O* trifte Virginie! ô malheureux rivages! Je vois vos champs en proye à des monftres fauvages, Je vois dans leurs berceaux vos enfans maffacrés, De vos vieillards fanglans les membres déchirés, Vos remparts & vos toits dévorés par les flammes, La maffue écrafer vos filles & vos femmes, Et dans leurs flancs ouverts leurs fruits infortunés, Condamnés à périr avant que d'être nés. Votre fang n'éteint pas l'ardeur qui les dévore: Sur vos corps déchirés & palpitans encore, Je les vois étendus, de carnage fouillés, Arracher vos cheveux de yos fronts dépouillés, Et fiers de ce fardeau, dans leurs mains triomphantes, Montrer à leurs enfans ces dépouilles fumantes. Quelques foient les forfaits qui nous ayent outrages, Anglais, peut-être hélas! fommes-nous trop vengés, L'Amérique s'éloigne & l'Europe m'appelle; Là je vous vois flétris d'une honte nouvelle. Ces ** fuperbes remparts qui captivant les mers, A Neptune indigné fembloient donner des fers, Et dominant au loin fur fes plaines profondes, Au joug de la Tamife afferviffoient fes ondes; De leurs fiers défenfeurs devenus le cercueil Ont vu par le Français terraffer leur orgueil. De Mahon écrafé je vois les murs en poudre, Sur fes rochers brifés, je vois fumer la foudre. Ces *** errantes forêts, & ces nombreux vaiffeaux, Sous qui le Dieu des mers fembloit courber fes flots Ravages affreux des Sauvages dans les Colonies Anglaises. ***Bataille navale gagnée par Mr le Marquis de la Galiffonniere far Amiral Bink, Et qui du fol efpoir d'un chimérique empire, ་ Mon œil parcourt au loin ces immenses contrées, Par le flambeau des cieux de plus près éclairées Ces lieux où le Niger brûlé dans fes rofeaux, Sous les feux du Midi voit bouillonner fes eaux; Et ceux de l'Indien, qui voifin de l'aurore, Voit naître le premier l'aftre qui le colore. Par la voix du commerce appellés fur ces bords, Tous les peuples en foule y portoient leurs tréfors; Et vos avares mains fur ces rives fécondes, Amaffoient à loifir les tributs des deux mondes. Par le Français vainqueur ravagés & détruits Ces temples de Plutus en cendres font réduits. Sur ces bords défolés Cet arbre dont les ftre commerce expire; nourriffoient votre empire, Coupé dans fa racme, & couvert de débris, Voit fa tige féchée & fes rameaux flétris ; Et l'or de ces climats égaré dans fa fource, S'éloignant de vos bords, dirige ailleurs fa courfe, C'est ainsi qu'aux forfaits égalant les revers, Un Dieu de vos débris remplit tout l'Univers, * Comptoirs des Anglais dans l'Afrique & dans les Indes, ruinés par les Français. De l'ardent équateur aux deux pôles du monde, Qui fourdement tramés dans l'ombre & le filence; Tous ces traits que vos mains aiguifoient contre nous, Ainfi des Dieux vengeurs la juftice éternelle, Crains le bras des mortels & la foudre des Dieux, |