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1. LA JEUNESSE.

<<<WERTHER ».

<<< GOETZ DE BERLICHINGEN ».
LE PREMIER « FAUST ».

Jean-Wolfgang Goethe naquit à Francfort-sur-le-Mein, le 28 août 1749. Il appartenait à une famille d'aristocratie bourgeoise. Son père, jurisconsulte distingué et conseiller impérial, était un

édition complète des œuvres de Goethe, qui se publie sous les auspices de la grande-duchesse Sophie de Saxe-Weimar, aura quatre séries: 1, Werke (50 vol.); II, Naturwissenschaftliche Schriften (12 vol.); III, Tagebücher; IV, Briefe. Le nombre de volumes des deux dernières séries n'est pas encore déterminé.

Correspondance. — Recueil général, mais très incomplet: Gathes Briefe, worunter viele bisher ungedruckte, mit geschichtlichen Einleitungen und Erläuterungen, 4 vol., Berlin, sans date (1856-1865). Fr. Strehlke, Gathes Briefe, Verzeichniss unter Angabe von Quelle, Ort, Datum und Anfangsworten, 3 vol., Berlin, 1882-1884. - Pour les différentes périodes, on consultera surtout: Otto Jahn, Goethe's Briefe an Leipziger Freunde (2e éd., Leipzig, 1867); la Correspondance de Merck, déjà citée; les Correspondances de Goethe avec Fréd.-Henri Jacobi (publiée par Max Jacobi, Leipzig, 1846), avec Lavater (par Hirzel, Leipzig, 1833), avec Augusta de Stolberg (par Arndt, 2o éd., Leipzig, 1881), avec le duc Charles-Auguste (2 vol., Weimar, 1863), avec Mme de Stein (par Scholl, 3 vol., Weimar, 1848-1851; 2e éd., par Fielitz, 2 vol., Francfort, 1883-1885; 3° éd., par Wahle, ler vol., Francfort, 1899), avec Schiller (4° éd., 2 vol., Stuttgart, 1881; nouv. éd. [Weltlitteratur de Cotta, 4 vol., Stuttgart; traduction française de Mme de Carlowitz, revue par Saint-René Taillandier, 2 vol., Paris, 1863), avec Meyer (Leipzig, 1856; publication incomplète), avec Knebel (par Guhrauer, 2 vol., Leipzig, 1851), avec Zelter (par Riemer, 6 vol., Berlin, 1833-1834), avec Reinhard (Stuttgart, 1850), avec les frères Humboldt (par Bratanek, Leipzig, 1876; complétée dans le Goethe-Jahrbuch, IV, V). La Correspondance de Goethe avec une enfant de Bettina Brentano est puisée en grande partie dans l'imagination de l'auteur (3o éd., avec une notice de Herman Grimm. Berlin, 1881; traduction française de Séb. Albin [Mme Séb. Cornuc], 2 vol., Paris, 1843). Conversations.

-

Biedermann, Gothes Gespräche, 10 vol., Berlin, 1889-1896. Eckermann, Gespräche mit Gothe, 3 vol., Leipzig, 1836-18-18; 6o éd., par Düntzer, 1885; traduction française de Délerot, 2 vol., Paris, 1863. Burkhardt, Goethe's Unterhaltungen mit dem Kanzler Friedrich von Müller, Stuttgart, 1870; 2 éd. augmentée, 1897.

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4 vol., Paris, s. d.

Euvres de Goethe, traduction nouvelle par J. Porchat, 10 vol.,
H. Richelot, Gathe, ses mémoires et sa vie, traduits et annotés,

Ouvrages sur Goethe. -1° ALLEMANDS: Viehoff, Goethes Leben, Geistesentwicklung und Werke, 4° éd., 4 vol., Stuttgart, 1876. Schæfer, Gathes Leben, 3o éd., 2 vol., Leipzig, 1877. Godeke, Gothes Leben und Schriften, 2o éd., Stuttgart, 1877. Düntzer, Frauenbilder aus Gothes Jugendzeit, Stuttgart, 1852; Freundesbilder aus Gothes Leben, Leipzig, 1853; Aus Gothes Freundeskreise, Brunswick, 1868; Gathes Leben, Leipzig, 1880. Herman Grimm, Gathe, 4° éd., Berlin, 1887. — W. Scherer, Aufsätze über Gothe, Berlin, 1886. Bernays, Goethe, Gottsched, zwei Biographien (extrait de la Allgemeine deutsche Biographie), Leipzig, 1890. Heinemann, Goethe, Leipzig, 1895. L. Geiger, Aus Alt-Weimar, Berlin, 1897. Richard M. Meyer, Gathe (avec une bibliographie sommaire), Berlin, 1895; 2e éd., 1898. Bielschowsky, Goethe, I, Munich, 1895; 2° éd., 1898.

