Imágenes de página
PDF
ePub
[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][graphic][subsumed][merged small][merged small][merged small][merged small]
[merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][graphic][merged small]

N

Strasbourg, le 21 juillet 1745. ous vous enverrons une relation de notre voyage. En attendant je vous dirai que je crois rêver depuis quinze jours. La vallée de Tempé étoit la vallée Taillaud auprès de celle d'Illkirk. Le préteur (Klinglin) n'y va pas de main morte; il nous a accablés de fêtes. C'est un homme qui voit et qui fait tout en grand, d'après la règle : De minimis non curat pretor. C'est aussi pourquoi la fourmi n'est pas préteuse, à cause de sa taille.

Pour M. le cardinal de Rohan', on ne sauroit rien ajouter à sa magnificence, ni à sa galanterie. Nous avons eu ici deux duchesses, mais surtout une comtesse d'Harcourt, plus aigre que citron, qui a vu avec surprise toutes les préférences journalières et répétées que nous avons eues. C'étoit notre heure qui régloit tout. Le cardinal a toujours soupé, contre son usage, et toujours à côté de madame d'Argenson; il n'a vu qu'elle, il n'a parlé qu'à elle, ne s'est occupé que d'elle, au point de rendre le préteur jaloux qu'un autre fit aussi bien que lui. Madame de Tillières, qui étoit des nôtres, se croit en vacance ou en vendange; elle se divertit comme une reine. Je ne vous parle pas du militaire, c'est étonnant tout ce qu'ils font. M. de Balincourt est l'écuyer de madame d'Argenson. Enfin, si nous voulions, nous ferions couper des têtes, tant nous sommes puissans; tout nous seroit permis. Mais notre empire est doux, et au moyen que l'on dîne à l'heure que nous voulons, que l'on nous donne les comédies qui nous plaisent, que l'on joue au concert les opéras que nous aimons, que l'on netirele canon que lorsque nous avons passé les ponts, nous ne voulons d'ailleurs que les cœurs. Il est impossible de mieux faire. Pour moi, je suis toujours enrhumé. Cela n'empêche pas de me trouver un homme charmant, au point que dernièrement à souper, dans la chaleur de la débauche, il y en avoit une qui me dit qu'elle savoit que j'écrivois comme madame Dunoyer. Voyez un peu quelle exagération! Pendant ce temps-là vous faites la conquête de toute la Flandre. Je voudrois bien que l'on comparât sans prévention la campagne de 72 à celle-ci. Nous avons affaire à des généraux habiles, à des soldats courageux. Ils sont quatre contre un, et malgré cela ils n'osent pas nous attendre. Adieu, je vous donne le bonjour. Nous partons pour Saverne après demain; c'est dire que nous sortons d'un abîme de délices pour entrer dans un autre. En voilà cependant bientôt assez; cela ressembleroit à l'école des amans.

1. Évêque de Strasbourg.

XXXII. Le président Hénault au comte d'Argenson, ministre et secrétaire d'État, à l'armée du roi.

Plombières, le 8 août 1745.

voilà hors de la captivité de Ba

Ebylone, car les honneurs enchainent comme

autre chose. Madame d'Argenson commençoit à en être lasse comme moi; et pour se délivrer de la garde prétorienne, elle m'a chargé de dire au préteur et d'avertir M. de Balincourt qu'elle ne s'arrêteroit plus à Strasbourg.

J'ai trouvé ici ma chère comtesse d'Harcourt, qui a essayé de verser le fiel dont elle s'étoit munie depuis quinze jours; mais elle n'a pas trouvé de débouché, et surtout les Rouil... l'ont repoussée à force de plaisanteries.

Je suis arrivé ici avec trente placets ou mémoires pour vous, que mon grand crédit m'avoit attirés. Je vous en ai fait le sacrifice en arrivant, et je les ai brûlés. J'espère que ce sera une tontine qui accroîtra à ceux que j'ai conservés.

« AnteriorContinuar »