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face, tandis que les chefs d'école cherchaient dans un lointain chimérique des sujets vides de sens et dénués d'intérêt 1.

1. Ce n'est que depuis 1837 (par H. Kurz) que le vrai nom de l'auteur du Simplicissimus est connu en Allemagne. On lui a érigé un monument à Renchen, il y a une vingtaine d'années. Il s'était caché lui-même sous des pseudonymes et des anagrammes. Il composa aussi,, avant et après le Simplex, des romans dans le goût d'Amadis le Chaste Joseph, Dietwalt et Amelinde, Proximus et Lympida, qui sont justement oubliés. Ce qui est plus intéressant, c'est un ensemble d'ouvrages qui se rattachent au Simplex et qui en forment, pour ainsi dire, le complément : le Trutz-Simplex ou Biographie détaillée et merveilleuse de l'aventurière Courage, le Springinsfeld, et le Nid merveilleux. Éditions de Holland (Der Abenteuerliche Simplicissimus, Tubingue, 1851), de A. Keller (Der Ab. Simpl. und andere Schriften, 4 vol., Suttgart, 1854-1882), de H. Kurz (Simplicianische Schriften, 4 vol., Leipzig, 1863-1864), de Tittmann (Der Ab. Simpl., 2 vol., Leipzig, 1874; Simplicianische Schriften, 2 vol., Leipzig, 1877), de Kogel (Der Ab. Simpl., Halle, 1880) et de Bobertag (Grimmelshausens Werke, 3 vol. de la collection Kürschner. A consulter F. Antoine, Étude sur le Simplicissimus de Grimmelshausen, Paris, 1882; F. Bobertag. Geschichte des Romans, I, 11, Berlin, 1884.

CHAPITRE VII

RÉACTION CONTRE L'ÉCOLE DE SILÉSIE

Dissolution de l'école de Silésie. 1. Les épigrammes littéraires de Wernicke. 2. Persistance de l'imitation; les satires de Canitz. Christian Weise et ses comédies. La raison érigée en principe suprême. Échec final de l'école. 3. Brockes, un précurseur lointain de Klopstock.

L'école de Silésie durait encore, quoique son autorité s'affaiblit d'année en année. Les meilleurs esprits s'en séparaient et suivaient leur propre voie. Les liens se relâchaient, les forces s'éparpillaient; on remarquait de plus en plus ce manque de cohésion, signe caractéristique des périodes qui finissent. Les satiriques avaient déjà mêlé la critique littéraire à la peinture des mœurs; mais ils n'avaient blâmé, au fond, que l'exagération d'un principe dont ils reconnaissaient la justesse. Bientôt la doctrine même fut mise en question, et, ce qui semblait encore plus hardi, on osa douter du talent des maîtres.

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Le premier dissident qui se produisit au sein de l'école fut un homme dont le jugement critique était fortifié par une grande connaissance du monde et des littératures étrangères. Christian Wernicke fut trop peu apprécié de ses contemporains de là vient l'incertitude où l'on est resté longtemps sur sa vie. Il est né en 1661; il nous apprend qu'il était Prussien de naissance, fils d'un père saxon et d'une mère anglaise. C'était un esprit cosmopolite. Il séjourna longtemps en Angleterre, et s'établit ensuite à Hambourg. Il fut nommé, en 1708, ministre résident du Dane

