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par rapport à leur constitution, à leur commerce et à leurs colonies, enfin le Système des États européens et de leurs colonies 1.

L'Histoire de la guerre de Sept Ans d'Archenholz (1788) n'a guère, aux yeux de l'historien, plus de valeur que n'en ont gardé les écrits de Heeren; mais elle est restée un livre populaire en Allemagne, grâce au sujet, grâce aussi à un style simple et vif, à l'art de grouper les faits et d'écarter du récit ce qui n'est pas d'un intérêt général. Né en 1741, dans un faubourg de Dantzig, Archenholz entra, en 1760, dans l'armée de Frédéric II; il prit son congé, à la fin de la guerre, avec le grade de capitaine, voyagea longtemps, surtout en Angleterre et en Italie, et se retira ensuite dans son domaine d'Oyendorf, près de Hambourg, où il mourut en 1812. Son Histoire de la reine Élisabeth (1798) et son Gustave Wasa (1801) sont oubliés. Même l'Histoire de la guerre de Sept Ans n'a d'original que certains détails qui sont d'un témoin oculaire; le fond est emprunté à l'ouvrage du général anglais Henry Lloyd, traduit en allemand et continué par Tempelhoff 2.

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Cette littérature historique, si on la considère dans son ensemble, répond bien à la situation politique de ce qu'on appelait encore le Saint-Empire romain. Les histoires de l'Allemagne sont rares, parce qu'elles ne rentraient alors dans aucun cadre précis; plus fréquentes sont les histoires des différents États allemands; plus fréquentes encore les histoires universelles. Le regard de l'historien se renferme entre les limites d'un territoire inféodé

1. Ideen über Politik, den Verkehr und den Handel der vornehmsten Volker der Alten Welt, 2 vol., Gættingue, 1793-1796; 4o ód., 5 vol., 1824-1826. Handbuch der Geschichte der Staaten des Alterthums mit besonderer Rücksicht auf ihre Verfassungen, ihren Handel und ihre Kolonien, Gættingue, 1799; 5o éd., 1826. Handbuch des europäischen Staatensystems und seiner Kolonien, Gættingue, 1809; 4o éd., 1822. Heeren, né à Arbergen, près de Brême, en 1760, mourut à Goettingue en 1842. 2. Adelung. En parlant des historiens, il faut donner au moins une mention au grammairien et lexicographe Adelung, pour son Versuch einer Geschichte der Cultur des menschlichen Geschlechts (1782). Adelung a contribué, par ce livre, à faire entrer dans l'usage courant le mot Culturgeschichte, qui désigne une variété de la science historique, intermédiaire entre la philosophie et l'histoire. Avec son Versuch eines vollständigen grammatisch-kritischen Wörterbuchs der hochdeutschen Mundart (5 vol., Leipzig, 1774-1786: 2o éd., 1793-1801) et avec ses grammaires, il a longtemps régné dans les écoles. C'était un travailleur méthodique et diligent, plutôt qu'un esprit scientifique. Le haut-allemand, pour lui, c'était le saxon.

à une famille souveraine, ou il s'étend, par-dessus les régions de langue allemande, sur l'Orient et l'Occident, sur l'Europe ancienne et moderne. La patrie, à vrai dire, n'existe pas; elle est étouffée par deux choses, l'une en deçà, l'autre au delà de l'horizon qu'elle devrait embrasser en deçà, il y a la cité ou la principauté; au delà, il y a l'humanité.

Les récits de voyage contribuaient à agrandir cet horizon. Deux écrivains surtout, George Forster et Seume, devinrent classiques en ce genre, et ils méritent d'autant plus d'être cités à la suite des historiens, que leur propre destinée est une page caractéristique de l'histoire de leur temps.

