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En troisième lieu, on ne saurait se représenter le mouvement d'un point sans étendue, et encore moins la trace qu'on suppose qu'il laisse après lui pour produire la ligne. Quant à la ligne, on peut bien la concevoir en mouvement, selon la détermination de sa longueur, mais non pas selon la détermination qui devrait produire la surface; car alors elle est dans le même cas que le point. On en peut dire autant de la surface mue pour engendrer le solide. On voit bien que les géomètres ont eu pour propre don- objet de se conformer à la génération des choses ou à celle des idées; mais ils n'y ont pas réussi.

L'analise est beaucoup plus

idees.

On ne peut avoir l'usage des sens qu'on n'ait aussitôt l'idée de l'étendue avec toutes ses dimensions. Celle du solide est donc une des premières qu'ils transmettent. Or prenez un solide, et considérez-en une extrémité, sans penser à sa profondeur, vous aurez l'idée d'une surface ou d'une étendue en longueur et largeur sans profondeur.

Prenez ensuite cette surface, et pensez à sa longueur sans penser à sa largeur, vous aurez l'idée d'une ligne ou d'une étendue en longueur sans largeur et sans profondeur.

Enfin réfléchissez sur une extrémité de cette ligne, sans faire attention à sa longueur, et vous vous ferez l'idée d'un point, ou de ce qu'on prend en géométrie pour ce qui n'a ni longueur, ni largeur, ni profondeur.

Par cette voie vous vous formerez sans efforts

les idées de point, de ligne et de surface: on voit que tout dépend d'étudier l'expérience, afin d'expliquer la génération des idées dans le même ordre dans lequel elles se sont formées. Cette méthode est surtout indispensable quand il s'agit de notions abstraites : c'est le seul moyen de les expliquer avec netteté.

Observations sur les idées simples et sur les

On peut remarquer deux différences essentielles entre les idées simples et les idées com- dées complexes. plexes. 1° L'esprit est purement passif dans la production des premières; il est au contraire actif dans la génération des dernières. C'est lui qui en réunit les idées simples d'après des modèles, ou d'après les différentes vues qui font imaginer des êtres moraux; en un mot, elles ne sont que l'ouvrage d'une expérience réfléchie. 2o Nous n'avons point de mesure pour connaître l'excès d'une idée simple sur une autre : ce qui provient de ce qu'on ne peut les diviser. Il n'en est pas de même des idées complexes on connaît avec la dernière précision la différence de deux nombres, parce que l'unité qui en est la mesure commune est toujours égale. On peut encore compter les idées simples des notions complexes qui, ayant été formées de perceptions différentes, n'ont une mesure aussi exacte que l'unité. S'il y a des rapports qu'on ne saurait apprécier, ce sont uniquement ceux des idées simples. Par exemple, on connaît exactement quelles idées on a attachées

pas

Avantages des notions des êtres

moraux

tances.

de plus au mot or qu'à celui de tombac, mais on ne peut pas mesurer la différence de la couleur de ces métaux, parce que la perception en est simple et indivisible.

Les idées simples et les idées complexes conviennent en ce qu'on peut également les considérer comme absolues et comme relatives. Elles sont absolues quand on s'y arrête, et qu'on en fait l'objet de sa réflexion sans les rapporter à d'autres; mais quand on les considère comme subordonnées les unes aux autres, on les nomme relations.

Les notions des êtres moraux ont deux avannotions des substages; le premier c'est d'être complètes : ce sont des modèles fixes dont l'esprit peut acquérir une connaissance si parfaite, qu'il ne lui en restera plus rien à découvrir. Cela est évident, puisque ces notions ne peuvent renfermer d'autres idées simples que celles que l'esprit a lui-même rassemblées. Le second avantage est une suite du premier; il consiste en ce que tous les rapports qui sont entre elles peuvent être aperçus: car connaissant toutes les idées simples dont elles sont formées, nous en pouvons faire toutes les analises possibles.

Mais les notions des substances n'ont pas les mêmes avantages; elles sont nécessairement incomplètes, parce que nous les rapportons à des modèles, où nous pouvons tous les jours découvrir de nouvelles propriétés. Par conséquent nous

ne saurions connaître tous les rapports qui sont entre deux substances. S'il est louable de chercher par l'expérience à augmenter de plus en plus notre connaissance à cet égard, il est ridicule de se flatter qu'on puisse un jour la rendre parfaite.

Cependant il faut prendre garde qu'elle n'est pas obscure et confuse, comme on se l'imagine; elle n'est que bornée. Il dépend de nous de parler des substances dans la dernière exactitude, pourvu que nous ne comprenions dans nos idées et dans nos expressions que ce qu'une observation constante nous apprend.

CONCLUSION.

L'âme, dans le seul système où il est permis à la philosophie de l'observer, tient tout des sens auxquels elle est unie; ils sont l'unique source de ses erreurs et de ses connaissances. Parmi les perceptions qu'elle en reçoit, le plus grand nombre passent légèrement, ne se montrent que pour disparaître, et ne laissent point de traces après elles. Les autres au contraire font une impression forte; elles tendent chacune à occuper l'âme toute entière, et lorsqu'elles ne sont plus dans les sens, elles restent dans la mémoire.

Cependant celles-là concourent à toutes nos actions; elles déterminent nos mouvemens d'ha

Récapitulation des chapitres précédens.

bitude, lors même qu'elles se cachent le plus à nous; elles influent particulièrement dans notre instinct, et nous obéissons continuellement à leur impression: celles-ci ne produisent rien en nous que nous ne soyons capables de démêler; l'attention les fixe, la réflexion les combine, et elles ouvrent un vaste champ à nos connaissances et à notre liberté.

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C'est par la liaison des idées que tout ce système d'opération se développe; c'est par elle qu'il a des avantages et des inconvéniens; elle est tout à la fois le principe de la folie et celui de la raison.

Tout a ses abus: combien n'y en a-t-il pas dans l'usage des signes, usage auquel nous devons notre supériorité ? Ces abus sont sensibles dans les idées abstraites qu'on réalise; dans les principes généraux qu'on s'obstine à regardes comme l'origine de nos connaissances, et dans les fausses idées qu'on se fait de la nature des êtres. Il suffirait d'apprécier la valeur des mots pour détruire toutes ces erreurs de la métaphysique. En effet à quoi se réduisent toutes nos connaissances? A des idées simples et à des idées complexes. A des idées simples, c'est-à-dire à des perceptions telles que les sens les donnent, et prises séparément des objets où elles se réunissent à des idées complexes, c'est-à-dire à plusieurs perceptions rassemblées pour former un tout; et il y en a de deux espèces. Les unes sont destinées à représenter les objets

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