Imágenes de página
PDF
ePub

contre eulx. Mais le Roy n'eut point conseil de ce faire, ains luy fut dit et remoustré comme aultre fois par ceulx de son grand conseil, qu'il seroit mal consillié de adventurer sa personne et toute son armée contre gens de si petit estat au regard de luy. Disant oultre, que aultres fois luy avoit trop chier [cousté] en aulcunes batailles qui avoient esté faites contre eulx par ses gens durant son règne, et que mieulx valoit de leur laissier faire leur envaye pour ceste fois, et garder les passages de ladicte rivière, car bonnement ne pourroient lesdiz Anglois faire long séjour à si grant gent, pour ce qu'ilz n'avoient vivres, si non à grand dangier. Si fut ceste conclusion tenue. Si furent pluiseurs capitaines envoyés par ordonnance avec leurs gens au bout de la rivière d'Oise, depuis Pontoise jusques à Biaumont, et encore oultre. Et le Roy et ceulx des bastilles demourèrent en leurs logis. Et adonc, les Anglois, véant que point ne seroient combatus, prinrent conseil et conclurent l'un avec l'autre de passer la rivière d'Oise se ilz povoient, pour aler en l'Isle de France, et meismement au logis du Roy. Si se deslogièrent dont ilz estoient logiés, au quatriesme jour, et tous ensam– ble s'en alèrent logier à Chanville Hault-Vergier1. Et pour ce qu'ilz estoient assés advertis qu'on gardoit les passaiges contre eulx, veyrent bien qu'ils ne povoient mieulx faire, ne achever leur entreprinse, que par nuit. Et avoient petit bateaulx de cuir et de bois, cordes et aultres habillement, tous propices à faire pons, qu'ils

1. Il faut lire Chambly le Haubergier. C'est Chambly, à une demi lieue de Beaumont-sur-Oise. On l'a appelé le Haubergier parce qu'on y fabriquait des hauberts.

avoient chargiés sur leurs charios. Si ordonnèrent que la grigneur partie de leurs gens feroient samblant de vouloir passer par force d'assault au port de Beaumont, en y faisant ung très grand cri et haulte noise, adfin que toutes gens de leur adverse partie laissassent leurs gardes pour y venir, et les aultres, à tout leurs habillemens, yroient tout quoyement espyer sur la rivière quand ils verroient qu'il seroit heure de besongnier. Laquelle chose ils trouvèrent selonc leur intencion. C'est assavoir, adrecèrent contre l'abéye de Royaumont, où lors n'y avoit point de guet. Car desjà toutes gens de guerre estoient alés devers ledit lieu de Beaumont, où le dessusdit cry et le bruit estoit encommencié, si comme entre eulx Anglois avoient proposé et devisé. Et faisoient grand semblant de vouloir yluecq passer la rivière; ce qui estoit mal possible, pour tant qu'on leur volsist deffendre. Et adonc, les dessusdiz Anglois boutèrent ung batelet en l'eaue, et passèrent bien doubtablement oultre, trois ou quatre, pour la première fois. Lesquelz atachèrent une forte corde d'un bort à l'autre, à tout petis penchons qu'ilz avoient loyé par le milieu, par le moyen de laquelle ilz passèrent tantost, de quarante à cinquante. Lesquelx se fortifièrent de penchons aguisiés à deux boutz, ainsy qu'ilz ont accoustumé de faire. Or considérés le péril où les premiers passans se mettoient. Car pour vray, s'il y eust eu seulement dix combatans de la partie des François, ils eussent bien gardé ledit passage contre ledit duc d'Yorch. Si est moult bel exemple pour ceulx qui ont telle besongne à conduire de y commettre gens qui soient seurs et doubtent à perdre leur honneur, pour ce que par malvaise diligence adviennent souvent

de grandes mésaventures. Et tost après, aulcuns des gens Floquet, qui avoient la charge de cest costé, en retournant de envers Beaumont où ilz estoient alés au cry dessusdit, apperceurent lesdiz Anglois qui passoient. Si y alèrent tantost et cryèrent à l'arme tout au long de ladicte rivière jusques audit lieu de Beaumont, où estoient grand partie des capitaines, qui montèrent tantost à cheval. Et alèrent les aulcuns audit passage sur intencion de les rebouter. Mais ce fut peine perdue. Car ilz estoient jà en trop grand nombre pour y résister, jà soit qu'il y eut escarmuche entre ycelles deux parties. A laquelle escarmuche fut mort ung très vaillant homme nommé Guillaume du Chastel, nepveu de messire Tanegui. Et avec luy furent mors deux ou trois aultres. Et avoient fait lesdiz Anglois ung pont de cordes, par lequel ilz passèrent tout leur charroy et aultres baghes et aultres habillemens de guerre. Et lors les François, véant qu'ilz n'y povoient mettre remède, se tirèrent grand partie hastivement vers Pontoise, et noncèrent au roy de France ces nouvelles. Lequel en fut moult fort desplaisant, et perçut bien aulcunement qu'il estoit en grand péril de recepvoir grand honte, dommage et destourbier. Si fist sans délay porter grand partie de son artillerie devers la grande bastille de Saint-Martin, et se prépara diligamment de deslogier de là et toute son armée, se besoing luy en eust esté. Et lors yceulx Anglois, quand ils furent passés tout à leur aise, couchèrent la première nuit au pont dudit passage. Et firent ce jour aulcuns nouveaulx chevaliers. Entre lesquelz le furent fais les filz du conte d'Ormont, d'Irlande, et les deux frères du conte de Staffort, dont l'un se disoit conte d'Eu. Et lendemain