2o ANGLAIS G.-H. Lewes, The Life of Gathe, 2o éd., 2 vol., Leipzig, 1864; tra

homme méthodique et froid, mais instruit, et aimant les arts, qu'il avait étudiés en Italie. Sa mère, fille d'un échevin, et qui n'avait que dix-huit ans lorsqu'il vint au monde, avait des qualités tout opposées; elle corrigeait, par la grâce et l'enjouement, ce que l'éducation paternelle avait de trop rigide; on a gardé d'elle des lettres d'un tour vif et aimable. Goethe disait plus tard qu'il tenait de son père sa haute stature et la direction sérieuse de sa vie, de sa mère (et c'était sans doute, à ses yeux, la meilleure part) son joyeux tempérament d'artiste 1. Sa première' instruction terminée à la maison paternelle, il se rendit à l'université de Leipzig. Il y resta trois ans (1765-1768), connut Gottsched et Gellert, et, négligeant le droit, suivit les leçons d'OEser, directeur de l'Académie des beaux-arts et disciple de Winckelmann. OEser lui apprit, dit-il, « que l'idéal de la beauté c'était la simpli«cité et le calme ». Pour le moment, cet enseignement ne pouvait pas lui profiter, mais il s'en souvint plus tard. Les poésies qu'il écrivit à Leipzig sont, à peu d'exceptions près, dans le goût de l'école saxonne, froides et pleines d'allusions mythologiques. Mais les deux comédies qui datent de la même époque, l'Amant capricieux et les Complices, sans s'écarter beaucoup des types convenus, montraient déjà un talent d'observation qui était un commencement d'originalité 2.

A Strasbourg, où ses études le fixèrent l'année suivante (1770-1774), il fit la connaissance de Herder. Ce fut le moment

duction allemande de Frehse (15e éd., 2 vol., Berlin, 1886) et de Lippert (2 vol., Berlin, 1886).

3o FRANÇAIS A. Hédouin, Gerthe, sa vie et ses œuvres (d'après Lewes), Paris, 1866. Mézières, Wolfgang Goethe, nouv. éd., 2 vol., Paris, 1895. Firmery, Gothe, Paris, 1890. Caro, La Philosophie de Goethe, 2 éd., Paris, 1880. E. Lichtenberger, Étude sur les poésies lyriques de Gathe, 2 éd., Paris, 1882. Th. Cart, Goethe en Italie, Paris et Neuchâtel, 1881. -- P. Stapfer, Gæthe et ses deur chefs-d'œuvre classiques, Paris, 1881. — Sainte-Beuve, Causeries du lundi, II (Goethe et Bettina); Nouveaux Lundis, III (Entretiens de Goethe et d'Eckermann). Edmond Scherer, Etudes sur la littérature contemporaine, II (Faust); VI (Goethe). - Montégut, Types littéraires et Fantaisies esthétiques, Paris, 1882.

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A consulter.-F.Ewart, Gothes Vater, Hambourg et Leipzig, 1899.-K.Heinemann, Gathes Mutter, Leipzig, 1892. Ph. Stein, Briefe von Goethes Mutter, Leipzig, 1891. Arvède Barine, Bourgeois et Gens de peu, Paris, 1894.

