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phin, avec grand partie des seigneurs et des capitaines; et y eut une moult grand escarmuche, à laquelle furent prins deux des archiers du connestable de France et ung archier du conte de Saint-Pol. Et de là s'en alèrent logier en une [ville] nommée Courtie sur Saine, et lendemain retournèrent à Mante. Et le Roy s'en ala de Poissy à Conflans, à tout une partie de ses gens. Et ledit connestable, le conte de Saint-Pol, et pluiseurs aultres, alèrent passer à Saint-Clau1 et de là à Paris, où ilz furent deux jours. Et puis retournèrent, toutes gens de guerre, en l'Isle de France, où leur furent délivrées villes pour eulx logier, chascun selonc son estat. Et depuis le Roy, à tout les seigneurs qui estoient entour lui, alèrent à Saint-Denis en France, où ilz furent jusques à la mi-aoust. Et de là retourna le Roy encore à Conflans, où il fist faire un pont pour passer en ung isle sur la rivière de Saine. Avec ce, fist faire ung aultre pont pour passer la dessusdicte rivière tout oultre. Au bout duquel il fist faire ung bolevert et grans fossés entour, dedens lequel se logèrent grand nombre de gens de guerre.

Durant lequel temps, Thalebot vint pillier la ville et l'abéye de Poissy' et les biens des dames, et puis s'en retourna à Mante. Et brief ensievant fut la ville de Pontoise ravitaillié pour la quatriesme fois, et y demourèrent les gens du duc d'Yorch ou lieu de ceulx qui y estoient de par ledit Thalebot. Dont le Roy fut moult troublé, véant qu'il estoit petit apparant que son entreprinse venist à bonne fin. En conclusion il se pensa en luy meisme, que se il se départoit de là sans

1. Saint-Cloud.

2. L'abbaye de Maubuisson.

avoir l'obéyssance d'ycelle ville de Pontoise qui tant lui avoit cousté et devant laquelle il avoit jà esté si longue espace de temps, ce luy seroit ung très grand déboutement et deshonneur de s'en partir sans le subjuguier, et crieroit le peuple contre luy et ses gouverneurs, et par espécial les Parisiens, qui tant y avoient mis du leur. Et avec ce, estoit du tout adverti comment les princes de son royaume et meysmement de son sang, n'estoient point bien contens de son gouvernement, et luy avoit esté dit qu'ilz se debvoient assambler ensamble, et que ce n'estoit point pour son bien. Et par ainsy n'estoit point de merveille se il avoit bien à penser; nientmains il se disposa et conclut avec les plus féables de son conseil, de retourner et logier audit lieu de Maubuisson, et de pourseyvir sadicte entreprinse. Et y revint, au bout de douze jours après ce qu'il en estoit parti. Si fist relogier ses gens en pluiseurs lieux, ainsy comme ilz estoient par avant son partement.

Et ung aultre jour, se leva une moult grande escarmuche au costé d'entre Maubuisson et ladicte ville, à laquelle fut mort Glaude de Hangest, seigneur d'Arzillières, du trait d'un canon. Et d'aultre part, durant le temps dessusdit, furent faites pluiseurs chevaulchiés et escarmuches entre les François et les Anglois. Lesquelles racompter chascune à par ly, seroient longues et anuiables. Dont à l'une fut blécié Charles d'Anjou d'une flesche. Et au regard des grosses besongnes et rencontres, s'en firent peu qui facent à escripre. En après, le conte de Saint-Pol, qui avoit ses gens, lesquelx estoient moult travilliés et avoient despendu largement du leur et moult désiroient de re

tourner en leur pays, qui le prioient qu'il les volsist remener, prinst congié au Roy et à monseigneur le Daulphin. Et s'en retourna devers son pays. Lesquelz luy donnèrent de biaus dons, en le remerciant des bons services qu'il leur avoit fais. Si se parti de là et puis amena ses gens pour passer la rivière d'Oise au pont Sainte-Maxence. A l'entrée duquel pont le capitaine d'ycelui yssi hors pour parler au conte de SaintPol. Si s'esmeurent entre eulx parolles rigoreuses, et tant que ycelui conte de Saint-Pol cuida faire prendre ledit capitaine. Mais il saillist vistement dedens son fort, et incontinent fist tirer de canons et d'arbalestres sur ledit conte de Saint-Pol et sur ses gens. Desquelx cops de canon fu tué le cheval messire Ferri de Mailly, et ung aultre homme d'armes eut le bras rompu. Pour lequel débat, ledit conte et ses gens se retrayrent arière de là, et s'en alèrent passer à Compiengne, et de là se tira, ledit conte, en son pays. Et ceulx dudit pont alèrent après aulcuns de ses gens qui estoient passés et aloient vers Mondidier. Si les batirent et destroussèrent.

