102 ELOGE DU COMTE DE SAXE, toit dépofée fa cendre. Ils approchent en fie lence, le vifage trifte, l'oeil en pleurs. Ils s'arrêtent aux pieds du tombeau, le regar dent, l'arrofent de leurs armes. Alors l'un d'eux tire fon épée, l'applique au marbre de la tombe, comme pour en aiguifer le tranchant. Saifi du même fentiment fon compagnon imite fon exemple. Tous deux enfuite fortent en pleurant, l'oeil fixé fur la terre, & fans proférer un feul mot. S'il cft un homme à qui cette action ne paroiffe pas l'expreffion la plus fublime du fentiment dans des ames fimples & guerrieres, la nature lui. a refufé un coeur. Ils penfoient ces deux Guerriers que le marbre qui touchoit aux cendres de MAURICE, avoit le pouvoir de communiquer la valeur & de faire des Héros. Vous ne vous trompez pas, dignes foldats de MA URICE, tandis que fon ombre, du milieu de l'Alface qu'elle habite, fémera encore la terreur chez nos ennemis, & gardera les bords du Rhin, la vue du marbre qui renferme fa cendre, élévera l'ame de tous les François, leur infpirera le courage, la magnanimité, l'amour généreux de la gloire, le zele pour le Roi & pour la Patrie. ELOGE D'HENRI-FRANÇOIS DAGUESSEAU, Chancelier de France, Commandeur des Ordres du Roi. DISCOURS Qui a remporté le Prix de l'Académie Françoife en 1760. *** ELOGE D'HENRI-FRANÇOIS DAGUESSEAU, Chancelier de France. L fut un tems parmi nous où la plus belle fonction de l'humanité, celle I de rendre la juftice, étoit avilic par le mépris. Les nobles auffi fiers qu'i gnorans, tyrans fubalternes d'un peuple efclave, du fein de leur oifiveté füperbe ou du milieu de leurs tournois, ofoient infulter aux travaux de la Magiftrature. La raifon qui s'avance lentement fur les pas des Arts & des Sciences, commence eufin à diffiper ce préjugé barbare. Ceux qui fervent également la Patrie, ont un droit égal à fes éloges. Depuis que les hommes font méchans & corrompus, il leur faut des armes & des Loix. Les armes, ces inftrumens de la deftruction & de la vengeance, fervent de barriere à l'Etat, & font fleurir la liberté fous l'abri de la victoire. Les Loix, image de l'éternelle Sageffe, font fervir toutes les paffions & tous les talens au bien public, protegent les foibles, répriment les grands, uniffent les peuples aux Rois, & les Rois aux peuples. Sans les armes, l'Etat deviendroit la proye de l'étranger. Sans les Loix, il s'écrouleroit fur lui-même. Auffi la Grece répétoit avec admiration les noms des Solons & des Licurgues, avec ceux des Miltiades & des Léonidas. Rome fe glorifioit autant de la cenfure de Caton, que des victoires de Pompéc: & les Chinois, ce peuple antique, fi fameux dans l'Afie par la fageffe de fes Loix; élevent des arcs de triomphe aux Magiftrats comme aux Guerriers. Le même fentiment anime parmi nous ce Corps illuftre d'hommes vertueux & éclairés qui réuniffant aux titres d'Orateurs & de Philofophes, les noms plus glorieux de Citoyens & de Patriotes, penfent que les talens ne font rien s'ils ne font employés pour le bonheur de l'Etat. L'honneur immortel d'un éloge pu blic qu'ils ont accordé à Maurice Comte de Saxe, ils l'accordent aujourd'hui à HENRI FRANÇOIS DAGUESSEAU, Chancelier de France. Heureux celui qui eft digne de fervir d'interpréte à la voix de la Patrie ! J'ofe tenter un fi noble effort. Je n'efpére point embellir la vertu, elle eft trop, au-deffus des ornemens frivoles de l'efprit. Mais je lui rendrai hommage: je la préfenterai dans fa majeftucufe fimplicité. Je peindrai dans DAGUESSEAU le grand Magiftrat, le Savant profond, l'homme |