2. Die Laune des Verliebten (Ire éd., Gothes Werke, Stuttgart et Tubingue, 1806). Die Mitschuldigen (1re éd., Gæthes Schriften, Leipzig, 1787).

décisif de sa jeunesse. Guidé par Herder, il s'orienta au milieu des influences diverses qui sollicitaient alors un jeune écrivain. Il choisit ses modèles, ses autorités, les hommes auxquels, dans le présent comme dans le passé, il était porté à se rattacher. Du XVIIe siècle, il rejeta tout un côté, le côté néo-classique, représenté en Allemagne par ceux qui s'appelaient les Anacréons et les Horaces modernes, et en France principalement par la tragédie de Voltaire. Mais il resta fidèle à Rousseau. En général, il préféra ce qui est simple et primitif. La Bible, Homère, Shakespeare, lui révélèrent un art nouveau, dont la perfection consistait à se rapprocher le plus possible de la nature. Shakespeare surtout le captiva. « La première page que je lus de Shakespeare, » dit-il, « me fit sien pour la vie. »

Revenu à Francfort, avec une poétique désormais arrêtée dans ses principes essentiels, il fit encore, en 1772, un court séjour à Wetzlar, où son père l'avait envoyé pour se fortifier dans l'étude du droit, et il demeura ensuite dans sa ville natale jusqu'au moment où il s'établit à Weimar (1775). Doué d'un vif sentiment de la réalité, en même temps que d'une haute énergie créatrice, il recueillait partout et laissait mûrir dans son esprit les germes de ses premières œuvres. Il rapportait de Strasbourg la conception encore vague du caractère de Faust et peut-être l'idée de Gatz de Berlichingen. A Wetzlar et à Francfort même, il trouva les éléments des Souffrances de Werther 1. Gætz de Berlichingen, Werther, Faust, c'est-à-dire Shakespeare, Rousseau et les aspirations confuses d'une société concentrées dans le génie d'un homme, toute la période est là, peinte en traits ineffaçables. Goethe se rencontre, dans ces sujets, avec Klinger, le Peintre Müller et d'autres de ses contemporains; mais ce qui fait sa supériorité sur eux, c'est d'avoir su dégager et mettre en lumière le fond éternel d'un

1. Le roman de Werther est le résultat d'un procédé de concentration qui est caractéristique pour l'auteur. Quatre éléments se sont fondus dans ce roman, sans que l'unité en souffre 1° les personnes que Goethe connut à Wetzlar, spécialement Jean-Christian Kestner, secrétaire de légation du Hanovre, et Charlotte Buff, fille du bailli de l'ordre Teutonique, qui se marièrent en 1773; 2° un autre couple, moins bien assorti, l'Italien Pietro Antonio Brentano, épicier à Francfort, et Maximilienne, fille de Mme de Laroche (voir plus haut, p. 319); 3° le fils d'un pasteur de Brunswick, le jeune Jérusalem, victime d'un désespoir d'amour; 4o entin et surtout Goethe lui-même. A consulter A. Kestner, Grethe und Werther, 2e éd., Stuttgart, 1855 (traduction française de L. Poley, Paris, 1855); deux lettres françaises de Merck à sa femme, du 29 janv. et du 14 fév. 1774 (Briefe aus den Freundeskreise von Goethe, etc., Leipzig, 1847); et le 12 livro do Poésie et Vérité.

sentiment dont ils n'avaient saisi que l'expression passagère. Ce 'qu'il voit dans Goetz, dit-il, c'est « le type d'un homme rude, << animé de bonnes intentions, et qui, dans un temps d'anarchie << sauvage, ne prend conseil que de lui-même 1». Goetz fait appel à la force, dans un monde où tous les droits sont méconnus; mais ce qui rend sa révolte intéressante et presque légitime, c'est une bravoure et une loyauté qui le rendraient digne de commander dans tous les temps. Werther touche de plus près aux sentiments du siècle, et cependant c'est encore aujourd'hui, de tous les romans de Goethe, celui qui est resté le plus vrai. Werther est un enfant de la nature, que le contact de l'humanité froisse et humilie; c'est un amant de l'idéal, que la réalité écrase. On peut ne pas souffrir de son mal, mais chacun en a senti les approches. « Il est une époque de la vie, » dit Goethe, « où chacun croit que « Werther a été écrit pour lui seul 2. »