Et en ces meismes jours, se parti pareillement le conte de Vaudémont, à tout ses gens, et aussy firent aultres grans seigneurs, et laissèrent le Roy en l'estat que vous avés oy. Dont il n'estoit gaires joyeux, quel samblant qu'il moustrast. Mais il ne le povoit adonc avoir aultre, et lui convenoit actendre toutes les aventures qu'il plaisoit à Dieu luy envoyer. Si faisoit de jour en jour très diligamment continuer de faire getter et traire ses gros engiens contre les tours et murailles de la ville', et avec ce contre l'église de Nostre Dame

1. De Pontoise.

estant au dehors d'ycelle ville. Laquelle les Anglois tenoient et avoient tenu tous jours, passé long temps. Lesquels murs de ladicte église furent moult démolis et abatus. Et tant, que le seizième jour de septembre ensievant, le Roy eut conseil de faire assallir ycelle église; et fut par ung samedi. Si fut assés tost prinse d'assault, et ceulx de dedens mors et prins. Laquelle église estoit moult haulte et assés près de ladicte ville, par quoy on povoit de là veoir grand partie du gouvernement desdiz Anglois, et avec ce les en povoient moult travillier de petis canons et culevrines et aussy d'arbalestres et aultres habillemens de guerre. Par le moyen de laquelle prinse de ladicte église, fut de rechief conclud que le mardi ensievant on liverroit pluiseurs assaulz à ycelle ville, pour veoir et assayer se on les pourroit conquerre. Et comme il avoit esté conclud, fut fait. Car le mardi dessusdit, le Roy et tous les aultres seigneurs et capitaines firent armer et habillier leurs gens et les exhortèrent moult doulcement, chascun endroit soy, de bien faire la besongne et de combatre hardiement. Et fut ordonné que l'assault du Roy se feroit devers la tour du Frice, qui estoit fort batue et adommagié; le Daulphin, messire Charles d'Angou, et aultres assauldroient devers Nostre-Dame, le mareschal de Lohiac et pluiseurs aultres assauldroient au port, vers Maubuisson, et les aultres, par batiaulx, yroient assaillir par la rivière. Lesquels assaulz furent encommenciés, moult durs, aspres et cruelx, et dura bien par l'espace de deux heures. Et pour vray, se les Anglois assailloient de grand courage et voulenté, pareillement les François dessusdiz les assailloient très vaillamment. Et ne sam

bloit que, grand partie en y avoit, euyssent aulcunement doubte de la mort.

Durant lequel assault, y eut ung moult vaillant homme et très hardi, qui point n'estoit de grand lignié, sinon de courage, et estoit de l'assault du Roy, lequel assailloit devers la tour de Friches dessusnommée, ycelui se y porta si puissamment, que jà fust-il que les Anglois feyssent grand résistence, il monta tout amont par grand force et par grand proesce, par les pierres et rompures que les canons avoient faites, et commença à getter viguereusement desdictes pierres sur lesdiz Anglois qui la deffendoient, par quoy il convint qu'ils se trayssent arrière de leurs deffences. Et adonc les aultres François de plus en plus se boutèrent avant et entrèrent tous ens, criant à haulte voix, Saint Denis! Ville gaignié! Si se trouvèrent tantost dedens en très grand nombre, qui très vaillamment envayrent les deffendans. Lesquelx se commencèrent à trouver souspris et à tourner le dos et fuir pour eulx retraire par les églises et aultres fors lieux. Toutefois y eut tantost et tout prestement plus de cinq cens anglois mis à l'espée, et le sourplus furent prisonniers, qui pouvoient estre seloncq juste extimacion, le nombre de quatre cens ou environ. Et entre les aultres, de ceulz qui y furent mors, le fut ung chevalier anglois nommé messire Nicolle Bourdet. Et si fut prins le capitaine de ladicte ville. Et de la partie du Roy y furent mors, tant à assaillir la ville et au prendre, comme ceulz qui moururent après par bléceures et navrures, quarante ou environ. Si furent aussy fais pluiseurs nouveaulx chevaliers, entre lesquels le furent Jehan et Robinet d'Estouteville, frères, Renauld de Longueval,

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