mark à Paris; il mourut à Copenhague, en 1725. Wernicke publia d'abord, en 1697, à Amsterdam, un recueil d'Inscriptions ou Epigrammes, qui s'augmenta d'édition en édition 1. Il joignait à chacune de ses petites poésies des remarques en prose, où sa pensée se développait et se complétait par des exemples. Il attribuait un grand rôle à la critique littéraire, à condition qu'elle fût sérieuse, tout en restant mesurée dans les termes. Il prétendait que ce qui avait élevé si haut la littérature française, c'est que chaque ouvrage, quel qu'en fût l'auteur, était aussitôt suivi d'une critique, tandis qu'en Allemagne on ne pouvait toucher à un grand nom sans être assailli par un essaim de poétereaux, disciples obscurs qui se croyaient intéressés à la gloire du maître. Wernicke fit l'expérience du danger qu'il peut y avoir à exciter la bile des mauvais écrivains; il s'attira de violentes et grossières diatribes. Mais ses critiques restaient, et l'autorité de l'école était ébranlée. Wernicke affirmait hautement que l'Allemagne avait plus de rimeurs que de poètes, que c'était par une étrange illusion qu'elle osait se comparer à la France, à l'Angleterre, à l'antiquité. Il disait que les personnages tragiques de Lohenstein marchaient sur des échasses, au lieu de chausser le cothurne, Il méprisait le style fleuri : « Ce sont les champs stériles qui <<< sont envahis par les fleurs. » Une de ses épigrammes, intitulée Sur certaines poésies, est ainsi conçue : « La coupe? parfaite. Le vers? « coulant. La rime? exacte. Les mots? bien ordonnés. Rien n'est « dérangé que le sens 2. » N'était-ce pas, en deux lignes, toute la critique de l'école de Silésie? Wernicke pensait que le salut viendrait de la cour de Berlin, « où se faisaient remarquer des << hommes distingués, qui savaient unir dans leurs poésies la « régularité à l'invention, l'intelligence à la sensibilité, et parler << une langue à la fois vive et correcte 3. » C'était une allusion à Canitz et au petit groupe qui se rattachait à lui.

1. Uberschriffte oder Epigrammata, in Kurtzen Satyren, Kurtzen Lob-Reden und Kurtzen Sitten-Lehren bestehend, Amsterdam, 1697. — Un choix, avec Canitz, Neukirch, Weise et Brockes, dans : Die Gegner der zweiten schlesischen Schule, do L. Fulda (collection Kürschner).

2.

« Der Abschnitt? gut. Der Vers? fliesst wol. Der Reim? geschickt.
Die Wort'? in Ordnung. Nichts als der Verstand verrückt. »>

3. « Sintemahl sich da einige vornehme Hoffleute hervorgethan, welche Ordnung zu der Erfindung, Verstand und Absehn zur Sinnligkeit, und Nachdruck zur Reinligkeit der Sprache in ihren Gedichten zu setzen gewusst. » (Article d'Erich Schmidt, dans la Allgemeine Deutsche Biographie, t. XLII, p. 92.)

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Ce qui achevait de ruiner l'école de Silésie, c'est que les autorités françaises qu'elle invoquait perdaient, en France même, de leur prestige. Ronsard avait été détrôné par Malherbe, et Malherbe lui-même n'était plus considéré que comme un précurseur de Boileau. Au temps d'Opitz, on imitait les auteurs de la Pléiade; ce fut Boileau que l'on imita maintenant. Le baron Louis de Canitz, né à Berlin en 1654, donna l'exemple, et il eut un disciple dans Benjamin Neukirch. Homme du monde et diplomate, Canitz visita plusieurs cours de l'Europe et finit par entrer au service du Grand Électeur Frédéric-Guillaume. Il prit part aux négociations pour la paix de Ryswyk, et mourut, peu après son retour à Berlin, en 1699. La mesure parfaite de l'esprit français fut son idéal. Sa méthode fut d'allier le bon sens avec la rime. Ses poésies légères sont écrites dans un style facile; ses satires sont pleines de raison; mais les unes et les autres manquent de verve. Le plus grand éloge que l'on puisse faire de Canitz, c'est de reconnaître qu'il sut éviter en effet, comme il le voulait, les défauts des derniers poètes silésiens 1.