Gotz de Berlichingen parut en 1773, Werther en 1774. Le premier Faust fut publié en 1790, comme fragment, et enfin, comme tragédie, en 1808. Goethe y ajouta plus tard une seconde partie, qui l'occupa de longues années, et que le public ne connut qu'après sa mort, en 1833 3. Mais les scènes principales, celles qui constituent le noyau de l'œuvre, sont contemporaines de Gætz et de Werther, et datent de ces années de la jeunesse de Goethe où son génie, contenu seulement par un profond sentiment du beau, éclatait dans sa libre spontanéité et traduisait avec une éloquence contagieuse toutes les revendications du siècle. Même les meilleures parties du second Faust sont celles qui reproduisent le ton des premiers monologues. Le Faust est le document par excellence de la période Sturm-und-Drang; il suffirait à lui seul à la caractériser. Mais, ici encore, l'art du poète a été de dégager le côté général (humain, pour employer le mot du temps) du problème qui préoccupait ses contemporains. Deux types sont opposés l'un à l'autre, et toute la destinée humaine est contenue dans cette opposition. Méphistophélès, c'est « l'esprit qui nie

1. Poésie et Vérité, liv. XII.

2. Conversations d'Eckermann, 2 janvier 1824.

3. Seule, la tragédie d'Hélène, qui forme le troisième acte, fut publiée séparément dans l'édition des Euvres de 1827.

4. Une rédaction du premier Faust, antérieure à l'arrivée de Goethe à Weimar, a été publiée, en 1887, par Erich Schmidt: Gothes Faust in ursprünglicher Gestalt, 4 éd., Weimar, 1899. Tous les témoignages relatifs à la composition de Faust ont été recueillis par Otto Pniower: Gathes Faust, Zeugnisse und Excurse, Berlin, 1899.

«< sans cesse », qui ne voit jamais que le côté périssable et chimérique de nos jouissances et de nos efforts. Faust, c'est la recherche haletante et invincible de l'idéal. « Deux âmes, » s'écriet-il, « habitent dans mon sein. L'une veut se séparer de l'autre; «<l'une, par un désir énergique, s'attache, se cramponne à ce << monde avec ses organes. L'autre s'élève violemment du fond « des ténèbres vers la demeure des êtres sublimes à qui elle doit « la vie. Oh! s'il y a dans l'air des esprits qui exercent leur empire <«< entre le ciel et la terre, descendez de vos nuages d'or, et << emportez-moi loin d'ici dans une riche et nouvelle existence ! » Au lieu des anges du ciel, personnification de ses rêves, c'est l'esprit de négation qui s'attache à ses pas, et qui ricane sur ses «< hautes spéculations », sans pouvoir lui arracher du cœur le besoin de chercher encore et d'espérer toujours. Le conflit de ces deux personnages, qui se heurtent sans cesse et qui ne peuvent s'éviter, constitue l'unité du drame. D'autres figures, qui animent les épisodes, lui donnent le mouvement et la vie. C'est Wagner, le savant, «< amoureux de vétilles, qui fouille de ses «< mains avides pour découvrir des trésors, et qui se sent heureux « d'avoir trouvé quelques vermisseaux »; c'est Valentin, soldat loyal et simple homme du peuple, qui règle sa conduite sur la loi du devoir et la crainte du déshonneur; c'est, avant tout, Marguerite, dont le caractère est formé d'un mélange de passion et d'ingénuité, et qui reste pure même après sa faute. Chaque situation se détache en pleine lumière, et semble exister pour elle-même; mais le tout reste un fragment. Si le sujet, dans ses vastes proportions, avait pu être soumis à un plan régulier, si la conception philosophique du poète avait pu être coulée dans un moule accompli, la tragédie de Faust serait le chef-d'œuvre de l'esprit humain.

Goethe se plaît à rappeler, dans ses Mémoires, la rapidité avec laquelle Gotz de Berlichingen et Werther furent écrits1; mais il ne faut pas oublier qu'une lente conception avait précédé. Le Gotz seul fut remanié d'après les conseils de Merck et de Herder2. Le Faust lui-même n'épuisa pas la fécondité précoce du poète. Il

1. Poésie et Vérité, liv. XIII.

Goethe fit plus

2. Éditions de E. Lichtenberger et de A. Chuquet, Paris, 1885. tard, en collaboration avec Schiller, une troisième rédaction de Gotz de Berli

chingen pour le théâtre de Weimar. Voir, pour tous les ouvrages de la jeunesse de Goethe, l'édition de S. Hirzel, Der junge Gathe, seine Briefe und Dichtungen von 1764-1776, avec une introduction de M. Bernays, 3 vol., Leipzig, 1875; 2° éd., 1887.

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