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Qui, d'un noble travail recherchant les plaisirs,

A la

sage Clio consacras tes loisirs;

N'as-tu pas vu partout la sagesse proscrite,
La faveur en tout tems oublier le mérite,
Les honneurs, les trésors accumulés sans choix,
Et les peuples payer les caprices des rois?
Monarques malheureux, traînés de piége en piége!
Délivrés d'une erreur, une autre les assiége.

Le tems, la voix du peuple a beau les avertir:
Avides d'acheter un nouveau repentir,

Chez eux la Flatterie est toujours honorée;
Et la Vertu déplaît, ou languit ignorée.
Cette fille des dieux, au front plein de candeur,
Ne sait pas, en rampant, se vanter sans pudeur.
Source du vrai mérite, elle est modeste et fière;
Elle cède à l'Intrigue, à l'Ignorance altière;
Jamais la Calomnie, habitante des cours,
D'homicides poisons n'infecta ses discours.

Si

pour toi les destins gardant leur inclémence
Ont trahi bien souvent ta noble confiance,
Si des vils intrigans l'espoir est couronné,
Ami de la Vertu, n'en sois plus étonné.

1. Le père de Chénier, après avoir rempli honorablement plusieurs fonctions diplomatiques, a publié deux ouvrages : l'un sur l'histoire des Maures, l'autre sur les révolutions de l'Empire Ottoman. (Voy. la Notice de M. Daunou sur Chénier.)

Chacun fuit en nos jours sa présence importune.
La reine des humains, l'inconstante Fortune,
Parcourant l'univers un bandeau sur les yeux,
Verse de tous côtés ses dons capricieux.
Vois tous ces charlatans, empressés à lui plaire,
A la cour, chez Thémis, et dans le sanctuaire,
Employer tour à tour la fraude et les combats,
Lutter en l'invoquant, s'égorger sur ses pas.
A ses dons quelquefois si les sages prétendent,
C'est en sages du moins; et, muets, ils attendent
Que son choix... vain espoir! inutile désir!
Ses regards sont voiles; pourrait-elle choisir?

Du moment où le ciel nous offre sa lumière,
Jusqu'au jour où le ciel ferme notre paupière,
Nous vivons entourés d'ingrats et de flatteurs,
Et d'une foule oisive, écho des imposteurs;
Mais, sous la faux du tems dès qu'un homme succombe,
La vérité s'avance, et s'assied sur sa tombe.
Aux yeux de l'avenir les vertus ont leur prix;
Et l'or n'a pas sauvé Mazarin du mépris.
Ce perfide étranger, grand dans l'art de séduire,
Qui gouverna la France, et faillit la détruire,
Lègue à ses héritiers des trésors criminels,
Grossis au pied du trône, à l'ombre des autels.
Phocion, qui des Grecs releva la puissance,
Puni de ses bienfaits, supportant l'indigence,
Condamné par les lois, mais non déshonoré,

Meurt, et de ses bourreaux est bientot adoré.
Réponds-moi: qui des deux doit exciter l'envie?
Ah! d'un culte immortel si ma mort est suivie,
Je suis prêt, diras-tu: ministres du trépas,
Apportez la ciguë, et ne me plaignez pas.

Tes aïeux ont versé leur sang pour la patrie;
A de nombreux périls ta prudence aguerrie
Fit respecter Louis chez le Maure indompté,
Et du peuple français soutint la majesté.
Mais l'abandon payait ton zèle et tes services,
Quand le sort à tes yeux récompensait les vices;
Tu cédais, ô mon père; et j'ai vu de tes jours
Un venin sombre et lent précipiter le cours.
Et maintenant le ciel, roi de nos destinées,
Va jusqu'à cent hivers prolonger tes années;
Le ciel, te prodiguant ses rayons généreux,
Perce de tes chagrins les voiles ténébreux.
Mais lorsque, terminant tes jours longs et prospères,
Il unira ton ombre aux ombres de nos pères,
Moi, si je te survis, pâle et couvert de deuil,
Je chanterai ton nom dans l'hymne du cercueil.
Ce nom chez les Français ne sera point sans gloire;
Tous les vrais citoyens chériront ta mémoire.
Leur estime t'est due; et tes fils à leur tour
Sauront, n'en doute pas, la conquérir un jour.
Que d'autres, enrichis des misères publiques,
Insultent l'indigent sous leurs toits magnifiques,

Et du peuple affamé calculent les malheurs :
Tes fils ne seront pas héritiers de ses pleurs.
De ma mère et de toi nous aurons en partage
Des biens plus précieux, un plus grand héritage:
Nous aurons les vertus, ces richesses du cœur;
Un souvenir sans tache, et des trésors d'honneur;
Une âme fière et pure, incapable de crainte;
Et l'amour de la gloire, et la liberté sainte,
Méprisant les faveurs qu'il faudrait mendier,
Et vers un ciel jaloux levant son œil altier.

ÉPITRE AU ROI.

1789.

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MONARQUE des Français, chef d'un peuple fidèle,
Qui va des Nations devenir le modèle,
Lorsqu'au sein de Paris, séjour de tes aïeux,
Ton favorable aspect vient consoler nos yeux,
Permets qu'une voix libre, à l'équité soumise,
Au nom de tes sujets te parle avec franchise.
Prête à la vérité ton auguste soutien,
Et, las des courtisans, écoute un citoyen.

Des esclaves puissans qui conseillent les crimes
Tu n'as pas adopté les sanglantes maximes;
Le peuple, en tous les tems calomnié par eux,
Trouve son défenseur dans un roi généreux.
Des préjugés du trône écartant l'imposture,
Louis sait respecter les droits de la nature.
C'est au peuple en effet que tu dois ta splendeur;
Et sa grandeur peut seule affermir ta grandeur.
En vain les ennemis du Prince et de la France,
Étalant sans pudeur leur superbe ignorance,

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