se deslogèrent assés matin, et chevaulchèrent en moult belle ordonnance en tirant vers Pontoise. Et adonc eut le Roy conseil de laissier son logis de Maubuisson, et s'en ala à Poissy, et avec luy tous ceulx de son ost, réservé ceulx de la bastille Saint-Martin, desquelz estoit souverain capitaine le seigneur de Coctigny, admiral de France, et avec lui, Lahire, Joachin Rohault, Jehan d'Estouteville et Robinet son frère, messire Robert de Béthune, seigneur de Moreul en Brie, le seigneur de Chastillon, le seigneur de Mayoncourt, Renauld de Longueval, le seigneur de La Roche Guion, seigneur de Moy en Beauvoisis, et moult d'autres nobles et grans seigneurs et vaillans hommes d'armes. Et aussi y demourèrent ceulx de la cité de Tournay dont dessus est faite mencion. Et y avoit en retrait des vivres de l'ost en très grand habondance. Et au partement d'ycelui Roy, leur fu promis de les souscourir en tout ce qu'il leur seroit possible. Et quand au bolevert du bout du pont que tenoient lesdiz François, ils le délaissèrent et habandonnèrent. Et en après, le dessusdit duc d'Yorch se tira vers Maubuisson, dont le roy de France s'estoit parti, et y trouva encore des vivres et autres biens que les marcheans n'avoient peut enlever, et là se loga. Et Thalebot s'en ala logier une lieu plus avant en une ville sur la rivière entre Pontoise et Conflans. Lequel logis ils tinrent trois jours. Et aloient en la ville par leur pont, que ceulx de dedens avoient réédifiée avec leur bolevert, tout à leur plaisir. Et pareillement ceulx de dedens yssoient quand bon leur sambloit, sans avoir empeschement ou destourbier de leurs dictz adversaires. Si espéroient ceulx de ladicte bastille estre assaillis chascun jour, et estoient en vou

lente de eulx très bien deffendre. De laquelle chose, au regard d'assault ilz n'avoient garde, car yceulx Anglois n'eussent jamais bouté leurs gens en ce dangier, actendu les affaires qui leur sourvenoient, dont ilz ne povoient encore veoir la fin. Mais non obstant ce, leur disoient qu'ilz les assauldroient et qu'ilz se départissent à tout une partie de leurs baghes, et qu'ilz feroient grand sens, actendu et veu que le Roy les avoit habandonnés et laissiés en ce dangier. Mais ilz n'en avoient nulle volenté de ce faire, ains respondirent qu'ilz n'en feroient riens, et que point ne les doubtoient. Entre lesquelles parolles furent faites aulcunes escarmuches entre eulx, et plus de trait que par aultre manière. Et au quatriesme jour, ledit duc d'Yorch se desloga dudit lieu de Maubuisson et ala au logis de Thalebot, qui avoit fait faire ung bolevert de cordes, cloyes et aultres besongnes, par lequel ilz repassèrent l'eaue d'Oize. Et povoient bien avoir quarante chars, que charettes. Et ce propre jour, Pothon de Saincte-Treille s'estoit parti de Poissy, à tout grand quantité de gens de guerre, pour mener vivres à la devant dicte bastille. Et alèrent après luy le connestable de France, le conte de SaintPol, et aulcuns aultres capitaines, pour le souscourir, se il en euyst besoing. Mais ilz furent advertis du rapassage desdictz Anglois. Pour quoy ilz envoyèrent devers ledict Pothon, dire qu'il se hatast de retourner. Et il leur remanda qu'ilz s'en alassent passer par Meulen, par où ilz s'en retourneroient audit lieu de Poissi par l'autre costé de la rivière. Laquelle chose ilz firent. Et après que le duc de Yorch et ses Anglois furent repassés comme dict est, s'en alèrent mectre en bataille devant Poissy, où estoient le Roy et le Daul

« AnteriorContinuar »