Jean-George-Adam Forster passa à peine onze années de sa vie en Allemagne; sa famille était d'origine anglaise; et ces détails sont à noter pour ce qu'on a appelé son manque de patrictisme. Il était né aux environs de Dantzig, en 1754, l'aîné de sept enfants. Jean-Reinhold Forster, le père de George, était entré malgré lui dans la carrière ecclésiastique; sa nature inquiète et passionnée la lui rendit bientôt insupportable, et il accepta la mission qui lui fut offerte, en 1765, au nom de la tzarine Catherine II, d'inspecter les colonies allemandes nouvellement fondées sur le Volga. Au retour, il ne put s'entendre avec le gouvernement russe sur l'indemnité qui lui était due, et, comme il avait été remplacé dans sa cure, il se rendit en Angleterre et fut quelque temps professeur au collège de Warrington. Il était sur le point de devenir la proie de ses créanciers, lorsqu'il fut adjoint, en 1772, comme naturaliste, à l'expédition du capitaine Cook dans les mers du Sud pour la découverte du continent austral. George accompagna son père dans ce voyage. Il y acquit une maturité précoce. Il apprit que l'indépendance est le prix de l'effort, et il eut désormais pour devise: « Être libre, c'est être homme. » A seize ans, à Londres, il avait fait des traductions pour payer les dettes de son père. Au retour de l'expédition de Cook, il publia le Voyage de Jean-Reinhold Forster autour du monde dans les années 1772-1775, d'abord en anglais (1777), puis en allemand (17781780). Pour l'impression de l'édition allemande, et aussi dans l'espoir de tirer sa famille d'une situation précaire, il regagna le continent. Il passa par Paris, où il connut Buffon et Franklin, et s'arrêta à Cassel, où il se lia avec Jean de Müller. Il réussit à faire nommer son père professeur d'histoire naturelle à Halle. Luimême enseigna successivement au Carolinum de Cassel et à l'uni

versité polonaise de Vilna; enfin il fut appelé comme bibliothécaire à Mayence, où Jean de Müller l'avait précédé. En 1790, il fit, en compagnie du jeune Alexandre de Humboldt, ce voyage le long du Rhin et en Angleterre, dont la relation, peu remarquée des contemporains, lui est comptée aujourd'hui comme un titre littéraire1. Il s'y montre tour à tour naturaliste, amateur d'art, historien, toujours écrivain solide et penseur original. Il est parfois paradoxal ou systématique, jamais banal ni superficiel, et ses jugements les plus contestables ne sont pas les moins intéressants. C'est ainsi qu'il condamne la peinture flamande au nom d'un idéalisme préconçu 2; mais il analyse finement les tableaux qui lui passent devant les yeux. Il a des procédés dogmatiques; il observe beaucoup, mais il raisonne encore plus. Lorsqu'il veut traiter un sujet à fond, il commence par poser un principe, auquel il subordonne les faits, à mesure qu'ils se présentent. C'est la même logique droite, ferme, volontaire, qui lui traça sa ligne de conduite, quand la Révolution, dont il suivait les progrès avec une vive curiosité, s'approcha du Rhin. Mayence ouvrit ses portes aux Français. Jean de Müller, qui était en mission à Vienne, revint promptement pour mettre en sûreté ses volumineux extraits, mais il resta neutre. Forster devint, au contraire, le chef le plus influent des patriotes. Les deux hommes se séparèrent, et ils n'étaient pas faits pour s'entendre: l'un frôlait tous les partis, sans s'engager avec aucun; l'autre était toujours tout entier à la cause qu'il épousait. Forster fut un des trois députés chargés de porter à Paris l'adresse de la Convention rhénane, demandant que le territoire compris entre Landau et Bingen fùt réuni à la France. A Paris, il s'indigna d'abord de voir le pouvoir tombé aux mains de « diables sans cœur»; mais il ne perdit pas sa foi. Il était persuadé que la Révolution, malgré les excès qui la faisaient dévier, reprendrait sa marche logique et providentielle, et qu'elle réparerait elle-même les ruines qu'elle semait sur sa route. Il

1. Ansichten vom Niederrhein, von Brabant, Flandern, Holland, England und Frankreich, im April, Mai, Juni 1790; 3 vol., Berlin, 1791-1794. Le dernier volume, publié après la mort de Forster, n'est formé que de notes, qui sont encore intéressantes, parce qu'elles traduisent dans toute leur vivacité les impressions du voyageur. A comparer A. Leitzmann, Briefe und Tagebücher G. Forsters von seiner Reise am Niederrhein, etc., Halle, 1893.

