flandres et d'Artoix, et s'en alla à Paris noblement et grandement accompaignié. Et lui arrivé audit lieu, se loga en son hostel d'Artoix et ses gens tout entour de luy. Et fist barrer les rues d'entour son hostel affin qu'il ne fust souspris en sondit hostel. Et en l'hostel du roy de France à Saint-Pol, fist ledit de Bourgongne proposer par maistre Jehan Petit, docteur en théologie, la juste et bonne intencion qu'il avait eu à faire occire le duc d'Orléans. Et fu faicte ladicte proposicion en la présence du duc Loys de Guyenne, ainsné fils du Roy de France, du roy Loys de Sézille, du cardinal de Bar, fils au duc de Bar, des ducqs de Berry, de Bretaigne, de Bar et de Lorraine, et de pluiseurs autres princes, barons, prélats, clercs et docteurs de l'Université de Paris, et d'autres manières de gens de tous estats. Et dura celle proposicion bien quattre heures ou environ. Après laquelle proposicion s'en retourna le duc de Bourgogne en sesdis pais d'Artoix et de Flandres, esquelx il séjourna jusques après aoust, mais ainchois que il partesist dudit lieu de Paris, il eubt sa paix au Roy par lectres séellées de son grand seel. Desquelles la teneur s'ensieut.

Coppie des lectres du roy Charles de France sur le fait du pardon de la mort du duc d'Orléans.

Charles, par la grace de Dieu roy de France, à tous ceux qui ces lectres verront, salut. Comme après le cas advenu de la mort nostre très chier et très-amé frère le duc d'Orléans, que Dieu absoille, nostre très chier et très amé cousin le duc de Bourgogne,

« AnteriorContinuar »