La poésie allemande redescendait peu à peu des hauteurs nuageuses auxquelles l'avait élevée Lohenstein. Canitz lui avait fait abaisser son vol; Christian Weise la ramena jusqu'à terre, en la faisant servir à ses desseins pédagogiques. Né à Zittau en Saxe, en 1642, fils d'un instituteur, Weise consacra sa vie à l'enseignement; il dirigea longtemps le gymnase de sa ville natale, qu'il rendit très prospère; il mourut en 1708. Il avait débuté, tout jeune, par un recueil de poésies légères, destinées à être chantées dans les réunions d'étudiants: c'étaient les Pensées superflues de la verte jeunesse 2. Que fallait-il dans un pareil genre? Du naturel,

1. Ses poésies furent recueillies après sa mort (Berlin, 1700); lui-même n'en avait publié que des éditions partielles. Le Silésien Benjamin Neukirch, né en 1665, mort à Anspach en 1729, a survécu par ses cantiques religieux; ses poésies profanes, ses poèmes héroïques sont aussi prosaïques que ses satires. Sa traduction en vers du Télémaque fut longtemps considérée comme un ouvrage classique; c'était une des lectures du jeune Goethe.

2. Ueberflüssige Gedanken der grünenden Jugend, Leipzig, 1668; seconde partic, 1674. Il donna plus tard, comme pendant, les Pensées nécessaires de la verte jeunesse (Nothwendige Gedanken der grünenden Jugend, Leipzig, 1675), et entin des Pensées mûres (Reiffe Gedanken, Leipzig, 1682), qui semblaient destinées à tous les âges.

de la gaieté et un peu d'esprit. Ce furent les qualités que Weise ambitionna toujours. « Je fais peu de cas,» dit-il, « d'un ouvrage << allemand qui ne se comprend qu'à l'aide d'un commentaire latin. «Ceux qui veulent écrire ainsi, Dieu me garde de les en empêcher! <«< Mais qu'on me laisse ma simplicité (meine Simplicität) 1! » Weise proscrivait tout ce qui était affecté, surtout les mots forgés arbitrairement. Il préférait, quand la langue faisait défaut, employer un mot étranger. Il fait beaucoup d'emprunts au français : c'est peut-être le seul genre d'excès qu'on puisse lui reprocher. Malheureusement, il n'avait pas une haute idée de la poésie; il ne la comprenait que comme un divertissement honnête, ou comme un moyen d'inculquer une vérité morale. Ses ouvrages dramatiques (il en composa une cinquantaine, qui ne sont pas tous conservés) furent joués par les écoliers de Zittau; ils étaient spécialement écrits pour eux. Personne n'y cherchera le grand art; mais c'était déjà une heureuse nouveauté, après les parades de Lohenstein, que de savoir nouer et dénouer une intrigue sans effort. Lessing ne trouvait-il pas, dans le Masaniello, « malgré la froideur pédantesque, çà et là une étincelle de << Shakespeare »? Les comédies de Weise ont de la gaieté et de l'observation, et quelques-unes ont pu être reprises avec succès. Ses pièces historiques et ses drames bibliques sont médiocres; les sujets ont dû être rapetissés d'abord, pour être mis à la portée des acteurs et des spectateurs. Ses romans enfin contiennent des épisodes agréables, des portraits bien dessinés; mais l'intention. didactique paraît trop : c'est le défaut de tous ses ouvrages 2.

La réforme de Weise, de Canitz et de quelques sages esprits qui entrèrent dans la même voie peut être appelée un progrès, venant après les ambitieuses folies de la seconde école de Silésie. Mais elle n'aboutissait, au fond, qu'à une littérature d'écoliers, de professeurs, de diplomates, qui ne pouvait prendre aucun développement, et qui, dès le premier jour, avait dit son dernier mot. On n'était revenu de l'emphase que pour tomber dans la sécheresse. On oscillait ainsi entre les extrêmes, et l'on tâtonnait

1. Curieuse Gedanken von deutschen Versen, Leipzig, 1691. C'était un traité de versification allemande. Weise composa de même un manuel du style épistolaire Curieuse Gedanken von deutschen Briefen, Leipzig, 1691. :

2. Édition moderne. Deux comédies, avec une introduction, dans: Die Gegner der zweiten schlesischen Schule, par L. Fulda (collection Kürschner). A consulter : H. Palm, Beiträge zur Geschichte der deutschen Litteratur des XVI. und XVII. Jahrhunderts, Breslau, 1877.

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