2. « In dem vortrefflichen Handarbeiter vermisse ich den Dichter, in dem Bildner dos Körperlichen den Seelenschöpfer.

mourut à Paris, le 12 janvier 1794. Après avoir servi, dans sa jeunesse, la Russie et l'Angleterre, après avoir enseigné tour à tour dans une école allemande et dans une université polonaise, il avait fini par se jeter dans les bras de la Convention nationale, et ceux qui l'ont jugé le plus sévèrement n'ont jamais douté de la sincérité de ses sentiments et de la noblesse de ses intentions 1. ·

Seume a moins de talent, moins de culture que Forster, mais il lui ressemble par les agitations et les contradictions de sa vie. Fils d'un pauvre paysan de la Saxe, après avoir fait ses études de théologie à Leipzig, il se met en route pour Paris, avec neuf thalers dans sa poche. Le troisième jour, il est ramassé par les sergents recruteurs du landgrave de Hesse, et vendu aux Anglais pour servir dans la guerre contre les colonies américaines. Il revient comme sous-officier; mais, à peine débarqué à Brême, it se voit enrôlé de force, comme simple soldat, dans un régiment prussien. Il obtient sa liberté, moyennant caution, reprend ses études à Leipzig, et se crée quelques ressources par sa connaissance des langues modernes. Sur la recommandation de Félix Weisse, il devient précepteur d'un jeune russe, ensuite secrétaire du plénipotentiaire russe à Varsovie et lieutenant de grenadiers. Il croit avoir trouvé un asile, lorsqu'au printemps de 1794 éclate la révolution de Pologne. Tandis que les troupes russes se retirent, il reste prisonnier entre les mains des Polonais, et, six mois après, il assiste au sac de Varsovie. Ayant pris son congé, il entre, comme correcteur, dans la librairie Goschen, et publie un recueil de ses poésies; puis, pour refaire sa santé, il entreprend ce voyage en Italie qu'il a raconté dans le meilleur de ses ouvrages, dans sa Promenade à Syracuse 2. Il revient par Paris, assiste à une revue du consul Bonaparte, et n'a pas de peine à deviner en lui le prochain empereur. Ce qu'il y a d'étrange dans la destinée de cet homme, c'est qu'il fut obligé deux fois de porter les armes contre la liberté, lui qui ne rêvait que vertu républicaine. Il regrette, dans sa visite au Capitole, de n'y pas trouver « la belle tête de Brutus ». « On m'a dit, »> ajoute-t-il, « qu'elle avait été transportée à Paris. Brutus à Paris,

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1. Éditions. Les œuvres complètes de Forster, avec sa correspondance, et avec une introduction de Gervinus, ont paru en 9 vol.; Leipzig, 1813. Leitzmann a donné un choix de ses Kleine Schriften; Stuttgart, 1891.

2. Spaziergang nach Syrakus im Jahre 1802, 3 vol., Leipzig, 1803; nouvelle édition, par Esterley, Leipzig, 1868.

« à quoi bon? Il y a cinquante ans, c'eût été une plaisanterie : <«< maintenant, c'est un blasphème, maintenant que les Césars y <«< pullulent comme des essaims de mouches. » Au reste, les œuvres d'art l'intéressent peu par elles-mêmes; tout au plus un Apollon du Belvédère ou une Hébé de Canova lui arrachent-ils un cri d'admiration, sans qu'il cherche à se rendre compte du sentiment qu'il éprouve. Toute son attention est à la vie présente, aux mœurs, aux institutions, au gouvernement. Seume fit encore un voyage en Russie, en Finlande et en Suède, dont le résultat fut son livre intitulé Mon été de 18051. Ses dernières poésies sont l'expression sincère, un peu déclamatoire, de ses douleurs patriotiques. Son Miltiade (1808) est un appel aux armes contre le nouveau Darius, mais c'est une bien faible tragédie. En général, ses vers n'ont pas la même valeur que sa prose. Il accumule sans choix les images, et il n'a pas le sentiment de l'harmonie. Ses récits de voyage, son vrai genre, montrent ce qu'il y a de meilleur en lui, c'est-à-dire sa personne même 2.

1. Mein Sommer 1805, Leipzig, 1806; nouv. éd., 1851.

2. Jean-Gottfried Seume, mort aux eaux de Tepliz en 1810, était né en 1763, à Poserna, près de Weissenfels. - Œuvres complètes, 8 vol., Leipzig, 1863; 10 vol. Berlin (Hempel). A consulter Planer und Reissmann, Seume, Geschichte seines Lebens und seiner Schriften, Leipzig, 1898.

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